Le Premier ministre Nagib Mikati a annoncé mercredi dernier que le Conseil des ministres, suspendu depuis octobre, se réunira dans les deux prochains jours pour étudier le projet de budget pour 2022. Les jours sont passés. Et toujours rien.

" Je recevrai le projet de budget dans les deux prochains jours et de ce fait il devient nécessaire que le Conseil des ministres se réunisse pour l’approuver. Cela est important pour le Fonds monétaire international et pour toutes les réformes sur lesquelles nous travaillons. " C’est en ces termes que s’est exprimé le Premier ministre à l’issue de sa réunion mercredi avec le président de la République Michel Aoun. Il a été rapporté que la réunion a été entrecoupé d’un appel au président du Parlement Nabih Berry, au cours duquel ils ont discuté de l’ouverture d’une session extraordinaire du Parlement et de la convocation du Conseil des ministres pour approuver le budget. Depuis, plus rien.

La presse ces derniers jours a évoqué un compromis entre Aoun, Berry et Mikati. Il s’agirait d’ouvrir une session extraordinaire du Parlement en échange de la reprise des réunions du Conseil des ministres. Le président Aoun souhaiterait ainsi que des réformes soient réalisées avant la fin de son mandat au cours duquel rien n’a été accompli, alors que Nabih Berry voudrait que l’activité du Parlement reprenne pour garantir l’immunité aux députés qui font l’objet de poursuites dans l’enquête sur l’explosion du 4 août 2020 au port.

Manoeuvre de Mikati

Néanmoins, selon des sources bien informées, tous ces propos sont sans valeur. Premièrement, Nagib Mikati a essayé de piéger tout le monde en affirmant que le budget est sur la table (alors qu’il semble qu’il ne soit pas encore prêt), pour relancer les réunions de son cabinet. Dans ce cas, si le Hezbollah n’y participe pas, il en assumera l’entière responsabilité.

Deuxièmement, le chef de l’Etat ne voulait pas ouvrir une session extraordinaire du Parlement mais s’est vu dans l’obligation de le faire à cause de la pétition présentée par des députés d’Amal, du courant du Futur et du Parti socialiste progressiste. Si la pétition finit par être signée par la majorité des députés, M. Aoun serait forcé d’ouvrir une session. Pour éviter un tel scénario, il a pris donc l’initiative de convoquer cette session extraordinaire.

Selon les mêmes sources, M. Mikati a essayé de trouver une solution partielle qui consisterait donc à réunir un Conseil des ministres pour discuter du budget, auquel assisterait forcément l’auteur de ce texte, le ministre des Finances Youssef Khalil, représentant ainsi les chiites autour de la table du Conseil.

Le juge Bitar d’abord

La réponse du Hezbollah ne s’est pas fait attendre : Vous devez d’abord démettre le juge Tarek Bitar de ses fonctions. Le Hezbollah n’avait de plus aucune raison de faire une fleur à M. Mikati depuis que ce dernier a ouvertement critiqué la diatribe anti-saoudienne de Hassan Nasrallah.

Nabih Berri, de son côté, a rétorqué que ce n’est pas dans les prérogatives du président de la République de définir l’ordre du jour de la session extraordinaire du Parlement, que ce soit pour étudier le projet du budget ou d’autres projets de loi. Du coup, tout s’est arrêté et la tentative de réunir le Conseil des ministres est restée lettre morte.

M. Mikati avait utilisé cet appât du budget, étant convaincu qu’aucune force politique ne peut prendre le risque de bloquer à l’heure qu’il est un tel projet, alors que la pression populaire et extérieure est aussi forte. Au niveau local, différentes couches de la population attendent des mesures pour améliorer leurs conditions de vie. Et les parties extérieures voient dans le budget un premier pas vers les réformes. Mais pour le parti de Dieu, le compromis doit comprendre tous les dossiers à la fois, en un seul paquet.

Reste qu’il semble que le juge Tarek Bitar détient bel et bien des informations qui mettent en cause le Hezbollah. Du coup, le Hezb, qui fait face déjà une animosité extérieure, ne veut pas en plus subir une hostilité supplémentaire intérieure, surtout de la part de son principal allié chrétien.

A noter que le dernier budget a été voté en 2020. Pour 2022, les responsables sont déjà en retard quant aux délais imposés par la Constitution qui voudrait que le projet soit adopté avant la fin de l’année. La préparation d’un budget englobant des réformes est une des conditions du FMI à qui le Liban a demandé une aide financière dès mai 2020.