Jusqu’au dernier moment, le président de la République sortant Michel Aoun s’est appliqué à tirer à boulets rouges contre ses détracteurs, s’acharnant plus particulièrement sur le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé, et le président du Conseil supérieur de la magistrature Souheil Abboud, deux potentiels candidats à la présidence.

Devant une foule partisane en liesse rassemblée dans la cour de Baabda depuis samedi soir pour célébrer sa sortie, Michel Aoun a tenu un discours de chef de parti. "Ce matin, j’ai adressé une note au Parlement, sur base de mes prérogatives et j’ai signé le décret de démission du gouvernement", a-t-il d’emblée déclaré, annonçant que ce jour n’est pas "un adieu", mais "le début d’une nouvelle étape" qui sera caractérisée par "une lutte acharnée". "Je laisse derrière moi une situation qui nécessite une lutte et une action pour s’en débarrasser", a-t-il poursuivi, alors qu’il avait toute la latitude de le faire durant son sexennat.

Michel Aoun signant le décret de démission du cabinet Mikati, quelques heures avant de quitter le palais de Baabda.

Se penchant sur la situation économique du pays, Michel Aoun a afffirmé que le Liban est "pillé". "Son Trésor est pillé. La Banque du Liban l’est aussi, ainsi que votre argent. Cela nécessite des positions et des efforts pour déraciner la corruption", a-t-il martelé. "Nous nous retrouvons avec un État dont les institutions sont pourries, parce que le système au pouvoir en a abusé, d’autant que la justice est paralysée et ne restitue plus aux gens leurs droits", a soutenu M. Aoun, comme s’il ne faisait pas partie de ce système.

Il a rappelé que dans le cadre d’une enquête judiciaire, "les différents crimes financiers ont été élucidés" et qu’une plainte a été déposée devant le parquet, mais qu’aucune suite n’a été donnée au dossier. Il s’est déchaîné à cet égard contre Riad Salamé, l’accusant d’avoir "commis tous les crimes financiers". "Mais nous n’avons pas pu le traduire en justice", a déploré M. Aoun, s’interrogeant sur "la partie qui le protège".

Pour lui, "une réforme est nécessaire pour mettre fin au pouvoir des parties qui ont paralysé la justice et bloqué l’enquête sur l’explosion au port de Beyrouth", le 4 août 2020. "Nos victimes et nos innocents (en référence aux personnes arrêtées dans le cadre de l’enquête) sont en prison. Pourquoi?", a lancé M. Aoun, accusant Souheil Abboud de refuser de nommer "un juge suppléant" à Tarek Bitar, chargé de d’instruire le dossier sur l’explosion au port. C’est le ministre sortant de la Justice Henri Khoury, du camp de Michel Aoun, qui avait exigé la nomination de ce juge. Souheil Abboud a refusé de se plier à cette décision à laquelle s’opposent vivement les familles des victimes du port. M. Aoun a estimé dans ce cadre qu’un combat est mené contre son camp, "parce que l’enquête pourra les traduire en justice".

Soulignant que "des pertes financières auraient pu être réduites si la loi sur le contrôle des capitaux a été votée", il a affirmé que l’accord conclu jeudi sur la délimitation de la frontière maritime entre le Liban et Israël permettra au Liban de sortir "du gouffre dans lequel ils l’ont entraîné".