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"Le Liban n’a pas besoin d’une guerre", déclamait la ministre française des Affaires étrangères lors de son passage récent à Beyrouth. Mais si, répond Hassan Nasrallah, et à la dose que nous déciderons.

En effet, la guerre s’installe, sans débordement, disent-ils (les deux belligérants). Mais comme on a affaire à deux têtes brûlées – il n’y en a pas un pour sauver l’autre –, tout peut arriver, ajoutant de la pagaille au chaos déjà établi depuis des mois.

Car, même sans guerre, on assiste aux manifestations de ce chaos dans tous les domaines. Un ministre de l’Énergie qui rame, haletant mais tout fier, pour assurer ses misérables quatre heures de courant. Le même, portant cette fois la casquette Eau, qui ne délivre plus rien, car les Offices d’eau sont privés de courant pour factures impayées. Les éboueurs qui ramassent les déchets une fois sur quatre et, pour économiser, s’abstiennent désormais de saupoudrer les bennes de produits de dératisation, faisant planer un risque d’hygiène majeur sur la population. Des départements administratifs entiers qui ferment boutique, bloquant les formalités d’héritage, de transactions immobilières ou encore de véhicules. La poste qui agonise après l’échec du 19ᵉ appel d’offres. Idem pour l’inspection mécanique des voitures ou les services au sol de l’aéroport. L’éducation publique qui peine à assurer un tiers de ses fonctions. Le système de santé publique qui tombe en martyr de la déliquescence générale… et on peut énumérer ainsi des dizaines de défaillances d’un État en situation de pourrissement avancé. Avec une nouvelle euthanasie toutes les semaines – les soins palliatifs étant devenus inutiles.

C’est ce moment que le Hezb choisit pour libérer Jaffa. Le "plan d’urgence" déclamé par le gouvernement apparaît alors comme un coup d’épée dans l’eau stagnante des marécages étatiques, excitant les crapauds qui se mettent à coasser lors des talk-shows télévisés. Qui plus est, le plan est géré par le ministre de l’Environnement, le même en charge des poubelles et des rongeurs ci-haut cités.

De plus, personne ne sait comment financer un tel plan. Tout le monde lorgne du côté de la BDL, même si son patron a déjà exclu tout financement de l’État. "Nécessité fait loi", répond en substance le ministre. Une façon d’insinuer: "Il va finir par craquer le vice." Et tous les vautours, en manque d’argent frais, sont déjà aux aguets.

Revenons donc à la question principale, que peut-on faire? Le "on" étant le secteur privé qui hausse le ton, la société civile qui ne sait plus à quel besoin répondre et le " commun des martyrs " qui est perdu dans la nature.

Le secteur privé a effectivement haussé le ton, et exigé, plutôt supplié, d’arrêter cette énième descente aux enfers. Mais, au-delà de cette supplication, que personne n’écoutera, l’assemblée générale de tous les organismes économiques, n’a engendré que des mesurettes, à l’image de son impuissance, même si elle représente 90% du PIB: réduction des prix, campagnes de promotion interne et externe, décoration de Noël, coopération avec les municipalités et les ONG, reprise de contact avec les associations du Golfe, activation de l’aéroport de Qoleiate et ouverture d’une ligne maritime pour rapatrier les touristes en cas de problème…

C’est maigre, mais que peuvent-ils faire d’autre, à part sonner l’alarme à l’occasion de chaque crise, déjà pour l’absence d’un président? Il y a, en réalité, un moyen qui n’a pas été encore exploité: la désobéissance civile. Un terme qui a l’air d’être un slogan plutôt qu’un vrai plan d’action. Pas si sûr.

Cette pratique a ses théoriciens et son Histoire propre depuis l’Antiquité. Elle s’est développée à travers les siècles et les zones géographiques. Parfois mise en avant par des leaders célèbres comme Martin Luther King, Ghandi, Nelson Mandela, Lech Walesa.

Et, dans bien des cas, elle a fait preuve d’une efficacité redoutable. Les causes à défendre sont aussi diverses que le sont les situations dans chaque pays. Mais le point commun est le caractère collectif d’une tranche de la population ayant décidé d’enfreindre la loi pour une bonne cause.

Quelle peut être alors sa manifestation au Liban? La plus simple est de bouder les responsables et d’arrêter de payer des impôts. Ce serait possible pour les impôts directs, les impôts indirects étant, eux, perçus à la source. Cela servira-t-il à quelque chose? Peut-être, peut-être pas, ou pas tout de suite. En tout cas, ça permettrait de remuer un peu les dunes de ce désert qui s’est installé depuis quatre ans au sein de l’État.

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