Après avoir disserté sur les banques, voyons où l’on en est avec leur autorité de tutelle, la banque centrale (BDL). Un bilan un peu maigre en gros, mais n’anticipons pas avant d’exposer les plus et les moins de ce gouvernorat par intérim, depuis déjà un an.
On se basera partiellement sur le rapport annuel que la BDL vient de sortir. Partiellement, car Wassim Mansouri a manifestement choisi ce qu’il doit dévoiler et ce qu’il veut passer sous silence dans ce rapport. Venons-en donc aux choses sérieuses:
1- Le gouvernorat a stabilisé le taux de change… qui était déjà stabilisé 4 mois avant l’accession de l’intérim. Une mesure rendue possible par 2 facteurs: 1. La réduction de la masse monétaire, privant les spéculateurs de liquidités en LL; et 2. Un nombre croissant de professionnels qui sont déjà payés en dollars, donc pas besoin de recourir au marché de change. L’équilibre entre la demande et l’offre s’est établi tout seul.
2- Après des baisses continues durant les années passées, Mansouri a réussi à augmenter les actifs (ou réserves) de la BDL, de quelque 1,3 milliard de dollars. Comment? En achetant des dollars sur le marché. Or si ceci fut possible, ce n’est pas tant par une quelconque dextérité de la BDL, qu’à la suite d’une liquidité dollarisée abondante en circulation.
Remarque en marge: le rapport annuel confirme que les réserves (ou actifs) de la BDL étaient de 38 milliards de dollars juste avant la crise. Ce que l’ancien gouverneur affirmait en se déclarant ainsi capable de payer les échéances des eurobons et d’éviter le criminel défaut. Peine perdue. Les profiteurs au sommet avaient un autre agenda personnel.
3- En même temps, il a arrêté toute subvention aux produits de consommation. Une invention d’escroquerie caractérisée qui durait depuis le même funeste gouvernement de Hassan Diab.
4- Il tente de limiter les transactions en cash – pour éviter les foudres des organismes de contrôle internationaux. Cela se fait, primo, en délivrant des permis à des portefeuilles électroniques. Il compte même installer des POS aux ministères et lancer une appli PayGov pour les paiements administratifs. Mais pour le moment, les portefeuilles numériques existants sont le plus souvent alimentés par de l’argent liquide et ont des plafonds de transaction limités, ce qui réduit leur impact.
Secundo, en officialisant les chèques et les cartes bancaires en dollars frais. Initiative louable à condition que les gens se mettent à les adopter à la place du cash, ce qui n’est pas gagné d’avance vu la méfiance générale à l’égard des banques.
5- Il a fermé le robinet de financement à l’État. Un État qui ne verse plus d’intérêts sur les bons de Trésor détenus par la BDL, sans qu’il n’y ait de conteste de sa part. Ces BT dans son portefeuille ont même diminué de 6 trillions en un an.
En devises, il a confirmé la dette de 16 milliards de dollars que l’ancien gouverneur avait mise à la charge de l’État en 2023, en réévaluant une ancienne avance au Trésor (et qui avait soulevé alors tout un tollé de la même bande d’ahuris). Une dette à ajouter aux 5 milliards d’eurobons que la BDL détient. En revanche, les autres avances octroyées dans le passé à l’État (surtout à l’EDL) sont passées sous silence.
6- Passé sous silence suspect aussi ce que la BDL compte faire de ces 81 milliards de dollars (en devises et en LL) de dépôts bancaires bien inscrits dans son bilan comptable. N’empêche que la banque centrale a baissé drastiquement les intérêts dus à ces dépôts bancaires et décidé de les payer à 50% en LL. Une décision unilatérale, autoritaire, à la limite cavalière, qui en plus prive les banques d’une des dernières sources de revenus.
7- Il ne se montre pas plus généreux avec les déposants, en diminuant leurs maigres allocations, de 400$ à 300$, à 150$. Et s’abstient de réévaluer les retraits du lollar au-delà de 15.000LL, jetant la balle dans le camp du gouvernement. Se laver les mains de cette injustice lui semble la meilleure position à adopter, quoique peu glorieuse. Pas de quoi en être fier en tout cas.
8- Il a très partiellement corrigé une injustice à l’égard des banques, en interdisant le remboursement des crédits en devises avec des LL et en obligeant les débiteurs non-résidents à rembourser en dollars frais. Une initiative trop tardive, car 80% des crédits ont été déjà remboursés à moindre coût pour les débiteurs et à un coût exorbitant pour les banques et les déposants.
9- Il aurait pu, à la place d’un Parlement amorphe, sortir une circulaire pour officialiser un contrôle de capitaux. Qu’il soit habilité à le faire ou non est une question d’opinion. Mais en pratique, on voit mal qui oserait contester une telle décision.
10- Comme il se doit, l’influence de Nabih Berry à la BDL, qui était déjà considérable, s’est naturellement amplifiée.
Enfin, on ne cesse de le répéter, la banque centrale n’est pas capable de résoudre la crise qui nécessite – le gouverneur par intérim a raison – l’adoption d’une série de mesures qui le dépassent largement. Surtout que la BDL est elle-même en faillite financière.
On n’a donc pas fini de disserter à vide sur ce même cercle vicieux.
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