Le Parlement a voté lors de la séance matinale un projet de loi exigé dans le cadre des négociations avec le Fonds monétaire international, à savoir l’aménagement de la levée du secret bancaire en vigueur depuis 1956. À l’ouverture de la séance, il a élu d’office sept membres de la Haute cour de justice, la plupart issus du camp syro-iranien.

Le Parlement, qui tient mardi sa première réunion à caractère législatif, a voté, avec de nombreux amendements, le projet de loi aménageant le secret bancaire, qui avait été validé le lundi 18 juillet dans ses grandes lignes par la commission des Finances et du Budget, en le fusionnant avec celui relatif à la levée du secret bancaire dans le secteur public, adopté auparavant par la même commission.

Lors du débat, le député Ibrahim Kanaan, qui préside la commission des Finances et du Budget a appelé à accélérer le vote de ce projet. "Nous l’avons examiné en commission avec le plus haut degré de transparence et en multipliant les références", a-t-il dit.

Le Parlement a également approuvé  l’ouverture d’une ligne de crédit supplémentaire de 1.000 milliards de livres libanaises dans les réserves du Budget pour financer différentes activités financières prévues pour l’exercice 2022. Les députés de la Rencontre démocratique (relevant du Parti socialiste progressiste), les députés de la contestation, les députés sunnites indépendants de Saïda, Oussama Saad et Abdel Rahman Bizri, et le député indépendant proche du Hezbollah et de Damas, Jamil Sayyed, se sont abstenus de prendre part au vote. Les députés du bloc Kataëb ont quant à eux voté contre la loi en question.

Les députés ont en outre ratifié:

– un accord entre le Liban et l’Organisation internationale de la Francophonie, en vertu du décret numéro 8971. L’accord prévoit l’ouverture d’une représentation de l’OIF au Moyen-Orient, dont le siège serait Beyrouth;

– un accord de coopération avec Chypre portant sur la lutte contre les incendies des forêts, prévu par le décret numéro 9195;

– un accord de prêt de la Banque mondiale d’une valeur de 150 millions de dollars pour l’approvisionnement du Liban en blé.

Le Parlement a retiré de l’ordre du jour un projet de loi relatif a la demande du gouvernement d’annuler un accord de prêt entre le Liban et l’Agence française de développement (AFD). L’accord vise à financer des projets d’énergie renouvelable dans le secteur privé. Au terme d’un long débat, le Premier ministre sortant, Nagib Mikati, s’est engagé à en débattre directement avec l’AFD, d’autant plus que son importance a été mise en avant par plusieurs parlementaires.

La Haute Cour de justice

À l’ouverture de la séance, le Parlement a élu d’office sept membres de la Haute Cour de justice: Jamil Sayed (indépendant, proche du Hezbollah et de Damas, et soutenu par le parti Baas aux dernières élections), Abdel Karim Kabbara (sunnite indépendant), Fayçal Sayegh (Rassemblement démocratique), Hagop Pakradounian (Tachnag) Georges Atallah (Courant patriotique libre), Imad el-Hout (Jamaa Islamiya) et Tony Frangié (Marada), ainsi que trois membres suppléants, Kabalan Kabalan (Amal), Sélim Aoun (CPL) et Jihad al-Samad (sunnite indépendant).

Établie sur base de l’article 80 de la Constitution libanaise, cette juridiction d’exception a pour compétence de juger les présidents de la République et les ministres. La mise en place de cette instance tombe à point nommé lorsque l’on sait que l’enquête sur l’explosion du 4 août 2020 au port de Beyrouth est suspendue en raison des multiples ingérences politiques et du refus des anciens ministres de comparaître devant les tribunaux lorsqu’ils sont interpellés.

Composée de sept députés élus par la Chambre des députés et de huit des plus hauts magistrats libanais choisis par ordre hiérarchique ou, à rang égal, par ordre d’ancienneté, la Haute Cour de justice rend ses arrêts à la majorité de dix voix.

Le député Sami Gemayel, chef du bloc des Kataëb (opposition), a critiqué l’élection d’office, mardi, au Parlement, de sept membres de la Haute Cour de justice.

S’adressant au président de la Chambre, Nabih Berry, à l’issue de l’élection, il a fait valoir que "la Haute Cour de justice est stérile, inutile et équivaut à une tombe pour la reddition des comptes (notamment pour la double explosion au port de Beyrouth le 4 août, ndlr)". Il a réclamé que l’enquête sur le 4 août soit confiée à la justice ordinaire, ce à quoi Nabih Berry lui a répondu: "Vous pouvez changer la Constitution pour cela". Et Sami Gemayel de répliquer: "C’est ce que nous allons faire".

Les députés des Forces libanaises et les députés issus de la contestation se sont également abstenus de prendre part au vote.

Un débat neutralisé

La réunion, dont une partie s’est déroulée en présence de l’ambassadrice des Etats-Unis, Dorothy Shea, a été marquée par des altercations, virant aux insultes.

Des échanges entre une députée de la contestation, Halima Kaakour, et le président de la Chambre, Nabih Berry, se sont tendus lorsque ce dernier l’a sommée de "s’asseoir et de se taire" pour avoir pris la parole au moment de l’élection des membres de la Haute Cour de justice. Ses propos ont provoqué des remous dans l’hémicycle, d’autant que la députée a réagi du tac au tac, reprochant à M. Berry une attitude "patriarcale". Le député Farid Haykal el-Khazen a immédiatement pris le parti du chef du Parlement et demandé que le mot "patriarcal" soit supprimé du procès-verbal de la séance, suscitant une vive réaction de la députée Paula Yaacoubian. Celle-ci a alors pris la parole en faveur de sa collègue pour critiquer le député du Kesrouan en faisant valoir que la référence au patriarcat est sans lien avec le patriarcat maronite. "Le patriarcat n’a rien à voir avec le patriarche, mais renvoie à une attitude hautaine", a-t-elle affirmé, ce qui n’a pas empêché le débat de reprendre de plus belle, et les échanges de se transformer en cris, cette fois entre la députée Cynthia Zarazir (groupe de la contestation) et le député Kabalan Kabalan (Amal) qui a carrément traitée cette dernière de "cafard" (sarasir) en faisant un jeu de mot sur son nom de famille. Et Paula Yaacoubian de faire remarquer à l’adresse du président de la Chambre que "l’un de ses députés s’est permis de traiter une collègue de cafard".

En outre, plusieurs députés ont dénoncé une volonté de neutraliser le débat politique au sein de la Chambre. Le député du bloc des Forces libanaises, Ziad Hawat, s’est opposé à "l’interdiction faite aux députés d’exprimer leur avis sur l’affaire de l’arrestation de l’archevêque maronite de Haïfa, Mgr Moussa el-Hage, huit jours auparavant, à Naqoura.

La séance a été levée peu avant 15 heures 30 et doit reprendre à 18 heures 15.