Onze banques libanaises ont lié l’instance, en demandant au ministère des Finances de contraindre l’État à rembourser ses dettes envers la Banque du Liban (BDL). L’objectif de l’action est de leur permettre d’honorer leurs engagements envers les déposants.

L’un des avocats du groupe des onze banques, Me Élie Chamoun, a expliqué les tenants et aboutissants de la liaison du contentieux, lors d’une interview accordée à la chaîne MTV, dans le cadre de l’émission Sar el-Waet.

Au départ, il faut comprendre que dans la juridiction administrative, il faut lier le contentieux, comme première étape de la démarche du demandeur d’ester l’État en justice. En d’autres termes, la liaison du contentieux désigne la règle de la décision préalable, qui fait que le procès administratif est un procès fait à un acte, et non un procès fait à l’administration. La réponse de cette dernière peut être explicite ou, en cas de silence gardé pendant un délai de deux mois, constituer un refus implicite. 

Dans ce contexte, l’avocat Élie Chamoun a souligné, en réponse à une question, que si l’administration garde le silence après le 5 février 2024, les onze banques seront acculées à cette date à introduire une action contre elle devant le conseil d’État.

Il a rappelé que les banques ont demandé à la BDL, depuis de 2014, sur base de procès-verbaux, ce qu’elle faisait des fonds qu’elles plaçaient alors auprès d’elle. Ce à quoi la banque centrale a répondu, selon Me Chamoun, qu’elle les replaçait à l’étranger.  

Le juriste a par ailleurs plaidé la cause des banques en justifiant leurs recours à des placements auprès de la BDL.

Les banques contraintes de recourir à la BDL  

Ainsi, Me Chamoun a rappelé qu’a priori, la circulaire 62 de la Banque centrale contraint les banques commerciales à placer des fonds auprès de la BDL. Elle les oblige également à ce que leur placement auprès de chacune de leur banque correspondante n’excède pas 25% du montant de leurs fonds propres. "Ce qui les a encouragés à préférer des placements auprès de la Banque centrale, d’autant que l’État, en vertu de l’article 113 du Code de la monnaie et du crédit (CMC), se porte garante de toute perte enregistrée au bilan de la Banque centrale", a-t-il relevé.

De plus, dans ce même contexte, il a rappelé que la BDL exige de chaque banque de bloquer auprès d’elle l’équivalent du montant de toute opération de change qu’elle effectue en faveur de son client.

Les onze banques demandent donc le remboursement de la dette de l’État envers la BDL de l’ordre de 16.617.199.858 de dollars, et le financement, dans une première étape, des pertes enregistrées au bilan de la banque centrale pour 2020, et reflétées par les rapports d’audit Alvarez &Marsal, soit la somme de 51.302.155.887 de dollars.

Dans une étape ultérieure, à la suite d’un audit des bilans de la BDL pour les exercices financiers 2021 et 2022, qui serait effectué sur base des critères adoptés par Alvares &Marsal, les onze banques demandent à l’État de couvrir les soldes négatifs de la Banque centrale.

La liaison du contentieux est intervenue au lendemain de l’inscription à l’ordre du jour du Conseil des ministres du projet de restructuration des banques. Le projet, dans sa mouture actuelle, déresponsabilise l’État et par conséquent la Banque du Liban dans le cadre de la crise multidimensionnelle que traverse le Liban, depuis quatre ans. Il fait assumer les pertes aux banques et aux déposants.

Le projet en question aurait été élaboré par le vice-Premier ministre sortant, Saadé Chami, avec le consentement en aval du Fonds monétaire international. En revanche, M. Chami continue de plaider non coupable, soulignant que l’auteur du projet est la Commission de contrôle des banques au Liban, organe qui relève de la BDL.

Pour rappel, les onze banques qui ont lié le contentieux sont, par ordre alphabétique, la Banque libano-suisse, la BLF, le Crédit libanais, MedBank, Byblos Bank, BoB, BBAC, Audi Bank, Blom Bank, Fransabank et la SGBL.