Par un jugement rendu le 4 avril 2023, la 17e chambre correctionnelle du Tribunal judiciaire de Paris a déclaré Louis Dreyfus – directeur de la publication du journal Le Monde –, coupable du délit de diffamation publique envers Antoun Sehnaoui, PDG de la SGBL, et Benjamin Barthe – journaliste et correspondant à Beyrouth dudit journal – coupable de complicité du délit de diffamation précité.

Antoun Sehnaoui avait en effet, déposé une plainte avec constitution de partie civile devant le Tribunal judiciaire de Paris à raison des propos diffamatoires tenus à son encontre dans un article rédigé par Benjamin Barthe et publié le 22 novembre 2019 sur le site Lemonde.fr, titrant Liban: dans les rouages de l’économie de l’ombre.

Il s’agit là d’un fait assez rare pour être souligné puisque le journal Le Monde est condamné, pour la première fois, du chef de diffamation publique envers un particulier dans une "affaire libanaise", étant précisé que la plupart des décisions récentes rendues par la 17e chambre correctionnelle du Tribunal judiciaire de Paris ont débouté les plaignants de leurs actions en diffamation contre des médias.

Cette décision est d’autant plus remarquable qu’elle est rendue par une instance judiciaire française qui ne s’est pas laissé influencer par les vastes campagnes de désinformation et cabales médiatiques diffamatoires orchestrées au Liban au lendemain des mouvements de contestation qui ont éclaté le 17 octobre 2019 en vue d’imputer notamment au secteur bancaire toute la responsabilité de la crise financière sans précédent que traverse le pays.

Certaines de ces campagnes menées par des partis politiques connus visent, en particulier, à ternir la réputation d’Antoun Sehnaoui, PDG de la SGBL. L’article du Monde en est un parfait exemple. En effet, pour illustrer l’histoire de la corruption au Liban, l’auteur de l’article, Benjamin Barthe, a sciemment cherché à tromper les lecteurs en relatant un incident privé survenu plus de neuf ans plus tôt sans lien aucun avec les événements politico-judiciaires de 2019.

Il convient de rappeler qu’Antoun Sehnaoui avait bénéficié d’une ordonnance de non-lieu rendue le 20 février 2013 – soit trois ans après l’incident – par la Chambre de mise en accusation de Beyrouth, composée de trois juges et présidée par le juge Roukoz Rizk, et ce, à l’issue d’une procédure longue de trois années devant des juridictions de différents degrés.

Or comme le relève le jugement, à juste titre, ces propos diffamatoires recueillis par l’auteur de l’article émanent de Nizar Saghieh, avocat de Mazen Zein et du journal al-Akhbar (réputé pour son affiliation politique avec le Hezbollah et sa ligne éditoriale controversée), que le journaliste a fait le choix de présenter "comme le directeur de l’ONG Legal Agenda et surtout comme un fin connaisseur du monde judiciaire libanais, sans préciser qu’il était partie prenante dans cette affaire pour être l’avocat du plaignant, ce qui aurait pourtant permis au lecteur d’envisager la potentielle subjectivité de son analyse".

De surcroît, la chambre correctionnelle ne manque pas de souligner que la légitimité du non-lieu accordé à Antoun Sehnaoui dans ladite affaire est "insidieusement remise en question par les déclarations de Nizar Saghieh" farouche détracteur d’Antoun Sehnaoui – pour des raisons qui n’échappent à personne – en tentant ainsi de faire croire au lecteur que "cette décision de non-lieu, infondée car non autrement justifiée, a nécessairement été obtenue grâce aux pressions exercées sur le juge d’instruction… "

Selon les motifs du jugement, l’intention de diffamer Antoun Sehnaoui ressort également de la manière dont les précisions sur la qualité du plaignant sont apportées dans l’article. À ce titre, la chambre correctionnelle affirme ce qui suit: "À cela s’ajoute la précision apportée quant à la qualité de celui qui en bénéficie à savoir le PDG de la SGBL et l’une des grandes fortunes du pays, qui fait écho aux élites accros à la corruption mentionnées dans le titre et dans l’article et suggère ainsi au lecteur qu’il est à l’origine de la corruption ayant conduit à cette surprenante décision." Il résulte de ces propos, infondés et dénués de tout sérieux et de professionnalisme, l’insinuation que M. Antoun Sehnaoui aurait bénéficié d’un non-lieu de complaisance.

Or, il s’agit là d’une présentation totalement erronée des faits qui s’appuie sur des éléments et propos mensongers, dont le seul objectif est d’induire le lecteur en erreur et porter atteinte à la réputation, à l’honneur et à la considération de M. Antoun Sehnaoui, contrairement aux règles les plus élémentaires de la déontologie d’un journalisme responsable.

En outre, et afin de mettre en exergue la mauvaise foi des prévenus, Benjamin Barthe et Louis Dreyfus, notamment en raison de la gravité des faits imputés à Antoun Sehnaoui dans le dossier dit de "La Maison Blanche", la chambre correctionnelle a fait remarquer que lesdits faits "ne sont pas présentés comme une hypothèse, même tangible, mais comme une réalité avérée, l’affaire étant citée comme un exemple emblématique de la corruption sévissant dans la sphère judiciaire au Liban".

Par conséquent, et au terme d’une motivation exhaustive, la chambre correctionnelle du Tribunal judiciaire de Paris conclut que les prévenus, Benjamin Barthe et Louis Dreyfus, ont échoué à démontrer la vérité des faits, et rejette l’exception de bonne foi soutenue par ces derniers.

La chambre correctionnelle déclare ainsi Louis Dreyfus coupable du délit de diffamation publique envers Antoun Sehnaoui et Benjamin Barthe coupable du délit de complicité du délit précité, et les condamne à verser des dommages-intérêts au plaignant.

Enfin, il convient de préciser que ce jugement marque le début d’une série de procédures judiciaires initiées par Antoun Sehnaoui contre plusieurs médias locaux et internationaux pour diffamation.