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Comment se fait-il que le secteur privé arrive à importer du fuel alors que le ministère de l’Énergie lui-même n’arrive pas à payer le gazole pour faire fonctionner les centrales électriques du pays? Explications.

Le secteur privé arrive à importer du fuel sous l’œil vigilant du ministère de l’Énergie qui fixe et contrôle les prix alors que lui-même n’arrive pas à payer le gazole pour faire fonctionner les centrales électriques du pays.

Le président de l’Association des sociétés importatrices de pétrole, Maroun Chammas, explique à Ici Beyrouth, qu’il s’agit de deux choses tout à fait différentes, le secteur public ayant ses propres mécanismes, et le secteur privé, qui importe le carburant aux particuliers, les siens. "Nous ne travaillons pas de la même façon", dit-il.

En effet, les secteurs privé et public révèlent des divergences profondes dans la gestion des ressources essentielles.

Le secteur public, responsable de l’approvisionnement en carburant des centrales électriques, fonctionne avec des mécanismes fréquemment défaillants et souvent inefficaces.

"Le problème se pose au niveau du pouvoir de décision de l’État", souligne M. Chammas, rappelant les mauvaises politiques de subvention. Il souligne que EDL n’a pas libellé de factures pendant un an, depuis juin 2023, parce que la Banque du Liban (BDL) n’avait pas déterminé le taux de change. Par conséquent, EDL s’est trouvé en manque de liquidités.

M. Chammas rappelle aussi les conflits tant politiques que bureaucratiques et les mauvaises décisions qui ont affecté les finances du fournisseur public d’électricité.

En revanche, il explique que le secteur privé a développé des méthodes plus directes et transparentes.

En traitant directement avec les sociétés pétrolières, le secteur privé paie le carburant sans intermédiaire, sous l’œil vigilant du ministère de l’Énergie pour assurer une régularisation des prix. "Voilà pourquoi cela fonctionne", assure-t-il.

Des dettes de 1,7 milliard de dollars

Il convient de noter dans ce cadre que le gouvernement libanais n’arrive pas à honorer ses contrats depuis des années à cause de défauts de paiements. Tantôt, il s’agit de dysfonctionnements du mécanisme, tantôt de retards d’ouverture de lignes de crédit. Les raisons sont multiples, mais le résultat est le même, il n’y a toujours pas d’électricité et la menace du black-out est omniprésente.

En bref, d’ici à octobre, le Liban aura des dettes de près de 1,7 milliard de dollars envers l’Irak pour le carburant qu’il reçoit depuis trois ans: 500 millions de dollars restent de la première année, 460 millions de la deuxième et 720 millions cette année.

C’est un manque de carburant qui explique l’arrêt total des deux centrales encore opérationnelles, samedi 17 août.

La centrale de Deir Ammar était à l’arrêt depuis le 7 août. Celle de Zahrani a toutefois repris une activité minimale pour approvisionner les installations vitales du pays grâce à cinq millions de litres de gazole provenant de stocks.

Rappelons, dans ce cadre, que la production d’électricité au Liban repose actuellement sur les centrales de Zahrani et de Deir Ammar, celles de Jiyeh et de Zouk nécessitant des travaux de maintenance.

Zahrani et Deir Ammar reçoivent mensuellement du gasoil fourni à EDL par le ministère de l’Énergie, en vertu de l’accord d’échange conclu entre l’Irak et le Liban le 23 juillet 2021.

Cet accord, entré en vigueur en septembre 2021, prévoit que l’Irak fournisse du carburant aux centrales électriques libanaises à des conditions avantageuses, la quantité ayant été fixée à 100.000 tonnes par mois. Cet accord annuel a été renouvelé une première fois en août 2022, puis une deuxième en mai 2023, prévoyant que l’Irak augmente ses livraisons à 1,5 million de tonnes par an. Toutefois, en raison de sa teneur élevée en soufre, le carburant irakien ne peut être utilisé directement dans les centrales libanaises. De ce fait, le Liban achète un type de carburant compatible auprès d’autres fournisseurs sélectionnés par appel d’offres et, en échange, ces derniers reçoivent le carburant irakien.