Paul Naggear, père de la petite Alexandra, tuée dans la double explosion au port, confie à Ici Beyrouth, que les États membres du Conseil des droits de l’Homme (CDH), pourraient présenter lors de 52e session de cette instance des Nations Unies, une déclaration commune favorable à la création d’une mission d’établissement des faits, dans l’affaire de l’explosion du port de Beyrouth, le 4 août 2020.

La 52e session du Conseil des droits de l’Homme (CDH) se tiendra entre le 27 février et le 4 avril. Durant cette période, des Etats membres pourraient présenter, devant cette instance des Nations Unies, une déclaration commune, en vertu de laquelle ils se diraient favorables à la création d’une mission d’établissement des faits en ce qui concerne la déflagration meurtrière qui a pulvérisé plusieurs quartiers de la capitale libanaise, le 4 août 2020.

Cette déclaration constituerait une base solide pour l’adoption d’une résolution à cet effet, ce qui pourrait se produire dans le cadre du prochain cycle de réunions du CDH, c’est-à-dire au mois de juin. C’est, du moins, ce que confie à Ici Beyrouth, Paul Naggear, père de la petite Alexandra, tuée dans la double explosion au port.

Tout a commencé en janvier 2021, lorsque le collectif du 4 août qui travaille en étroite collaboration avec des organisations non gouvernementales comme Legal Action Worldwide, Human Rights Watch et Amnesty International, a entamé une campagne de lobbying pour pousser vers la création d’une mission d’établissement des faits. " Après une étude approfondie du dossier, nous avons décidé de nous engager dans la procédure judiciaire la meilleure, en termes d’impact et de faisabilité ", a déclaré M. Naggear. " L’enquête internationale étant, pour le moment, difficile à lancer, l’option de la mission d’établissement des faits nous a paru convenable surtout qu’elle n’engage pas des frais supplémentaires pour l’État libanais ", a-t-il indiqué.

Selon le règlement, deux démarches aboutissent à l’enclenchement d’une mission d’établissements des faits. Cela peut se faire par voie directe. En d’autres termes, pour que la requête fasse partie des multiples points à l’ordre du jour de la réunion du Conseil, il suffit qu’un des 47 États membres du CDH présente une résolution dans ce sens.

La seconde formule, celle à laquelle les membres ont habituellement recours, consiste en une demande commune, présentée devant le CDH. Un groupement de pays, signataires d’une déclaration d’intention, confirment leur position favorable à une telle requête.

Pour qu’il soit procédé à la création d’une mission d’établissement des faits, dans l’un ou l’autre cas, un vote à la majorité simple (24 pays) est requis. Rappelons que le Conseil des droits de l’homme organise au moins trois sessions ordinaires par an pour près de dix semaines au total. Celles-ci ont lieu entre février et mars, entre juin et juillet, et entre septembre et octobre. Les sessions peuvent durer trois, quatre ou cinq semaines, selon le programme de travail. " C’est la raison pour laquelle la procédure est relativement longue. N’oublions pas que lorsque nous avions présenté notre requête en 2021, la France ne semblait pas pencher pour un tel processus. Il faut dire qu’elle voulait éviter de se faire le bouc émissaire du Liban et attendait une action commune de la part de plusieurs États ", avance M. Naggear.

D’après lui, " une nouvelle énergie positive se constitue à l’international ". " La position de la France aurait changé en faveur d’une mission d’établissement des faits ", note-t-il. Pour le moment, le collectif du 4 août poursuit ses activités afin de faire pression sur les gouvernements et les convaincre de signer la déclaration.

Parallèlement à cette procédure, des actions sont menées à l’étranger. Il s’agit d’une part des poursuites judiciaires engagées par des binationaux ou citoyens de pays étrangers, victimes de l’explosion, dans leur pays d’origine. D’autre part, deux actions sont intentées contre des sociétés, l’une à Londres par le bureau d’accusation du Barreau de Beyrouth contre la société importatrice du nitrate d’ammonium, Savaro Ltd, l’autre au Texas, par un groupe de neuf proches de victimes, contre la compagnie américano-norvégienne de services géophysiques, TGS, propriétaire de la société britannique, Spectrum Geo, qui a affrété il y a dix ans le Rhosus, bateau battant pavillon moldave qui avait transporté les 2.750 tonnes de nitrate d’ammonium au port de Beyrouth.

Au Liban, le CSM prévoit un déblocage

Au Palais de justice où règne une atmosphère tendue depuis le conflit qui a opposé le juge d’instruction chargé de l’enquête sur l’explosion au port de Beyrouth, Tarek Bitar et le procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, le président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), Souheil Abboud, prévoit des mesures qui pourraient aboutir à un retour au calme.

Selon des sources judiciaires, M. Abboud convoquera le CSM à une réunion dans le courant de la semaine prochaine. A l’ordre du jour, entre autres, trouver le moyen d’assurer la tenue d’une réunion de l’Assemblée plénière, en présence des juges ordinaires et de leurs délégués, de sorte que celle-ci puisse statuer sur les recours présentés contre le magistrat Bitar, dessaisi du dossier, par d’anciens ministres et députés.

Le conflit entre les deux juges Bitar et Oueidate s’est déclenché lorsque le premier a décidé, le 24 janvier, de relancer l’enquête bloquée depuis décembre 2021, en raison des multiples recours présentés contre lui par d’anciens ministres et députés et sur lesquels l’Assemblée plénière de la Cour de cassation n’a pas pu statuer, faute de quorum. Le timing de l’initiative de Tarek Bitar reste énigmatique, même si certains observateurs la relient à la venue au Liban, en janvier, des juges français qui instruisent l’enquête à Paris, des victimes françaises ayant péri au lendemain de l’explosion du port, le 4 août 2020.

Hostile à la décision du juge Bitar, le Parquet l’avait considérée nulle. Rappelons que le procureur général Ghassan Oueidate, dont le mandat prend fin dans un an, s’était récusé à cause de son lien de parenté à l’ancien député Ghazi Zeaïter, proche du mouvement Amal et mis en cause dans le cadre de cette affaire.