Les forces russes ont déclenché leur offensive contre l’est de l’Ukraine, qu’elles bombardent massivement, tout en poursuivant leurs frappes dans l’ouest, ont annoncé lundi les autorités ukrainiennes. "Nous pouvons maintenant affirmer que les troupes russes ont commencé la bataille pour le Donbass, à laquelle elles se préparent depuis longtemps. Une très grande partie de l’ensemble de l’armée russe est désormais consacrée à cette offensive ", a déclaré le président Volodymyr Zelensky dans un discours retransmis sur Telegram. "Peu importe combien de soldats russes sont amenés jusqu’ici, nous combattrons. Nous nous défendrons ", a-t-il clamé, après avoir averti la veille qu' "ils veulent littéralement achever et détruire le Donbass ".

" Sous le contrôle des orques "

" C’est l’enfer. L’offensive a commencé, celle dont on parle depuis des semaines ", a de son côté annoncé sur Facebook le gouverneur ukrainien de la région de Lougansk, Serguiï Gaïdaï.

" Il y a des combats à Roubijné et Popasna, des combats incessants dans d’autres villes pacifiques ", a-t-il dit, reconnaissant que Kreminna était " malheureusement sous le contrôle des orques ", le surnom péjoratif donné aux militaires russes.

Cette ville, qui comptait environ 18.000 habitants avant la guerre, se trouve à une cinquantaine de kilomètres au nord-est de Kramatorsk, la capitale ukrainienne du bassin houiller du Donbass.

Au moins quatre civils ont été tués dans les bombardements russes pendant qu’ils tentaient de fuir Kreminna, a poursuivi M. Gaïdaï.

 

Le conseiller de la présidence ukrainienne Oleksiy Arestovytch a toutefois assuré que " les occupants russes n’avaient pas encore conquis Kreminna " et que d' "intenses combats de rue " s’y déroulaient.Serguiï Gaïdaï avait peu avant exhorté la population à évacuer la région de Lougansk.Mais la vice-Première ministre ukrainienne, Iryna Verechtchouk avait pour sa part fait savoir qu’aucun couloir humanitaire pour l’évacuation de civils ne serait mis en place lundi, pour la deuxième journée consécutive, car " les occupants russes ne cessent de les bloquer et de les bombarder ".

Quatre autres personnes ont péri le même jour dans des frappes sur la région voisine de Donetsk, selon son gouverneur Pavlo Kyrylenko.

 

Marioupol

La Russie est aussi déterminée à s’emparer de Marioupol, dont les derniers défenseurs ont ignoré dimanche un ultimatum de l’armée russe qui les enjoignait de déposer les armes.

" Nos militaires y sont toujours. Ils combattront jusqu’au bout ", a quant à lui lancé le Premier ministre ukrainien Denys Chmygal.

La conquête de cette cité portuaire constituerait une victoire importante pour les Russes car elle leur permettrait de consolider leurs gains territoriaux côtiers le long de la mer d’Azov en reliant le Donbass, en partie contrôlé par leurs partisans, à la Crimée que Moscou a annexée en 2014.

Kharkiv

Dans le nord-est, la grande ville de Kharkiv a de nouveau été bombardée lundi. Bilan : au moins trois morts.

Selon le parquet régional, un homme et d’une femme ont été tués par un obus tombé en fin de matinée sur un terrain de jeux pour enfants dans un quartier d’habitation.

Dimanche déjà, au moins cinq personnes y avaient péri dans une série de frappes russes.

Dans l’ouest, des bombardements russes ont fait lundi sept morts et " onze blessées, dont un enfant ", d’après les autorités locales.

 

 

Non loin de la ville de Lviv, la Russie assure avoir détruit un important dépôt d' "armements étrangers, livrés à l’Ukraine pendant les six derniers jours par les Etats-Unis et des pays européens, qui y étaient stockés ".Le gouverneur de la région, Maksym Kozitsky, a évoqué quatre tirs de missiles de croisière, à partir de la mer Caspienne : trois sur des installations militaires et une sur un garage, qui ont causé des incendies.A environ quatre kilomètres du centre de Lviv, des journalistes de l’AFP ont vu le garage en feu, avec des carcasses de voitures dans un cratère près d’une voie ferrée.

Située loin du front, près de la frontière polonaise, cette ville s’est convertie en cité-refuge pour les personnes déplacées et avait été peu visée jusqu’alors par les frappes russes.

Au total, l’armée russe assure avoir mis hors d’état dans la seule journée de lundi 16 sites militaires ukrainiens, abritant en particulier des munitions et des missiles tactiques Totchka-U.

Ces armements constituent un enjeu majeur, tant pour Moscou que pour Kiev.

 

Arrivée de nouvelles armes américaines
Les premières cargaisons de la nouvelle tranche d’aide militaire américaine pour l’Ukraine sont déjà arrivées aux frontières du pays pour être remises à l’armée ukrainienne, a indiqué lundi le Pentagone.
Le porte-parole du Pentagone, John Kirby, a souligné que la première cargaison était arrivée 48 heures après la signature du décret présidentiel autorisant ces envois d’armement, une rapidité " sans précédent ".Le porte-parole a précisé que des soldats déployés sur le flanc est de l’Otan depuis le début de l’invasion russe commenceront " dans les prochains jours " à former des militaires ukrainiens au maniement des canons M777 Howitzer, les pièces d’artillerie de dernière génération que les Etats-Unis ont décidé de remettre pour la première fois à l’armée ukrainienne.Ces formations se tiendront en dehors de l’Ukraine ", a-t-il souligné. " Un petit nombre d’Ukrainiens seront formés aux Howitzer et ils seront ensuite renvoyés dans leur pays pour former leurs collègues ", a-t-il expliqué.

Même si leur maniement n’est pas fondamentalement différent de celui de l’artillerie dont l’armée ukrainienne est familière, ces canons utilisent des obus de 155 mm, utilisés par les pays de l’Otan, alors que l’Ukraine ne dispose encore que d’obus de 152 mm de fabrication russe.

Un canon M777 Howitzer, une pièce d’artillerie de dernière génération que les Etats-Unis ont décidé de remettre pour la première fois à l’armée ukrainienne. (Licences Creative Commons)

 

L’effet des sanctions sur les armes russes

De leur côté, les forces russes commencent à sentir l’effet des sanctions sur leur approvisionnement en armement, notamment les missiles guidés, a indiqué le haut responsable du ministère américain de la Défense.

Les sanctions " ont eu un effet sur la capacité de Poutine à se réapprovisionner et se rééquiper, notamment dans le domaine des composants de certains de ces systèmes et de ses missiles guidés de précision ", a-t-il dit. " Cela a déjà un effet concret sur Poutine ".

" Par ailleurs, nous savons qu’ils s’efforcent de se réapprovisionner auprès de leur propre industrie de défense et qu’ils se demandent à quelle vitesse et à quel degré ils peuvent accélérer leur production d’armement ", a-t-il ajouté. " Les sanctions ont un effet sur leur capacité à le faire ".

Les armements les plus modernes utilisent des puces électroniques dont les principaux producteurs sont Taïwan et la Corée du Sud, deux pays alliés des Etats-Unis qui ont cessé d’exporter ces produits vers la Russie, conformément aux sanctions américaines décrétées après l’invasion de l’Ukraine.

L’Union européenne a quant à elle " condamné la poursuite des bombardements aveugles et illégaux de civils et d’infrastructures civiles " par Moscou. " Il ne peut y avoir d’impunité pour les crimes de guerre ", a affirmé le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell.

La brigade de Boutcha distinguée par Poutine

Dans ce contexte, Vladimir Poutine a décerné lundi un titre honorifique, notamment pour son " héroïsme ", sa " ténacité " et son " grand professionnalisme ", à la 64e brigade de fusiliers motorisés.

Or l’Ukraine a affirmé que les forces russes et notamment cette unité avaient commis un massacre de civils à Boutcha, dans la périphérie de Kiev.

 

 

La découverte dans des rues de cette localité de cadavres de civils, peu après le retrait des soldats russes, avait suscité début avril une vague d’indignation internationale. Des enquêteurs ukrainiens s’y activent toujours pour réunir des éléments constitutifs de " crimes de guerre ".La Russie avait pour sa part assuré que les autorités ukrainiennes et les médias occidentaux avaient mis en scène le massacre.

Soldats britanniques

En Russie toujours, la télévision publique (VGTRK) a diffusé lundi une vidéo montrant deux Britanniques, Shaun Pinner et Aiden Aslin, faits prisonniers dans les combats en Ukraine.

Les traits tirés, ils s’adressent au Premier ministre Boris Johnson dont ils attendent qu’il négocie leur libération contre celle de Viktor Medvedtchouk, un riche homme d’affaires ukrainien proche de Vladimir Poutine récemment arrêté en Ukraine.

Kiev a pour sa part diffusé une vidéo de M. Medvedtchouk dans laquelle il dit vouloir être échangé " contre les défenseurs de Marioupol et ses habitants ".

Selon sa famille, Shaun Pinner n’est " ni un volontaire ni un mercenaire, mais sert officiellement dans l’armée ukrainienne ". Après avoir naguère été dans l’armée britannique, il s’était installé en Ukraine où il avait épousé une Ukrainienne.

Zelensky espère obtenir le statut de candidat à l’UE

Sur le front diplomatique, le président Zelensky a dit lundi espérer obtenir pour son pays " dans les semaines à venir " le statut de candidat à l’adhésion à l’UE, remerciant Bruxelles de sa rapidité.

Au cours d’une rencontre à Kiev, M. Zelensky a transmis à l’ambassadeur de l’UE en Ukraine, Matti Maasikas, deux volumineux dossiers constituant la demande d’entrée dans l’UE. "Notre peuple est, en son for intérieur, déjà mentalement en Europe depuis longtemps. Malgré tout, chaque pays doit suivre cette procédure ", a-t-il poursuivi.Habituellement, l’obtention du statut de candidat à l’UE " prend des années " mais Bruxelles " nous a vraiment donné l’opportunité d’engager cette procédure d’ici à quelques semaines ou mois ".

" Nous sommes véritablement convaincus que cette procédure sera enclenchée dans les semaines à venir ", a assuré le président, estimant que ce serait là " un signal important " pour l’amitié entre Kiev et Bruxelles. " Nous sommes persuadés que nous serons soutenus dans ce travail ".

Selon lui, " les Ukrainiens sont unis derrière cet objectif : se sentir les égaux des autres Européens, faire partie de l’Union européenne ".

" C’est un honneur de recevoir de @ZelenskyyUa les réponses au questionnaire de la @Commission européenne, remises par @vonderleyen il y a seulement 10 jours ", a de son côté commenté l’ambassadeur Matti Maasikas dans un message sur son compte Twitter.

" Une nouvelle étape sur le chemin de l’Ukraine vers l’UE ", a-t-il souligné. " Des temps extraordinaires requièrent des mesures extraordinaires et une vitesse extraordinaire ", a-t-il ajouté.

Ce questionnaire sert de base aux négociations d’adhésion. Il avait été confié à Volodymyr Zelensky par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, au cours de sa récente visite à Kiev.

La Commission européenne doit désormais vérifier le respect par l’Ukraine des critères pour l’adhésion à l’UE et soumettre une recommandation aux Etats membres.

L’intégration à l’Union européenne est à cet égard un processus au long cours pour rapprocher la législation du pays candidat du droit européen.

Cela suppose en effet des négociations complexes sur de nombreux sujets et des critères difficiles à respecter pour un pays en guerre, comme la stabilité politique et une économie de marché viable.

Il faut en outre l’accord unanime des 27 pays membres. Or ceux-ci sont divisés sur la question d’une future adhésion de l’Ukraine.

Huit pays -République tchèque, Lettonie, Lituanie, Estonie, Bulgarie, Pologne, Slovaquie et Slovénie– ont appelé, dans une lettre ouverte, à ouvrir les discussions sur une adhésion de cette ex-république soviétique, envahie par la Russie le 24 février.

Mais un tiers des Etats-membres, dont la Belgique, les Pays-Bas, l’Italie et l’Espagne, sont quant à eux plus " réservés ", selon une source diplomatique contactée par l’AFP.

De leur côté, les Etats-Unis entendent, avec leurs alliés, bientôt prendre de nouvelles sanctions économiques contre la Russie, en particulier pour " perturber son complexe militaro-industriel et ses chaînes d’approvisionnement ".

Biden ne prévoit pas d’aller en Ukraine
Le président américain Joe Biden ne prévoit pas d’aller en Ukraine prochainement en dépit du souhait en ce sens de son homologue Volodymyr Zelensky, a indiqué la Maison Blanche lundi. "Il n’est pas prévu que le président s’y rende, permettez-moi de le répéter ", a assuré la porte-parole de l’exécutif américain Jen Psaki lors d’une conférence de presse.Le gouvernement américain réfléchit à envoyer un émissaire à Kiev, mais la Maison Blanche a exclu pour l’instant un déplacement à hauts risques du président lui-même, pour des raisons de sécurité.

" Si quelqu’un venait à y aller, nous ne le dirions pas d’ici ", a aussi fait savoir la porte-parole du président américain.

Dans un entretien à CNN diffusé dimanche, Volodymyr Zelensky avait dit souhaiter la venue en Ukraine de Joe Biden.

" Je pense qu’il viendra ", " mais la décision lui revient, bien entendu, cela dépend de la situation sécuritaire ", a-t-il précisé. " Mais je pense qu’il est le dirigeant des Etats-Unis et pour cela, il devrait venir voir. "

La porte-parole de la Maison Blanche a par ailleurs confirmé lundi que les Etats-Unis espéraient une réouverture prochaine de leur ambassade à Kiev, sans évoquer un quelconque calendrier.

" C’est certainement notre objectif. Il est évident qu’il est important d’avoir une présence diplomatique sur place ", a déclaré Jen Psaki.

AFP