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Même si l’économie libanaise a montré quelques signes de stabilisation en 2022, elle est restée fortement déprimée. Un environnement de forte incertitude prévaut dans le pays. Les perspectives économiques sont très incertaines et dépendent des actions politiques des autorités. C’est ce qui ressort du rapport du Fonds monétaire international sur le Liban, rendu public jeudi.

Les signes de stabilisation de l’économie libanaise détectés en 2022 ont été soutenus par une suppression des mesures de lutte contre le Covid, un rebond du tourisme, de forts envois de fonds et une amélioration progressive des échanges commerciaux au deuxième semestre, souligne le rapport 2023 du Fonds monétaire international (FMI) sur le Liban. C’est peut-être le seul élément positif du rapport publié jeudi au terme d’une mission de reconnaissance effectuée par un groupe de ses employés au Liban dans le cadre de la procédure prévue par l’article IV de son statut.

En vertu de cet article, une équipe du FMI se rend dans le pays concerné pour recueillir sur place des informations économiques et financières. Elle s’entretient avec les responsables de ce pays de l’évolution économiques et des politiques établies sure ce plan.

À son retour à Washington, elle rédige un rapport qui sert de base aux discussions du conseil d’administration.

Dans ce document, le FMI tire la sonnette d’alarme et considère que le blocage et le surplace dans lesquels le pays est plongé " constituent un véritable danger pour la stabilité économique et sociale dans le pays ".

L’organisation internationale souligne que les restrictions du secteur bancaire et un approvisionnement en électricité coûteux et très limité " continuent d’entraver l’activité économique ". Par ailleurs, suite à la dépréciation spectaculaire du taux de change au premier trimestre 2023, la dollarisation des liquidités a augmenté et l’inflation s’est accélérée pour atteindre 270% en glissement annuel en avril 2023.

Le rapport du FMI estime que le déficit budgétaire s’est creusé à 5% du PIB en 2022, en raison de l’effondrement des recettes, alors que le déficit du compte courant s’est creusé à près de 30% du PIB en raison de la flambée des importations. Quant à l’investissement intérieur étranger (IDE), il est resté déprimé.

La mise en œuvre décisive d’un plan global de relance économique pourrait réduire progressivement les déséquilibres et fournir un point d’ancrage politique, qui contribuera à restaurer la confiance et facilitera le retour à la croissance, souligne le texte. Cependant, la poursuite du statu quo présente le plus grand risque pour les perspectives. De nouveaux retards dans les réformes maintiendront la confiance au plus bas et la dollarisation monétaire de l’économie augmentera. Le taux de change continuera de se déprécier, maintenant l’inflation à un niveau élevé.

L’activité économique se déplacera vers les secteurs informels, compliquant davantage la collecte des recettes fiscales, avertit le rapport, qui considère que l‘émigration, en particulier parmi les professionnels qualifiés, pourrait s’accélérer, compromettant la croissance future. L’investissement dans le capital physique sera limité, les banques ne seront pas en mesure d’étendre le crédit de manière significative et la croissance réelle restera modérée, poursuit le document.

La position extérieure sera très volatile, avec une aide limitée des partenaires multilatéraux et régionaux. La dette publique restera insoutenable, car il est peu probable que la restructuration se poursuivra en l’absence de réformes, ce qui limite considérablement la capacité d’emprunt du gouvernement. La fourniture de services par l’État sera limitée, car les faibles revenus et le manque de financement forceront une nouvelle compression des dépenses (investissement en capital, emploi et salaires). Les conditions sociales deviendront de plus en plus intenables.

Pas de réformes  

Le FMI se dit gravement préoccupé par le fait que, depuis plus de trois ans, la crise profonde et multiforme du Liban a entraîné une détérioration dramatique des conditions économiques et sociales.

Tout en reconnaissant la complexité du contexte politique, il regrette les mesures politiques " très limitées " prises pour faire face à la crise et souligne les risques et la flambée des coûts liés à de nouveaux retards, appelant à la mise en œuvre décisive d’un plan de réforme global pour résoudre la crise existentielle dans laquelle le pays ne fait que s’enfoncer et assurer une reprise durable.

Il souligne aussi le rôle crucial que le soutien apporté par les donateurs pourrait jouer dans la stabilisation et la relance de l’économie, une fois que les réformes seront mises en œuvre.

Une restructuration crédible du système financier est la clé du rétablissement de sa santé et de sa viabilité, relève le Fonds monétaire international, qui appelle à des actions immédiates pour faire face aux pertes exceptionnellement importantes et souligne l’importance de protéger les petits déposants dans la mesure du possible. Selon le document, le retard dans la restructuration du secteur financier, entre mars 2020 et janvier 2023 a fait perdre près de 10 milliards de dollars aux clients des banques.

Pas de recours aux ressources publiques  

Le FMI estime que le recours aux ressources publiques devrait être limité et conforme à l’objectif de viabilité de la dette. Entre-temps, Il serait essentiel, selon lui, de remédier aux faiblesses de la loi sur le secret bancaire et de renforcer le cadre institutionnel de la banque centrale.

Il serait tout aussi essentiel de réduire une inflation élevée, note-t-il, de remédier à la forte dépréciation du taux de change et de reconstruire la crédibilité de la banque centrale. Une politique monétaire stricte et des efforts considérables pour que la banque centrale ne finance plus le gouvernement est recommandée.

L’unification des taux de change officiels favoriserait une politique monétaire plus ordonnée, réduirait les pressions sur les réserves de la banque centrale et contribuerait à accroître les recettes budgétaires, ajoute le FMI.

Un assainissement budgétaire à moyen terme, accompagné d’une restructuration de la dette, est nécessaire pour rétablir la viabilité budgétaire et créer un espace pour les dépenses sociales et de développement. Le FMI recommande une adoption rapide d’un budget 2023 " crédible " étayé par des mesures d’administration fiscale et de collecte des revenus pour soutenir les dépenses sociales et de développement urgentes.

Le Fonds Monétaire International appelle à des réformes structurelles ambitieuses pour remédier aux faiblesses de longue date du Liban et engendrer une croissance plus forte. Notant l’importance de limiter les risques budgétaires, il recommande un certain nombre de mesures pour améliorer la gouvernance et la viabilité opérationnelle des entreprises publiques et réformer le système de retraite. Il met l’accent enfin sur la nécessité de mettre en œuvre des réformes du secteur de l’électricité et d’améliorer les performances opérationnelles, ainsi que la viabilité financière du fournisseur d’électricité.