C’est dans le cadre hautement spirituel de la Vallée sainte de Qannoubine, symbole de résistance face aux oppresseurs et aux envahisseurs, qu’a eu lieu dimanche matin au siège patriarcal maronite d’été de Dimane le grand rassemblement de solidarité avec la ligne de conduite de Bkerké, tant sur le plan national qu’à la suite de l’affaire de l’évêque maronite de Haïfa, Mgr Moussa el-Hage, interpellé pendant douze heures au poste-frontière de la Sûreté générale de Ras Naqoura alors qu’il transportait des aides humanitaires fournies par des Libanais établis en Israël.

De nombreuses personnalités et délégations populaires, venues de différentes régions du pays, ont participé au rassemblement qui a été marqué par la présence de citoyens et de pôles d’influence de confession musulmane. Un grand portait du patriarche Nasrallah Sfeir était brandi sur la place du siège patriarcal par des activistes.

La messe célébrée par le patriarche Béchara Raï et l’homélie dominicale ont été diffusées à l’extérieur de l’église. L’homélie, prononcée sur un ton serein, a été particulièrement ferme quant au fond lorsque ont été évoqués les développements en rapport avec l’affaire de Mgr Hage.

Vous savez qui sont les agents et où ils sont "

Dénonçant "l’atteinte à caractère politique" portée contre l’évêque de Haïfa, alors que la hiérarchie religieuse n’a pas été informée, au préalable, de l’affaire, Mgr Raï a répondu sur un ton ferme au député Mohammed Raad, chef du bloc parlementaire du Hezbollah, qui a lancé des accusations de "traitrise", allant jusqu’à insinuer que Mgr Hage est un "agent israélien". S’élevant contre de tels propos, Mgr Raï a lancé : "A ceux qui tiennent de tels propos, je leur dit de cesser; qu’ils aillent chercher les agents ailleurs, car ils savent très bien qui sont les agents et où ils sont". Cette réplique du patriarche maronite a provoqué un tonnerre d’applaudissements dans l’église, l’assistance se livrant à ce sujet à un " standing ovation ".

Les commentaires des personnalités présentes

Le caractère politique de l’atteinte portée à Mgr Hage et l’importance du rôle national de Bkerké ont été évoqués à l’unisson par plusieurs personnalités présentes dans la grande place de Dimane.

Georges Okais, député de Zahlé et membre du bloc parlementaire des Forces libanaises, a notamment souligné, dans une interview express accordée à notre collègue Edward Sfeir, que "tous les Libanais présents à Dimane ont voulu exprimer leur colère et leur frustration envers ce qui s’est passé avec Mgr Hage". Affirmant que le tribunal militaire est caduc dans sa forme actuelle car il ne doit juger que des militaires et non des civils, M. Okais a déclaré : "C’est le ras-le-bol". Il a affirmé à cet égard que la colère ne s’estompera qu’avec la destitution du juge Fady Akiki.

De son côté, l’un des anciens hauts responsables du Courant patriotique libre, Bassam Agha, personnalité sunnite qui a été l’un des proches collaborateurs du général Michel Aoun, a mis l’accent sur son soutien au patriarche maronite qu’il a qualifié de "maitre de la résistance". " Nous sommes venus exprimer notre appui à celui à qui la gloire du Liban a été donnée (le patriarche maronite), a déclaré Bassam Agha. Le patriarcat maronite représente un rempart face à ceux qui veulent porter atteinte à l’entité libanaise. Nous nous sommes tus lorsqu’ils ont perpétré des attentats sanglants contre deux mosquées à Tripoli, nous nous sommes tus lorsqu’ils ont voulu mettre la main sur l’État. Désormais, nous ne terrons plus et nous nous tenons aux côtés du patriarcat maronite qui est le symbole de la résistance".

Abondant dans le même sens, Mme Ghada Ayoub, députée de Jezzine, membre du bloc des Forces libanaises, a souligné que l’atteinte à Mgr Hage constitue un acte politique visant à faire pression sur le patriarcat maronite.

De son côté, l’avocat Elie Mahfoud a stigmatisé le diktat imposé par le Hezbollah à l’État central, reprenant en substance l’idée de ras-le-bol exprimée par le député Georges Okais au sujet de la ligne de conduite du parti pro-iranien.

Raï s’adresse à la foule

À la fin de la messe dominicale, une foule dense avait rempli la grande place de Dimane, en présence des députés Elie Khoury, Jean Hawat, Fady Karam, Georges Okais, Ghada Ayoub  (membres du bloc FL), et Selim Sayegh, vice-président du parti Kataëb.

Le patriarche est sorti du siège patriarcal pour s’adresser à la foule, soulignant que sa ligne de conduite s’inscrit dans le prolongement des positions similaires de son prédécesseur Nasrallah Sfeir et, d’une manière générale, des 76 patriarches maronites précédents.

"Nasrallah Sfeir vit en nous, a lancé le patriarche Raï devant la foule enthousiaste. L’atteinte à Mgr Hage est une atteinte à toute l’église maronite et à moi personnellement. La loi de l’église interdit qu’un évêque ou un religieux soit interpellé ou interrogé sans en référer à l’autorité religieuse concernée. Nous nous céderons pas et nous réclamons que le passeport, le téléphone et les aides humanitaires qui ont été saisis à Mgr Hage lui soient restitués. Et nous informons les personnes concernées qu’il continuera à transporter des aides aux familles dans le besoin". Mgr Raï a ajouté que la présence de Libanais en Israël est très ancienne, de même tous les évêques maronites qui ont précédé Mgr Hage à la tête du diocèse de Haïfa et de la Terre Sainte transportaient de l’aide et de l’argent à leurs familles au Liban.

Le patriarche Raï, dont l’intervention a été interrompue plus d’une fois par la foule qui scandait "Hezbollah terroriste, Hezbollah terroriste", a d’autre part souligné que les députés présents à ses côtés à Dimane seront les porte-paroles au Parlement de la ligne de conduite qu’il défend. "Nous avons besoin au Parlement de voix authentiquement libanaises", a conclu le patriarche.