Une experte de l’ONU a exprimé mercredi sa profonde préoccupation concernant l’ingérence dans l’enquête sur l’explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020, y compris les menaces contre le juge d’instruction Tarek Bitar.

La Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur l’indépendance des juges et des avocats, Margaret Satterthwaite, a condamné les retards excessifs qui ont empêché que justice soit faite pour les personnes touchées par l’explosion.

"Je suis profondément troublée par les informations selon lesquelles d’anciens responsables de l’État et d’autres personnes impliquées dans l’affaire ont recouru de manière malhonnête à des procédures de récusation et à d’autres actions contre les juges d’instruction nommés pour examiner l’affaire", a déclaré Margaret Satterthwaite. "Cela a entraîné le remplacement d’un juge d’instruction en février 2021, et plusieurs suspensions de l’enquête ces derniers mois. "

L’experte de l’ONU a fait état d’informations selon lesquelles les autorités ont rejeté les demandes judiciaires de lever l’immunité parlementaire de certains accusés et d’autoriser l’interrogatoire de responsables de la sécurité. Le gouvernement n’a pas non plus exécuté les mandats d’arrêt contre d’anciens ministres. Le juge Tarek Bitar, qui a été nommé pour diriger l’enquête en février 2021, a dû faire face à des obstacles et à des menaces croissantes pour mener à bien son travail, a déclaré la Rapporteuse spéciale.

Margaret Satterthwaite a noté qu’à ce jour, personne n’a été jugé pour l’explosion du 4 août 2020, qui a fait 218 morts, 7 000 blessés et 300 000 déplacés.

" L’explosion a détruit le port de Beyrouth, causé d’importants dégâts à la ville et libéré des produits chimiques dangereux qui peuvent nuire à la santé humaine et à l’environnement ", a-t-elle dit.

"Le 23 janvier 2023, le juge Bitar a annoncé qu’après une pause, il reprendrait son enquête. Deux jours plus tard, il a été accusé de plusieurs délits, dont " usurpation de pouvoir ", et une interdiction de voyager lui a été imposée", a déclaré l’experte. "Un certain nombre de requêtes ont été déposées dans l’intention d’écarter le juge Bitar de l’affaire, et une campagne est en cours à la télévision et sur les réseaux sociaux pour le discréditer ", a-t-elle déclaré. Margaret Satterthwaite a relevé que le juge aurait reçu des menaces de mort et bénéficie actuellement d’une protection militaire.

Elle a poursuivi : " Le juge Bitar doit bénéficier de la sécurité dont il a besoin pour mener à bien son travail. J’exhorte les autorités libanaises à veiller à ce que ces menaces fassent l’objet d’une enquête et à ce que le juge, ses collègues et sa famille soient protégés de manière adéquate. "

" Les juges ne devraient jamais être menacés ou soumis à des sanctions pénales ou disciplinaires simplement pour avoir fait leur travail ", a déclaré l’experte de l’ONU.

" Les victimes de l’explosion et leurs familles demandent justice depuis plus de deux ans ", a ajouté Margaret Satterthwaite. Elle a exhorté les autorités libanaises à prendre des mesures immédiates pour protéger l’indépendance et l’intégrité de l’enquête et veiller à ce que les responsables de l’explosion puissent être tenus responsables.

" Les personnes touchées par l’explosion ont un droit fondamental à la protection de la loi et à des recours efficaces ", a souligné l’experte. " Cela ne peut arriver que si l’indépendance du pouvoir judiciaire est respectée. "

La Rapporteuse spéciale a contacté le gouvernement libanais au sujet de ces allégations.