" Michel Aoun et ses " lieutenants " seront beaucoup plus agressifs dès qu’ils ne seront plus au pouvoir, d’autant que les tentatives du président de faire élire son gendre Gebran Bassil à la magistrature suprême ont échoué ", a expliqué le journaliste et politologue Ali Hamadé à Ici Beyrouth.

Plus que trois jours nous séparent de la fin du mandat du président de la République Michel Aoun. Une échéance très attendue par des centaines de milliers de Libanais qui décrivent son sexennat comme étant " le pire mandat présidentiel de l’histoire du pays ". Et pour cause, son passage à Baabda est loin d’être réussi. Sous le mandat Aoun, les catastrophes politiques, économiques, sociales et humanitaires se sont succédé à un rythme effréné: crises gouvernementales, insurrections populaires, crise économique aiguë, crise de l’énergie, du carburant et de l’eau, crises sanitaires… Le tout couronné par la troisième plus grande explosion de l’histoire de l’humanité, survenue au port de Beyrouth le 4 août 2020.

Le chef de l’État, au bilan peu élogieux, quittera dimanche le palais présidentiel pour regagner sa villa de Rabieh, laissant dans son sillage un pays meurtri, appauvri, affaibli, isolé de la communauté internationale et otage du Hezbollah. Face au legs du " mandat fort ", quels seront les scénarios sur les plans politique et constitutionnel auxquels devront s’attendre les Libanais dès le 31 octobre?

Sur le plan politique

Pour le journaliste et politologue Ali Hamadé, Michel Aoun est un homme " dépourvu de sagesse politique et hanté par l’idée d’être oublié ou mis à l’écart ". " M. Aoun et ses " lieutenants " seront beaucoup plus agressifs dès qu’ils ne seront plus au pouvoir, d’autant que les tentatives du président de faire élire son gendre Gebran Bassil à la magistrature suprême ont échoué ", a-t-il expliqué. " Il a dû alors changer de cap en essayant de proroger son mandat, pour devenir un président de transition, afin d’éviter une vacance présidentielle, mais ce cas de figure n’a pas abouti ", a indiqué M. Hamadé.

" Le scénario le plus plausible après le 31 octobre serait que Michel Aoun se lance directement dans une offensive frontale contre ses adversaires politiques, à savoir le Premier ministre Najib Mikati, le chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt et le président de la Chambre Nabih Berry, car ses échecs l’ont rendu amer et combattif ", a-t-il estimé. Et de poursuivre: " Le second scénario serait la vacance présidentielle qui pourrait durer quelques jours, des semaines ou des mois. Toutefois, le Courant patriotique libre, avec à sa tête Michel Aoun, mènera une guérilla politique contre le cabinet de M. Mikati pour crier haut et fort qu’un gouvernement démissionnaire ne peut pas s’arroger les prérogatives présidentielles, et accusera le Premier ministre d’empiéter sur les droits des maronites en jouant la carte du confessionnalisme ".

Même son de cloche pour le politologue Ibrahim Jouhari, qui assure qu’il n’existe qu’un seul scénario après le 31 octobre – date qui marque la fin du mandat de Michel Aoun – celui de voir le cabinet de M. Mikati assumer les fonctions et les compétences du chef de l’État tant que le palais de Baabda est inhabité. Cependant, " les ministres chrétiens pourraient se retirer des séances gouvernementales, sous les instructions de Michel Aoun et du CPL, et cela constituerait un vrai danger au niveau politique et institutionnel. Ce problème ne pourra être résolu que par des pressions internationales ou par l’élection d’un président de la République qui appellera à la formation d’un nouveau gouvernement ", a-t-il conclu.

Sur le plan constitutionnel

Interrogé par Ici Beyrouth, le constitutionnaliste Saïd Malek explique que l’article 62 de la Constitution libanaise prévoit qu’en cas de vacance présidentielle " si un président de la République n’est pas élu avant la fin du délai constitutionnel prévu à cet effet, ses compétences et ses privilèges seront directement transmis au gouvernement en fonction, indépendamment du fait qu’il soit formé de plein droit ou qu’il soit démissionnaire ". Et d’ajouter: " Ce cabinet remplira activement les tâches stricto sensu du chef de l’État par intérim, jusqu’à l’élection d’un président ".

Par ailleurs, M. Malek a précisé qu’une fois qu’un chef d’État sera élu, il sera confronté à deux options: former un gouvernement (qui devra par la suite obtenir la confiance du Parlement) avec le Premier ministre désigné; ou voir ce dernier démissionner, ce qui permettra au président de lancer des consultations parlementaires pour la désignation d’un nouveau Premier ministre, lequel sera chargé de former un cabinet.

Quoi qu’il en soit, le 31 octobre est une date charnière importante: elle marquera la fin d’un sexennat médiocre, mais elle ouvrira une nouvelle page de l’histoire du Liban.

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