Le Liban est en proie à une crise hydrique complexe, exacerbée par des facteurs économiques, environnementaux et politiques. Le pays du Cèdre fait face, depuis plusieurs années, à des pénuries d'eau continues, des infrastructures obsolètes et surtout une gestion inefficace marquée par la corruption.
Alors que le Liban bénéficie d'importantes réserves hydrauliques, il fait face à une crise de l’eau de plus en plus aiguë. La gestion inefficace, l'infrastructure vieillissante, les pénuries saisonnières et les effets du changement climatique mettent en péril cette ressource vitale. Les pénuries d'eau qui touchent aussi bien les zones urbaines que rurales sont devenues un défi majeur pour les Libanais, affectant la qualité de vie, l'agriculture et l'industrie. Environ un Libanais sur deux serait confronté à des coupures d'eau régulières.
Pourtant, le Liban est l'un des pays les plus riches en ressources en eau du Moyen-Orient, “avec environ 1.200 mm de précipitations annuelles, bien au-dessus de la moyenne régionale”, explique un expert à Ici Beyrouth. “Cela permet d'alimenter diverses sources d'eau, principalement les barrages, les rivières et les nappes phréatiques”, précise-t-il. Le pays dispose aussi d'un important réseau fluvial. Cependant, malgré cette richesse théorique, les ressources sont mal gérées et ne suffisent pas à couvrir les besoins croissants de la population.
En moyenne, un citoyen libanais consomme entre 100 et 150 litres d'eau par jour, soit environ 36.500 à 54.750 litres d'eau par an par personne. Cette consommation varie toutefois en fonction des habitudes, des régions et de la disponibilité des ressources.
Trois sources de ressources hydriques
Les ressources en eau du Liban proviennent principalement de trois sources: les eaux souterraines, les barrages et les rivières. “Selon des estimations récentes, les réserves totales d'eau s'élèvent à environ 1,2 milliard de mètres cubes par an, mais les besoins en eau sont bien plus élevés, notamment en raison de l'augmentation de la population et des besoins agricoles et industriels”, indiquent des sources proches de l'Office des eaux.
Le Liban possède plusieurs grands barrages, dont le barrage de Qaraoun, l'un des plus grands du pays, qui stocke l'eau des rivières. Cependant, le stockage d'eau dans ces barrages est insuffisant pour répondre aux besoins durant les périodes de sécheresse. De plus, les rivières sont polluées et surexploitées. Quant aux aquifères souterrains, leur surexploitation a détérioré la qualité de l'eau, notamment par l'intrusion d'eau salée et de contaminants industriels et agricoles. Le tout est couronné par des infrastructures vieillissantes et une mauvaise gestion des ressources en eau. En effet, l'expert souligne que “les réseaux de distribution d'eau sont pour la plupart endommagés ou obsolètes, entraînant des fuites importantes et une perte de près de 40 à 50% de l'eau avant même qu'elle n'arrive aux consommateurs. Cette inefficacité est l'une des raisons principales des pénuries, notamment pendant l'été, lorsque la demande est à son paroxysme”.
Le Liban est par ailleurs particulièrement vulnérable aux changements climatiques, qui accentuent les périodes de sécheresse. L’expert assure que ces derniers pourraient réduire les réserves d’eau disponibles de 20 à 30% dans les prochaines décennies, exacerbant les pénuries et exerçant davantage de pression sur les infrastructures défaillantes.
Cette année, les prévisions de pénurie sont particulièrement préoccupantes, avec une moyenne de 120 millimètres de précipitations en moins par rapport à l'automne 2023. L'Office des eaux de Beyrouth et du Mont-Liban (EBML) a annoncé être contraint de mettre en place un rationnement sévère en raison des faibles précipitations.
L’alternative: les citernes
Par conséquent, vu le manque d'eau, de nombreux ménages et entreprises ont recours aux citernes privées et paient le prix fort. Mais d'où provient cette eau, alors même que l'État peine à en fournir? Selon un fournisseur d’eau, “les sources varient en fonction de la disponibilité de l’eau dans chaque région et de la gestion de la distribution par les autorités locales”. En effet, nombre d’entre elles se procurent de l’eau des nappes phréatiques ou des puits artésiens. Ces nappes souterraines constituent une source importante d'approvisionnement en eau, notamment dans les zones rurales et montagneuses. Il existe aussi des entreprises privées spécialisées dans la fourniture d'eau par citerne, qui achètent de l'eau soit de sources publiques (rivières, barrages), soit de puits privés. Dans certaines régions, les citernes privées peuvent également se fournir directement à partir des réservoirs publics ou des barrages gérés par des institutions publiques ou des municipalités. Dans ces cas, les citernes peuvent récupérer l'eau de réservoirs qui ne sont pas utilisés par le réseau public en raison de la mauvaise gestion de l'eau.
Parfois, des citernes se procurent de l'eau auprès de sources privées ou illégales, comme des puits non réglementés ou des sources non autorisées.
Des initiatives d’amélioration freinées par la corruption
Le gouvernement libanais a mis en place plusieurs projets pour améliorer l'approvisionnement en eau et moderniser les infrastructures, notamment la construction de nouveaux barrages et la réparation des réseaux défectueux. Toutefois, ces initiatives sont souvent freinées par des problèmes de financement, de corruption et de tensions politiques.
La gestion de l'eau au Liban est un défi majeur, mais plusieurs solutions peuvent être mises en œuvre pour améliorer la disponibilité et la durabilité des réserves d'eau. Ces solutions comportent des mesures de stockage, des améliorations dans la gestion des ressources, des investissements dans les infrastructures, ainsi que des stratégies pour faire face aux effets des changements climatiques.
Mais avant tout, la gestion des ressources en eau au Liban nécessite des réformes institutionnelles.
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