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Un rapport du FMI a révélé un "besoin urgent" de réformer les services douaniers et fiscaux au Liban et de les sauver de la déliquescence dans laquelle ils sont tombés après des années de mauvaise gestion et la crise que traverse le pays depuis 2019. Ce qui a conduit à un fort déclin des recettes du trésor public les faisant passer de 21% du PIB en 2019 à 6,3% en 2022.

En réponse à une demande de soutien au Développement des capacités (DC), formulée par le ministre sortant des Finances, Youssef El Khalil, une mission du Département des finances publiques (FAD) du Fonds monétaire international (FMI) s’est rendue à Beyrouth, du 25 septembre au 6 octobre, pour lancer un projet de DC organisé conjointement avec le Centre régional d’assistance technique de l’Est (METAC) du FMI consacré à l’administration fiscale au Liban. L’objectif de la mission était d’établir les priorités en matière de réforme et de renforcement des capacités pour les 36 prochains mois.

La mission a conclu qu’il était nécessaire d’entreprendre une série d’initiatives urgentes et progressives pour réaliser le changement souhaité avec un soutien financier. Ce dernier serait assuré par les institutions économiques et financières internationales, telles que la Banque mondiale, l’Union européenne, le Programme des Nations unies pour le développement et le Fonds monétaire international. Celles-ci ont exprimé leur volonté de fournir ce soutien financier à condition qu’il y ait une réelle volonté interne de changement. Le rapport a souligné que la situation actuelle est à l’origine d’une forte baisse des capacités de collecte des impôts. D’ailleurs, le pourcentage des recettes fiscales dans le produit intérieur brut (PIB) est passé de 21 % en 2018 à 6,3 % en 2022.

Manque d’effectifs

Le rapport de la mission met en avant le mauvais état des services fiscaux et douaniers au Liban, notamment au niveau des effectifs. En effet, il y a eu un gel des embauches en raison de la situation politique et économique et nombre d’employés ont démissionné du fait de la dévaluation drastique de leurs salaires.

Toujours en ce qui concerne les ressources humaines, la situation est très critique dans le département des technologies de l’information (IT), lequel ne comporte qu’un seul employé à l’administration des douanes libanaises, et aucun dans les autres directions fiscales.

Trois catégories de réformes

La mission du FMI a échafaudé des réformes prioritaires, en tenant compte des résultats que celles-ci produiront et de la complexité technique requise pour leur mise en œuvre. Le FMI les a réparties en trois catégories: d’abord les gains rapides, pouvant être obtenus grâce à des initiatives relativement faciles, qui contribueront à créer une dynamique pour passer à l’ensemble des initiatives fondamentales qui constituent l’essentiel du programme de réforme; et enfin les mesures supplémentaires qui doivent être étudiées avant leur application.

Concernant le service des impôts, le rapport souligne trois gains rapides: la nécessité d’échanger des données avec le service des douanes, de lutter contre les fuites fiscales des gros contribuables et de réaliser des statistiques pouvant être analysées pour améliorer la collecte des impôts.

Les initiatives fondamentales comprennent la résolution du problème des démissions des employés et l’embauche de nouveaux salariés, en particulier dans les services informatiques, d’audit et de recouvrement, à qui il faudra assurer des salaires conformes au taux du dollar du marché et une amélioration des conditions de travail, ainsi que le renouvellement de la structure organisationnelle actuelle.

Quant aux mesures supplémentaires, elles comprennent la relance du Bureau des grands contribuables, sachant que les normes actuelles ont été érodées par l’inflation, son élargissement pour inclure également la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la création d’un bureau de gestion des réformes pour coordonner les réformes entre les différents départements, et le fusionnement des services de conformité entre les services des recettes et ceux de la TVA.

La mission du Fonds a par ailleurs appelé à élaborer une stratégie de conformité spécifique à la crise, à combler le retard dans le mécanisme de la soumission des demandes d’impôt sur le revenu des particuliers en mettant l’accent sur les dernières années, à parvenir à la stabilité des opérations informatiques et à reprendre l’échange international d’impôts sur le revenu des particuliers.

Un bâtiment vide et un loyer à 340.00 dollars

En ce qui concerne l’administration douanière, les gains rapides tournent autour de la stabilisation du service informatique en abordant la question du personnel et en appliquant correctement le système automatisé des données douanières (SYDONIA) pour lutter contre la fraude relative à la valeur des marchandises en douane.

Le rapport signale que les fonds nécessaires pour parvenir à la stabilité des opérations informatiques peuvent être facilement assurés. Il est à noter à cet égard que le Conseil suprême des douanes paie actuellement un loyer annuel de 340.000 dollars, tandis que le bâtiment des douanes nouvellement créé dans le port de Beyrouth est vacant en raison de l’absence de mobilier et de connexion Internet, alors que ces frais n’excèdent pas 30.000 dollars.

2 milliards de dollars de perte par an

Il est donc urgent que l’État s’attaque au perpétuel problème du trafic illégal et de l’évasion douanière qui occasionnent au Liban des pertes évaluées à près de 2 milliards de dollars par an.

"Cette économie parallèle représentait officiellement 30% de la taille de l’économie libanaise avant la crise de 2019", affirme l’économiste en chef de la Byblos Bank, Nassib Ghobril, qui estime que combattre l’évasion douanière est une décision politique et non pas technique: "S’il existe une volonté politique de combattre la contrebande, l’économie pourra être assainie et, par conséquent, les caisses de l’État renflouées."

Le Liban est un pays dont l’économie est basée sur les importations, lesquelles ont été chiffrées à 10 milliards de dollars sur les sept premiers mois de l’année 2023. 70% de ces importations transitent par le port de Beyrouth et les 30% restants par l’aéroport et les frontières terrestres.

Nassib Ghobril explique que pour estimer l’évasion des tarifs douaniers, il suffit de jeter un coup d’œil sur les données et bases de statistiques des importations vers le Liban. Le chiffre des exportations vers le Liban est noté, ainsi que celui des importations officiellement enregistrées au Liban, aux services des douanes. Par exemple, si les Chinois déclarent des exportations vers le Liban pour 5 milliards de dollars, on constate qu’au Liban, ce chiffre est considérablement réduit, parfois même de moitié. Et ce, en toute impunité!

Du côté de la frontière syro-libanaise, ce n’est guère mieux! C’est une frontière-passoire de 360 km avec près de 150 points de passage illégaux. Cette région montagneuse est difficile à contrôler, et la guerre syrienne a engendré une hausse des activités de contrebande.

Il est nécessaire que l’État libanais enraye ce fléau par une réforme structurelle. En effet, la raison principale de la prolifération de la contrebande et du développement de l’économie parallèle est l’absence d’institutions de droit effectives qui la punissent.

 

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