Le tandem chiite soutient la candidature de Sleiman Frangié à la présidence de la République, estimant qu’il s’agit d’une "nécessité nationale". Le président de la Chambre, Nabih Berry, n’a de cesse de répéter à qui veut l’entendre que Sleiman Frangié est le seul candidat susceptible de négocier la démarcation de la frontière entre la Syrie et le Liban avec son "ami" le président syrien, Bachar el-Assad, et de trouver une solution à la crise des réfugiés syriens en garantissant leur retour. De plus, il est le seul à même d’aborder la stratégie de défense avec le Hezbollah et de le convaincre de remettre ses armes à l’État libanais. En outre, M. Frangié croit en l’accord de Taëf et tend la main à tous les acteurs. Partant, il serait pertinent de l’appuyer et de se rassembler autour de sa candidature, puis d’organiser une séance au Parlement pour l’élire à la présidence de la République, soulignent les milieux du président de la Chambre.

Pourtant, c’est plutôt l’inverse qui est vrai, puisque M. Frangié est un pur produit d’un système qui a conduit l’État libanais à une mort clinique, détruit ses institutions, et ce, avec la couverture du Hezbollah qui sert les intérêts de son commanditaire iranien.

De plus, l’accession de Sleiman Frangié à la magistrature suprême assurera la pérennité de cette couverture, tranquillisera l’establishment proche du Hezbollah et évitera que les différentes parties ne soient poursuivies pour les crimes commis contre le peuple libanais et la stabilité financière du pays, notamment avec un taux du dollar dépassant désormais le seuil des 130.000 voire 140.000 livres libanaises.

Par ailleurs, le chef des Marada ne contrariera pas les projets de son ami Bachar el-Assad, c’est-à-dire qu’il l’aidera à se débarrasser de millions de Syriens en forçant leur déplacement au Liban et ailleurs. Cette complicité bénéficiera à la fois au régime Assad et lui permettra de ne pas assumer ses responsabilités à l’égard de ses citoyens, et à l’Iran qui mettra en œuvre sa stratégie expansionniste dans la région, facilitée par le changement démographique amorcé.

En outre, M. Frangié protègera l’axe de la "résistance" prôné par le Hezbollah pour qu’il puisse maintenir sa mainmise au détriment de la souveraineté et de la stabilité du Liban, et garder le statu quo actuel sans même effectuer la moindre réforme ou changement, sachant qu’il continue de refuser la comparution de l’un de ses ministres dans le cadre de l’enquête sur son implication dans l’explosion du port de Beyrouth, ou d’un directeur général proche de lui pour corruption.

C’est précisément pour toutes ces raisons que le tandem chiite veut propulser M. Frangié à la présidence de la République.

Mais, qu’en est-il de ces raisons à l’aune de l’accord irano-saoudien?

Une question qui se pose avec d’autant plus d’acuité que la carte libanaise n’est plus hypothéquée par les ramifications de l’Iran dans la région, notamment le Hezbollah, mais plutôt par les principaux acteurs, autrement dit l’Iran et l’Arabie saoudite. Dans ce cas, un président tel que Sleiman Frangié ne pourra pas être le vecteur de la solution escomptée.

La clarification apportée par l’Iran sur le sort du Hezbollah, à la suite de l’accord impliquant le caractère inopportun de garder les "alignements antérieurs qui n’ont plus leur raison d’être", se passe peut-être de commentaire. Ainsi, l’accord a totalement modifié la donne, et la mission du Hezbollah qui prévalait n’est plus requise pendant la période à venir. En conséquence, il est logique que le Hezbollah se replie et se concentre uniquement sur l’intérieur libanais, tout en mettant un terme à "son ingérence dans les affaires des pays de la région".

Il sera également nécessaire de prendre du recul et d’observer comment la situation régionale va évoluer à l’aune de cet accord, et l’impact des développements sur la scène interne. C’est la raison pour laquelle il serait judicieux de rester à l’affût des réactions et d’éventuelles surprises.

En effet, l’accord irano-saoudien, chapeauté par la Chine, dépasse le Liban, qui n’est pas aussi prioritaire que le Yémen ou la Syrie.

Plus important encore, les calculs des États-Unis quant à ce développement sur la Route de la soie qui aura indubitablement des retombées directes sur la Chine et affectera de facto les intérêts américains dans la région. D’ailleurs, ces calculs pourraient converger avec les préoccupations israéliennes que seule une guerre régionale pourrait dissiper.

Ainsi, la révélation de l’armée israélienne sur l’implication du Hezbollah dans l’explosion d’un engin à proximité du carrefour de Megiddo, à Marj Ibn Amer, et ses répercussions, ne doit pas être sous-estimée.

Toutefois, il est à craindre que cette révélation ne soit exploitée pour rabattre les cartes et changer la donne… ce qui ouvrirait les portes de l’enfer pour le Liban et la région, et ferait passer au second plan la nécessité d’élire Sleiman Frangié.