Aveu d’échec ou coup de bluff? L’armée russe a déclaré vendredi qu’elle allait limiter ses opérations dans l’est de l’Ukraine " afin de se concentrer sur la libération du Donbass ". Si cette déclaration sera réellement suivie d’effet, on pourra déduire que les Russes se contenteront d’annexer l’est de l’Ukraine avant de mettre fin à leur offensive.  Ceci amputera à l’Ukraine une partie de son territoire, mais évitera une annexion pure et simple de tout le pays.  La semaine dernière, le président Zelensky lui-même avait déclaré qu’il pourra discuter sans problème de toutes les demandes russes, y compris les contentieux concernant le Donbass et la Crimée. Le chef de l’Etat a cependant averti qu’il soumettra toute décision à un referendum populaire avant de la ratifier.
Dans tous les cas, la volte face russe montre bel et bien que Moscou a surestimé sa puissance et qu’elle ne se hasardera pas dans une longue guerre d’attrition. 
Afin de camoufler ce semblant de recul, l’armée russe a déclaré vendredi avoir détruit la plus grande réserve de carburant de l’armée ukrainienne et qu’elle a infligé des dégâts importants au centre de commandement des forces aériennes ukrainiennes.
En Pologne, le président américain Joe Biden s’est rendue à 100 km de la frontière ukrainienne pour rencontrer des soldats US stationnés dans la région de Rzeszow. Biden, qui vient de clôturer trois sommets marathon à Bruxelles, Otan-G7-UE, a déclaré qu’il a décidé de concert avec ses alliés européens de réduire leur dépendance au pétrole et au gaz russes afin de pouvoir sanctionner plus lourdement Moscou et la priver de sa principale source de devises.
L’armée russe a annoncé vendredi qu’elle allait limiter son offensive sur l’Est de l’Ukraine, alors que les forces ukrainiennes lançaient une contre-offensive sur la ville de Kherson.Dans le même temps, le président américain Joe Biden a rendu visite à des militaires américains basés en Pologne, la deuxième étape après Bruxelles d’un voyage en Europe destiné à cimenter l’union des Occidentaux face à la Russie, tant sur le front diplomatique qu’économique.

Le commandement russe, par la voix de l’adjoint au chef de l’état-major Sergueï Roudskoï, a annoncé que " les capacités de combat des forces ukrainiennes avaient été réduites de manière importante, ce qui permet (…) de concentrer le gros des efforts sur l’objectif principal : la libération du Donbass ".

 

Des membres de l’État-major de l’armée russe lors de leur point de presse. (AFP)

 

Des séparatistes prorusses ont créé deux " républiques " reconnues par Moscou dans cette région industrielle de la partie orientale du territoire ukrainien.

Et ce peu après que le vice-président du Conseil de sécurité russe, Dmitri Medvedev, reprenant la rhétorique chère à Vladimir Poutine, avait souligné que l’opération militaire en cours devait " se poursuivre jusqu’à ce qu’elle atteigne son objectif de démilitariser et de dénazifier l’Ukraine ".

A Washington, un haut-responsable du Pentagone a indiqué que les forces ukrainiennes avaient lancé une contre-offensive sur la ville de Kherson, seul centre urbain majeur conquis entièrement par les forces de Moscou, qui est désormais " contestée ".  " Les Ukrainiens tentent de reprendre Kherson ", a déclaré ce responsable ayant requis l’anonymat. " Nous ne pouvons dire exactement qui contrôle Kherson mais le fait est qu’elle n’est plus aussi solidement sous contrôle russe qu’auparavant ".

A Vinnytsia, dans le centre du pays, le centre de commandement des forces aériennes ukrainiennes a été frappé vendredi par une salve de missiles de croisière, qui ont provoqué des " dommages significatifs ", selon l’armée ukrainienne.  " Les Russes ont tiré six missiles de croisière. Certains ont été abattus par la défense antiaérienne. Les autres ont touché plusieurs bâtiments, causant des dommages significatifs ", a annoncé le commandement des forces aériennes sur Telegram.

 

Biden à la frontière ukrainienne

Au cours de son déplacement de deux jours en Pologne, Joe Biden, qui était vendredi dans la région de Rzeszow, à une centaine de kilomètres de la frontière ukrainienne, s’entretiendra samedi à Varsovie avec les dirigeants polonais et ira dans un centre d’accueil de réfugiés ukrainiens.

Depuis le 24 février, plus de 2,2 millions de personnes fuyant le conflit sont, en effet, entrées en Pologne, d’après les garde-frontières polonais, sur environ 3,7 millions au total qui sont parties à étranger, selon l’ONU.

Dans la matinée, le président américain avait annoncé dans un communiqué commun avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen la création d’un groupe de travail visant à réduire la dépendance de l’Europe envers les énergies fossiles russes et le projet de Washington de fournir à l’Europe 15 milliards de mètres cubes supplémentaires de gaz naturel liquéfié (GNL) cette année.

 

Au même moment, l’Allemagne, qui importait avant l’offensive russe un tiers de son pétrole et quelque 45% de son charbon de Russie, a assuré qu’elle se passerait du charbon russe d’ici à l’automne et réduirait très fortement sa dépendance au pétrole russe d’ici à la fin de l’année, tablant par ailleurs sur mi-2024 pour être " largement indépendante " du gaz russe.Dans la soirée, les Vingt-Sept ont conclu leur sommet à Bruxelles en annonçant donner mandat à la Commission européenne pour effectuer des achats de gaz groupés, sur le modèle des commandes de vaccins anti-Covid.  " L’achat groupé, la capacité à définir ensemble des contrats longs, est le meilleur instrument pour faire baisser les prix ", a fait valoir le président français Emmanuel Macron, dont le pays occupe la présidence semestrielle de l’UE.

Macron annonce une opération humanitaire à Marioupol
Sur le terrain des combats, Marioupol, un port ukrainien stratégique situé sur la mer d’Azov, redoutait qu’environ 300 personnes ne soient mortes dans le théâtre bombardé le 16 mars.  Des centaines de personnes, " principalement des femmes, des enfants et des personnes âgées ", s’étaient réfugiées dans ce bâtiment, a rappelé la mairie, se référant à des témoignages.Plus de 2.000 civils ont été tués dans cette ville assiégée, selon la municipalité, et quelque 100.000 de ses habitants y sont toujours bloqués et manquent de tout, a affirmé le président ukrainien Volodymyr Zelensky.Vendredi soir, le président français Emmanuel Macron a annoncé que la France, la Turquie et la Grèce allaient mener " une opération humanitaire " d’évacuation " dans les tout prochains jours " de civils de Marioupol.   " J’aurai d’ici 48 à 72 heures une nouvelle discussion avec le président (russe Vladimir) Poutine pour bien en arrêter les détails et sécuriser les modalités ", a précisé M. Macron.Sur le front de Marioupol comme sur les autres, l’invasion russe, qui entre dans son deuxième mois, se mue de plus en plus en une guerre d’usure, cependant que la Russie a reconnu que 1.351 de ses soldats avaient péri en Ukraine et que 3.825 avaient été blessés.

La plus grande réserve de carburant détruite par les Russes

Vendredi, les militaires russes ont affirmé avoir détruit avec des missiles de croisière la plus grande réserve de carburant de l’armée ukrainienne, située près de Kiev, qui servait selon eux à " approvisionner les unités dans la partie centrale du pays ". Une attaque confirmée par le gouvernement ukrainien.

Un incendie y était toujours en cours vendredi matin, dégageant une épaisse fumée noire, ont constaté des journalistes de l’AFP.  " On a vu l’explosion, c’était vraiment puissant ", a raconté à l’AFP un agent de sécurité du site ayant requis l’anonymat. " Heureusement, il n’y a pas de victimes ", a-t-il précisé.

Dans l’est, quatre civils ont été tués et trois autres blessés dans des tirs de lance-roquettes sur un centre médical à Kharkiv, a annoncé la police régionale.  Le maire de Kharkiv, Ihor Terekhov, a dénoncé des bombardements russes " aveugles " et incessants sur sa ville, la deuxième d’Ukraine.

135 enfants tués

En un mois de guerre, a déploré le président Zelensky, des milliers d’Ukrainiens ont été tués, parmi lesquels 135 enfants, a précisé le parquet général.

Le conseiller de la présidence Oleksiï Arestovytch a affirmé qu’un général russe avait été tué près de Kherson.

Vendredi, le conseiller à la sécurité nationale de Joe Biden, Jake Sullivan, a précisé que les Etats-Unis n’avaient " pas l’intention d’utiliser des armes chimiques, quelles que soient les circonstances ".  La veille, à Bruxelles, où il a multiplié les sommets – Otan G7, UE -, le président américain avait promis pour la première fois une " réponse " de l’Otan si la Russie recourait en Ukraine à l’arme chimique, une menace qu’il avait jugée " crédible ".

Les négociations au point mort

Par ailleurs, les négociations russo-ukrainiennes semblaient patiner.  " Les positions convergent sur les points secondaires. Mais sur les principales (questions) politiques, nous faisons du surplace ", a ainsi lâché Vladimir Medinski, le négociateur en chef russe.  Les discussions sont " très difficiles ", a renchéri le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba, niant tout " consensus " pour le moment avec Moscou.

En Russie, le président Poutine a signé vendredi soir une loi réprimant de peines de prison pouvant aller jusqu’à 15 ans les " informations mensongères " sur l’action de Moscou à l’étranger, arme répressive supplémentaire pour contrôler l’information sur son offensive en Ukraine.

Avec AFP