Le Liban est dévasté. Et pour cause : le dollar connait une flambée sans précédent, alors que l’État et ses institutions sont aux abonnés absents et ne manifestent aucune volonté pour juguler l’effondrement. Sans oublier que les dirigeants cherchent à détourner l’attention des Libanais des crimes financiers commis à leur encontre et à absorber leur colère en prenant des mesures qui sortent de l’ordinaire et qui sont, de surcroit, inutiles.

Il faut dire que les efforts des responsables se limitent à manipuler les taux de change afin de satisfaire les personnes lésées en leur jetant quelques miettes, évitant ainsi toute forme de contestation qui pourrait entraver les marchés et les compromis qui les ramèneront au sommet du pouvoir, avec un président complaisant, qui leur permettrait de poursuivre le pillage des fonds publics et privés.

Parallèlement, l’opposition est, pour le moins, apathique et ambigüe, comme à son accoutumée. Elle ne fait que pointer du doigt "cette alliance autoritaire, financière et sectaire", ou "l’establishment" ou encore "la classe au pouvoir". Autant d’appellations généralistes pour désigner les responsables de l’effondrement sans les nommer, ce qui complique toute poursuite ou mobilisation populaire qui transcenderait les divisions, et porterait un projet salutaire pour le pays.

Or en justifiant son incapacité à faire bouger les choses, cette opposition ne diffère point du pouvoir. En effet, les différents groupes qui la composent se critiquent en taxant les uns de patriotes et les autres de souverainistes, au lieu de s’unir autour d’un seul projet et constituer une force capable d’affronter le pouvoir en place.

C’est comme si chaque groupe cherchait à préserver ses acquis au lieu de les partager avec les autres qui lui ressemblent. Par ailleurs, la concurrence sur la scène chrétienne, dont le prochain président de la République sera issu, est telle qu’elle l’emporte sur tout projet national non sectaire. Il est donc illusoire de croire que l’intérêt supérieur des Libanais sera protégé par une retraite spirituelle telle qu’elle a été demandée par l’Église, alors que d’autres communautés appellent de plus en plus à la mise en place d’un système fédéral.

La gauche, quant à elle, se prévalant du rejet du sectarisme et des principes de laïcité et de démocratie, décrète que tel est patriote et tel autre ne l’est pas. Il sera donc important de trouver un terrain d’entente entre les différents acteurs de l’opposition afin de construire un projet politique salvateur au lieu de se concentrer uniquement sur les problèmes vitaux, économiques et financiers.

Malgré leurs différences, l’opposition et le pouvoir justifient leur inaction par les rapports de force qui les empêchent de réaliser leurs aspirations. Peut-être qu’ils attendent une ingérence extérieure dont ils rejettent explicitement les diktats tout en scrutant en catimini la direction que prendra le vent afin de déterminer leur position pour la prochaine étape, dans l’espoir d’avoir leur part du gâteau.

Plus importante encore reste l’indifférence des Libanais lésés et pillés à la fois, dont les réactions sont largement insuffisantes pour affronter l’ampleur du préjudice qu’ils subissent. Aucune désobéissance, aucune révolte. En plus, ils négligent les appels répétés pour battre le pavé et amorcer un potentiel changement. Une population entière est impuissante face aux atrocités qui la frappent. Comme si la complainte et la négativité étaient les seuls moyens, bien qu’insuffisants, pour s’opposer ou exprimer la désapprobation des citoyens et les conduire à renverser un pouvoir sans tête, qui s’amuse à rechercher un président qui ne changera rien à la réalité désastreuse.

Alors que les étudiants et les enseignants sont désormais incapables de supporter les frais de transport pour rejoindre leurs écoles et leurs universités, et que la monnaie nationale s’effondre face à la dollarisation de toutes les marchandises de façon progressive, la dévastation devient de plus en plus manifeste au Liban.

Pendant ce temps, les dirigeants et l’opposition profitent de chaque évènement public pour faire preuve de civilité dans leurs discours de coexistence et s’échangent les vœux à l’occasion du mois sacré du ramadan, du carême et de Pâques, sans offrir le moindre espoir de renouveau pour le Liban.

 

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