Le Gafi n’a pas encore dit son mot

Avec une économie du cash en progression continue et des frontières terrestres poreuses, le Liban mérite sans le moindre doute d’être mis sur la liste noire du Gafi. Mais le serait-il?
Le Groupe d’action financière pour la lutte contre le blanchiment d’argent et la lutte contre le financement du terrorisme et du financement de la prolifération (Gafi) tiendra en juin sa dernière réunion pour son exercice annuel, qui commence en juillet de chaque année et se termine en juin de l’année d’après.
Le Liban est dans l’attente de son verdict, sachant que son économie du cash est passé de 26,2% du PIB en 2021, à 45,7% en 2022 et à plus de 55% en 2023, la tendance haussière se poursuivant en 2024.
Dans le cas du Liban, la Banque mondiale a défini l’économie du cash comme la masse de dollars en circulation, reflétant pour l’essentiel des transactions légales dans une économie quasiment dollarisée.
Motifs politiques 
De nombreux observateurs sont convaincus que le Liban ne sera pas mis sur la liste grise ou la liste noire. La liste grise est celle des pays sous surveillance renforcée, qui présenteraient des déficiences stratégiques au niveau de leur régime de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et le financement de la prolifération. Les motifs seraient d’ordre «géopolitique» et non d’ordre «financier».
Dans le même contexte, le Gafi fermerait l’œil pour éviter une lutte contre des systèmes de paiement alternatifs qui ferait encore plus mal à l’économie mondiale.
La vie continue
L’économie du Liban continuera de tourner, mais non sans certaines difficultés, que le pays du Cèdre soit ou non listé comme un pays non coopératif avec le Gafi. Dubaï en est un exemple. L’émirat a été classé sur la liste grise du Gafi, en 2022, et en a été retiré en 2024.

Cela dit, l’économie du cash est un obstacle majeur à la reprise économique au Liban et a des retombées négatives sur la mise en œuvre des politiques monétaires et budgétaires.
Les banques
Cette économie informelle a surtout remplacé progressivement le secteur bancaire libanais, qui est à la recherche de son rôle, alors qu’elle a mis les individus dans une situation confuse, lesquels ont des difficultés à prouver l’origine de leurs fonds, une fois qu’ils ont besoin de l’utiliser à l’étranger.
Dans son rapport de 2023, la Banque mondiale avait déjà constaté que l’essentiel des transactions financières sont réglées en espèces et les lignes de crédit offertes par le secteur bancaire libanais sont pleinement garanties par des collatérales en espèces.
Mesures timides de la BDL
La Banque du Liban (BDL) a réagi timidement pour freiner l’économie du cash, qui gagne du terrain, et qui représente «une conséquence» de la crise multidimensionnelle, qui s’est déclenchée en octobre 2019.
La BDL s’est contentée, pour l’instant, d’encourager l’inclusion financière. Mais la circulaire 165, publiée il y a quelques mois, est quand même considérée comme un pas important dans la bonne direction.
Cette circulaire a porté sur la création à la banque centrale d’une chambre de compensation des chèques et des transferts de fonds en dollars et en livres frais.  Ainsi, l’utilisation des virements et des chèques frais a commencé à augmenter, et les chèques frais sont devenus un moyen de paiement sûr et alternatif à l’argent comptant.
Par ailleurs, elle œuvre de concert avec le ministère des Finances sur un projet qui permettrait aux contribuables d’utiliser la carte de paiement électronique comme moyen pour s’acquitter de leurs impôts et taxes auprès des caisses du ministère qui se trouvent sur l’ensemble du territoire national, dès que les machines POS seront installées.
Le gouverneur par intérim de la BDL, Wassim Mansouri, a promis, il y a quelques semaines, de dévoiler un plan pour la récupération des dépôts, lequel pourrait apporter une solution à la crise multidimensionnelle en donnant à la problématique sa vraie portée, celle d’une problématique de solvabilité et non de pertes. Mais pour cela, il faudrait d’abord que les responsables politiques se mettent au travail et acceptent d’assumer leurs erreurs et leurs politiques publiques qui ont fait sombrer le pays.
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