" Ce que nous essayons d’entreprendre n’est pas une mince affaire, mais le pronostic sera positif si nous arrivons à créer une nouvelle façon de négocier ", a expliqué le député du changement Rami Fanj à Ici Beyrouth, en référence à l’initiative présidentielle des députés issus du soulèvement populaire du 17 octobre.

Les treize députés dits " du changement ", dont la majorité est issue du mouvement de contestation du 17 octobre 2019, ont entamé lundi la première phase de leur tournée auprès de différents groupes parlementaires pour discuter avec eux de leur initiative présidentielle, conformément à ce qu’ils avaient annoncé le samedi 3 septembre.

Cinq des treize députés – Melhem Khalaf, Najat Aoun Saliba, Marc Daou, Halima Kaakour et Rami Fanj – se sont rendus au siège du parti Tachnag, première étape de leur tournée qui lance ainsi les tractations autour de l’élection présidentielle. À l’issue de cette réunion, et lors d’un bref point de presse, le chef du parti arménien Hagop Pakradounian a annoncé que la rencontre avec les députés de la contestation était " positive " et que leur initiative présidentielle " sera étudiée au sein du parti ". L’ancien bâtonnier de Beyrouth Melhem Khalaf a aussitôt ajouté que " libaniser l’échéance présidentielle était essentiel " et qu’il était " nécessaire pour toutes les factions politiques d’assumer leurs responsabilités nationales ".

Les mêmes propos ont été repris un peu plus tard dans la journée, cette fois à Saïfi, où le leader du parti Kataëb Samy Gemayel a profité pour saluer " les efforts de coordination mis en œuvre afin de confronter la réalité politique libanaise ", en soulignant par ailleurs que ceux-ci n’étaient pour l’heure " qu’au stade préliminaire ". Plus encore, M. Khalaf, autoproclamé porte-parole pour l’occasion, a insisté sur le fait que " l’initiative présidentielle permettra l’élection d’un chef de l’État dans les délais prévus par la loi et la Constitution tout en respectant le principe de la primauté du droit dans le but d’éviter un vide constitutionnel ".

Une initiative positive "

D’aucuns pensent que les consultations politiques avec l’ensemble des forces concernées est un premier pas dans la bonne direction pour trouver un début de solution à la crise politique et économique libanaise. " Ce que nous essayons d’entreprendre n’est pas une mince affaire, mais le pronostic sera positif si nous sommes capables de créer une nouvelle façon de négocier ", a expliqué le député du changement Rami Fanj à Ici Beyrouth. " Nous sommes treize députés à partager une vision et notre initiative présidentielle est souveraine ", a-t-il indiqué. " C’est pourquoi nous tendons la main à toutes les composantes de la classe politique libanaise pour progresser dans un même sens ", a-t-il conclu.

Une démarche fortement appréciée par les Forces libanaises qui ont souligné à maintes reprises leur disposition à coordonner avec les députés du 17 octobre en ce qui concerne l’échéance présidentielle. " Nous avons plusieurs points en commun avec les treize élus, notamment la volonté d’élire un président souverain et réformateur. C’est une des raisons pour lesquelles nous avons accepté de les rencontrer samedi prochain – en dépit du fait que nous nous contactions dans les coulisses – afin de pouvoir discuter plus amplement de ce sujet et joindre nos efforts ", a révélé une source informée proche de Meerab. " Si les FL, les Kataëb, le Parti national libéral, les députés sunnites et les indépendants unissent leurs forces, nous pourrons élire un président qui corresponde à nos critères ", a-t-elle relevé. Et d’ajouter: " Cependant, les treize députés ne peuvent rien accomplir sans l’opposition, et la réciproque est tout aussi vraie ".

Critiques à l’encontre des députés du changement

Alors que certains vantent les mérites de cette " feuille de route " et félicitent le " Club des treize " pour cette démarche, d’autres la critiquent, la jugeant " dénuée de contenu, sans prise de position ferme à l’égard des armes du Hezbollah et de l’allégeance envers l’axe irano-syrien ". " Cette initiative présidentielle n’est que du marketing politique, dont le seul objectif est de jeter de la poudre aux yeux aux médias, mais aussi à l’opinion publique ", dénonce une source de l’opposition. " Les propositions présentées sont superficielles et ne sont pas à la hauteur des défis qui se présentent aujourd’hui ", a-t-elle estimé.

En réponse à une question sur les candidatures potentielles que pourraient soutenir les députés du 17 octobre, la source précitée a indiqué que les treize élus s’abstiendront de dévoiler leur choix avant la fin de la semaine prochaine.

Néanmoins, le quotidien libanais an-Nahar a rapporté en fin de semaine que les treize parlementaires opteraient plutôt pour des députés indépendants, tels que Michel Moawad ou Neemat Frem, comme candidats à la présidence, bien que cette information ne soit pas encore confirmée. Interrogée sur la possibilité pour le bloc du changement de faire pencher la balance en faveur d’un camp politique lors de l’élection présidentielle, la source a indiqué que " tout dépendra du chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt et de ses alliances politiques ".

Une source proche du PSP, contactée par Ici Beyrouth, a assuré que le parti druze est en pourparlers avec toutes les forces politiques, Hezbollah inclus. " Nous faisons en sorte qu’il n’y ait pas de vide présidentiel. C’est pourquoi nous recherchons un profil qui puisse rassembler tous les Libanais, relancer l’économie, et favoriser la reprise des relations avec le monde arabe ainsi qu’avec la communauté internationale ", a-t-elle précisé. " Cependant, les treize parlementaires n’ont pas encore approché le PSP. Une fois que cela sera fait, nous serons prêts et ouverts à toute discussion, en espérant qu’elle sera fructueuse ", a noté la source.

Il n’en demeure pas moins que l’initiative présidentielle des treize élus ne semble pas avoir encore conquis la totalité des partis politiques libanais. Il faudra donc attendre la suite de leurs concertations pour commencer à voir clair dans la répartition des tendances politiques au sein de l’hémicycle en vue de la présidentielle.