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Les réactions suscitées par l’innovation sont paradoxales et oscillent entre réjouissance, inertie de l’habitude, et peur de se sentir déphasé: ‘’Mais on a toujours procédé avec la bonne vieille méthode et ça marchait bien…’’. C’est ce qu’on oppose à quelqu’un qui sort une nouvelle idée pour améliorer un service, un produit, ou une méthode de travail. Malheureusement pour les alarmistes, la phobie de l’innovation n’est pas justifiée.

Un phénomène spontané

Commençons par distinguer entre invention et innovation. Alors que l’invention désigne la création d’un nouveau concept, l’innovation n’est autre que l’application d’une invention, ou une amélioration d’un processus, afin de créer de la valeur.

Cela dit, l’innovation ne tombe pas du ciel, tout comme elle n’émerge pas soudainement du cerveau d’un génie. Elle est en général le fruit d’une multitude d’essais, d’erreurs et d’ajustements puisque chaque innovateur s’inspire des expériences des autres. C’est pour cela qu’on voit souvent sur le marché un nouveau produit qui sort, puis, des mois ou des années plus tard, une mise à jour pour ‘’encore plus d’efficacité,’’ selon la formule consacrée. Cela peut être aussi bien un médicament, un détergent, ou une couche-culotte. Tout passe par ce fameux département ‘Recherche & Développement’ (R&D).

Mais quelle est la motivation principale à l’origine des efforts d’innovation? C’est la concurrence entre les acteurs du secteur privé. Dans le public, il n’y a pas de concurrence, donc pas besoin d’innover. C’est pour cela que les services publics moisissent dans beaucoup de pays, grâce à leurs méthodes archaïques.

L’innovation et l’économie

L’impact de l’innovation sur l’économie est double. Elle est bénéfique pour les consommateurs qui ont désormais accès à une meilleure offre. Elle l’est aussi pour les sociétés innovatrices qui vont avoir de meilleures ventes. Avec un risque quand même: comment être sûr que ce produit innové sera mieux reçu par une clientèle qui s’est habituée depuis des années à un format donné? Pas de garantie ici, sauf que les entreprises concernées se fient à des groupes de consommateurs-témoins avant de lancer le produit sur le marché.

Sur l’autre rive, il y a certainement des perdants. Ce sont les producteurs de biens et services obsolètes qui finissent par être éliminés du marché. Tel est le phénomène de la ‘destruction créatrice’, expression souvent associée à Joseph Schumpeter, économiste autrichien (puis américain) de renom du XXᵉ siècle: l’innovation crée de nouveaux marchés, mais elle en supprime d’autres. La théorie de Schumpeter supposait aussi que le pouvoir de marché généré par l’innovation pouvait produire des résultats plus efficaces que la concurrence par les prix.

Les prérequis

L’innovation peut arriver n’importe où, chez un artisan cordonnier, dans un verger, dans une usine, ou un restaurant. Mais il y a aussi une façon et un environnement qui peuvent favoriser l’innovation, comme la Silicon Valley (en Californie), Sophia Antipolis (en France), ou Singapour.

Ce sont ce qu’on appelle des ‘clusters’, des rassemblements de petites et de grandes entreprises qui, même si elles sont indépendantes, chacune profite de l’apport de l’autre selon un mode de collaboration volontaire. Ensuite, elles profitent d’une bonne infrastructure physique, et d’une forte mobilité de capitaux. Cela forme un écosystème favorable à l’investissement et à l’innovation. Berytech en est un exemple local réussi.

Troisièmement, le respect de la propriété privée, surtout dans ce cas la propriété intellectuelle de l’innovation, est crucial. Ce respect se manifeste en général par le biais de brevets. Personne n’a envie de voir son idée innovante circuler partout gratuitement.

Un Liban arriéré?

En observant les innovations qui ont lieu tous les jours dans le monde, on se demande si de tels développements pourraient se produire au Liban.

Certes, le Liban n’est pas une Silicon Valley. Toutefois, cela ne veut pas dire qu’il est impossible d’y innover. Une simple promenade dans les couloirs d’un supermarché nous renseigne sur des produits anciens, mais qui ont subi un lifting significatif. On peut même se hasarder à citer les respirateurs libanais durant le Covid, ou tout récemment la voiture électrique, appelé Lira.

Un autre exemple plus connu est la plateforme de streaming musical Anghami. Lancée en 2012 au Liban, elle n’a jamais cessé d’innover dans son offre et son service, face au géant Spotify. Elle aura été, en 2021, la première entreprise libanaise à être cotée au Nasdaq après avoir fusionné avec Vistas Media Acquisition Company Inc., une société d’acquisition à vocation spécifique.

L’État, un faux messie

Pour revenir à la R&D, d’après des études empiriques, l’État a du mal à gérer une telle activité. Le secteur privé est beaucoup plus efficace, réagit plus promptement.

L’Italie a trouvé une formule particulièrement efficiente: une collaboration étroite entre les entreprises et les universités. Tout le monde y gagne: une synergie en matériel, en ressources humaines, en acquisition de connaissances, en financement, et en profit final. L’État a simplement posé les jalons juridiques de cette collaboration. Son rôle ne doit pas dépasser ce cadre. Si il multiplie les règlementations, généralement par pur abus d’autorité, il risque de bloquer le processus.

Au Liban, il y a des tentatives de ce genre de collaboration, mais elles restent très timides. L’État, en revanche, multiplie les règles de blocage. Les ministères veulent tout contrôler alors qu’ils n’en ont ni les moyens, ni la compétence. Généralement, cela se termine par un simple pourboire.

Loin d’être un fléau, l’innovation et le progrès technique sont la force motrice du développement. C’est un phénomène spontané; il s’agit juste de créer l’environnement qui lui est adéquat.

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