En dépit des avertissements internationaux adressés au Liban qui multiplie les signes d’impatience face à une inertie généralisée par rapport au dossier des réfugiés syriens, Beyrouth semble toujours aussi déterminé à le régler, avec ou sans feu vert international, en comptant principalement sur la coordination avec la Syrie.

Du moins, c’est le signal qui est donné par les autorités libanaises depuis qu’elles ont annoncé, en juillet 2022, vouloir rapatrier 15 mille déplacés syriens par mois.

Lundi matin, le président Michel Aoun a présidé à Baabda une réunion consacrée à ce dossier en présence des ministres sortants des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, et des Affaires sociales, Hector Hajjar. La réunion a été consacrée à l’examen des différentes étapes du plan prévu pour le retour du premier groupe de réfugiés, des critères qui seront appliqués, ainsi que des mesures qui vont être prises pour l’organisation de ce retour.

Deux facteurs principaux motivent l’empressement du Liban à commencer à rapatrier les réfugiés syriens chez eux. Le premier se rapporte à l’exacerbation de la crise socio-économique qui a mis en relief le poids que ces derniers représentent dans un pays où tout manque, surtout les produits de première nécessité, dont les pénuries fragilisent davantage les groupes les plus vulnérables de la population.

Le Liban compte plus d’un million de déplacés syriens répartis sur l’ensemble du territoire. Les frictions entre Libanais et Syriens se sont multipliés récemment, notamment avec l’aggravation de la crise du pain.

Le second facteur est politique et se rapporte à la volonté du président Michel Aoun de finir son mandat sur une " réalisation " qui permettrait d’atténuer l’impact de la crise socio-économique sur les Libanais.

Dans leurs arguments avancés pour justifier leur décision (annoncée au début du mois de juillet 2022 par le ministre sortant des Affaires des déplacés, Issam Charefeddine) de rapatrier 15 000 déplacés syriens par mois, les autorités libanaises reviennent régulièrement sur le poids que ces derniers représentent pour un pays en proie à une crise socio-économique inédite et qui peine à assurer les services et les produits de base à ses habitants.

Elles insistent sur le fait qu’un grand nombre de ces déplacés se trouve au Liban pour des raisons économiques et non pas politiques. D’abord parce qu’ils continuent de percevoir des aides en devises qu’ils envoient à leurs familles en Syrie. Ensuite parce qu’en dépit de la crise au Liban, le niveau de vie reste meilleur que celui qui en Syrie, également en proie à une importante crise économique.

Beyrouth insiste sur le fait que la majorité des régions syriennes sont devenues sûres et que rien n’empêcher les Syriens installés au Liban depuis le début de la guerre de rentrer chez eux. Pour étayer leurs dires au sujet des considérations économiques qui maintiennent les déplacés syriens au Pays du cèdre, les autorités libanaises mettent en relief l’importance du mouvement de circulation des Syriens au niveau de la frontière durant les fêtes religieuses musulmanes, ce qui contredit les arguments internationaux selon lesquels les déplacés ne peuvent pas rentrer chez eux.

Quoi qu’il en soit, la communauté internationale reste intransigeante sur ce point. Au lendemain de l’annonce libanaise d’un rapatriement progressif des Syriens installés au Liban, l’Observatoire euro-méditerranéen des droits de l’Homme est monté au créneau, mettant en garde dans un communiqué contre " une mesure inhumaine qui constitue une menace réelle pour leur sécurité ". Trois semaines plus tard, c’est au tour du Haut représentant de l’Union européenne, Josep Borrell de faire une déclaration dans laquelle il a appelé au " respect du principe de non-refoulement défini par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ", en soulignant que " les conditions d’un retour sûr, volontaire et digne des réfugiés et des personnes déplacées, ne sont toujours pas remplies en Syrie ".
Au terme de la réunion de Baabda, Hector Hajjar a fait état de contacts avec Damas à ce sujet ainsi que d’une entente avec le chef de l’État sur plusieurs points du plan prévu pour un retour progressif des déplacés syriens chez eux.