Le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé a déclaré que " le pays est profondément touché par les circonstances politiques qu’il traverse, ce qui se répercute sur sa monnaie et son économie, aussi bien que sur la confiance des citoyens ", soulignant que " ce phénomène est toutefois pris en compte lors de l’établissement des politiques bancaires libanaises ".

Dans un entretien accordé à la chaîne " al-Qahera News " dimanche, M. Salamé a affirmé que " la BDL n’est pas responsable de la crise, mais est devenue une sorte de bouc émissaire ". " Le déficit accumulé et l’absence de véritables réformes ont contribué à la crise actuelle ", a-t-il expliqué. " Le gouvernement de Hassane Diab a insisté pour que le Liban cesse de payer sa dette externe pour déclarer que l’État est en défaut de paiement, afin de le placer dans une position qui l’empêche de financer ses besoins ".

Le gouverneur de la Banque centrale a tenu à préciser que la fermeture des banques pendant trois semaines en 2019 a provoqué une situation de panique auprès des déposants, qui se sont rués vers les institutions bancaires pour retirer leur argent. " Aucune banque au monde n’est capable de traiter toutes ces demandes de manière instantanée ", a insisté M. Salamé. " Ce manque de confiance de la part des Libanais résulte de leur incapacité à retirer leurs dépôts au moment qui leur convient ; et cela a causé une régression au niveau du secteur bancaire et économique, ainsi qu’au niveau du cycle financier de l’État ". Et de poursuivre : " Toutes les crises que le Liban traverse se traduisent par une hausse du taux de change du dollar par rapport à la livre libanaise. La crise politique actuelle empêche l’économie libanaise de trouver des solutions rapides à ses problèmes ". Le chef de la BDL a par ailleurs attribué les symptômes de la crise politique au fait que le Liban n’a eu un gouvernement de plein pouvoir que pour une période de 12 à 13 mois au cours des trois dernières années, ce qui, selon ses dires, a inévitablement déstabilisé les institutions constitutionnelles.

Abordant la question liée à la plateforme de change officielle Sayrafa, le gouverneur a assuré que celle-ci est au service des particuliers, notant que l’État a créé un déficit et un amoncellement de dettes à travers ses budgets au fil des années. " Sayrafa a pour but d’enregistrer toutes les opérations d’échange effectuées en dollars et n’opère pas selon le principe du secret bancaire puisque son principal objectif est d’unifier le taux de change ", a-t-il indiqué, révélant que le marché noir au Liban échappe au contrôle de la Banque centrale, car le prix du dollar y est négocié en fonction des besoins. " Il existe d’ailleurs des marchés parallèles qui répondent à ces besoins ". Il a également noté dans ce cadre que " le montant payé en 2022 pour les importations s’élève à 19 milliards de dollars ".

Se penchant sur les réserves de la BDL, M. Salamé a expliqué que ces dernières " sont d’environ 15 milliards de dollars, dont 10 qui peuvent être utilisés à l’étranger ", ajoutant que " les réserves d’or valent 17 milliards de dollars ". " Cependant, les pertes sont estimées à plus de 50 milliards de dollars pour les secteurs privé et public ", a-t-il revélé, affirmant que " les dépôts sont préservés tant que la BDL ne fait pas faillite ". " La BDL n’est plus en capacité de régler les problèmes auxquels fait face le pays car cela nécessite un projet national. Néanmoins, la Banque centrale peut intervenir dans le cadre de la loi pour maîtriser la situation, conformément à des provisions légales spécifiques ", a souligné M. Salamé.

Le gouverneur a également tenu à clarifier que " les transferts effectués à partir de comptes bancaires de particuliers vers d’autres comptes bancaires ne passent pas par la BDL ".

Interrogé sur les réformes requises par le Fonds Monétaire International, M. Salamé a confié que l’instance internationale a demandé à la BDL d’auditer ses comptes, " chose qui a été faite, sachant que le FMI a aussi réclamé une proposition sur la réforme bancaire ".