L’ambassadrice de France au Liban, Anne Grillo, a fait part de l’intérêt que portent la France et son président, Emmanuel Macron, pour le Liban en crise. Mme Grillo a expliqué à un ancien responsable qu’elle entretient des contacts réguliers avec le président Macron pour mettre fin à la crise libanaise. L’ancien responsable en question a exprimé sa reconnaissance à l’égard de la France "pour son aide bienveillante au sujet de l’échéance présidentielle", à l’heure où les politiques libanais n’ont toujours pas réussi à s’entendre sur un candidat. L’élection d’un président fait d’ailleurs partie des objectifs fixés par les cinq États qui s’étaient réunis récemment à Paris pour plancher sur le dossier libanais (États-Unis, France, Arabie Saoudite, Égypte et Qatar).

Bien évidemment, la France souhaite naturellement jouer un rôle constructif sur ce plan. Il est important, toutefois, de noter qu’il est impératif – pour le moment – d’élaborer une feuille de route salutaire, et de proposer ensuite un chef d’État, un Premier ministre, un gouverneur de la Banque centrale et des chefs de services de sécurité. Ainsi, une équipe de travail complète aura été formée et collaborera avec le futur président pour “restructurer” l’administration tout entière. C’est pour cette raison que la loi doit être placée au-dessus de tous, de même que la lutte contre la corruption, le contrôle, la responsabilisation ainsi que le principe de sanction devront être la priorité première.

La cellule de l’Elysée

“Il ne fait pas de doute que le président Macron a le Liban à cœur, mais il est préoccupé par les dossiers internationaux et français”, déclare l’ancien responsable. Il est donc essentiel que la cellule de l’Élysée chargée du dossier libanais soit unie et claire dans ses positions, car les divergences entre ses membres ont affaibli la position de la France. La feuille de route doit être élaborée avant la tenue de la réunion prévue à Riyad entre les cinq pays concernés.

Par ailleurs, les pourparlers internes au sujet de l’échéance présidentielle n’ont toujours pas porté leurs fruits. Selon certaines sources, les membres du rassemblement des présidents (Amine Gemayel, Michel Sleiman, Fouad Siniora et Tammam Salam) se sont réunis au domicile du Premier ministre Najib Mikati il y a deux semaines. Ils ont été informés des derniers changements relatifs à la présidentielle. À en croire ces mêmes sources, ce développement s’inscrit dans le cadre d’une série de réunions à huis clos visant à former une “coalition nationale” transcommunautaire regroupant de même le vice-président de la Chambre et le vice Premier ministre. Toutefois, l’initiative a été gelée en raison de la situation actuelle.

L’initiative de Michel Sleiman

En outre, les membres de la coalition précitée discutent actuellement de l’initiative lancée par l’ancien président Michel Sleiman depuis Bkerké et tentent de la promouvoir pour résoudre la crise. Il s’agit d’un projet exhaustif qui pourrait se muter en feuille de route et qui comporte les points suivants:

1- Garder le Liban à l’écart des conflits des axes, tel qu’il a été précisé dans la “déclaration de Baabda”, et rétablir les relations avec les pays arabes.

2 – Fixer une échéance de 18 mois pour placer les armes entre les mains de l’État libanais et convenir de l’autorité compétente chargée de gérer leur utilisation durant la phase de transition.

3 – Former un Sénat et un comité national pour éliminer le confessionnalisme politique, un objectif national tel qu’il est stipulé dans la Constitution.

4 – Présider le comité lors de réunions successives, afin de mettre en place un plan échelonné pour l’abolition du confessionnalisme, conformément à l’article 95 de la Constitution, relatif à l’alinéa “I” du préambule de la Constitution.

5 – Mettre en œuvre la décentralisation administrative à tous les niveaux et garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire selon le principe de séparation des pouvoirs.

Sur le plan pratique, le chef du Parlement Nabih Berry attend l’accord des parties pour convoquer les parlementaires à la 12ᵉ séance électorale, sachant que les candidats, Michel Moawad (forces souverainistes) et Sleiman Frangié (axe obstructionniste) sont tous deux originaires de Zghorta. Michel Moawad se trouve actuellement aux États-Unis pour suivre de près les travaux de la fondation René Moawad, tandis que Sleiman Frangié a exprimé sa satisfaction concernant les derniers développements régionaux, dont le rapprochement entre la Syrie et l’Arabie saoudite "qui fera de lui non pas un candidat de défi, mais le favori soutenu par le Royaume", selon des milieux proches de lui.

Dans ce cadre, M. Frangié a entrepris ses activités présidentielles publiques à partir de Bkerké, après avoir visité Paris et Damas. Il a aussi tenu le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, informé des "résultats encourageants" de ses démarches et de l’entrain de la France. Au sortir de la réunion, Sleiman Frangié a exposé à la tribune de Bkerké les grandes lignes de son projet et clarifier sa position – ce que l’opposition a perçu comme étant un message adressé à l’Arabie saoudite. M. Frangié a tenu à préciser que ses propos tenus à Bkerké bénéficient du soutien du patriarche maronite. Toujours selon ces milieux, la déclaration du chef des Marada confirme sa candidature à la présidence de la République qui, d’après lui, est appuyée par certaines puissances régionales.

En tout état de cause, les adversaires de M. Frangié – à en croire des sources de l’opposition –ne partagent pas son enthousiasme et considèrent son initiative comme étant du bavardage médiatique servant à redorer son blason et à s’assurer du soutien de l’Arabie saoudite, avec la couverture de Bkerké.

Des efforts vains

Un ancien ministre a déclaré que les efforts fournis à l’intérieur du pays étaient vains et que les décisions concernant l’élection présidentielle ne sont pas prises au niveau local, contrairement à ce que souligne Samir Geagea qui estime que le président doit être un " pur produit libanais ". Mais le prochain chef de l’État libanais sera désigné par les puissances étrangères – d’après certains milieux diplomatiques – dans le cadre de la réunion des cinq États qui étudieront la candidature de plusieurs personnalités, avant d’en mettre en avant une.

C’est justement pour cette raison que l’axe de la "résistance" – qui a récemment perdu son droit de véto – revendique la participation de l’Iran à la réunion en question, sachant que cela faciliterait l’accord et la solution, à l’heure où la France appelle à la contribution de l’Union européenne. Pourtant, certains membres du groupe des cinq préfèrent que le groupe reste tel quel, tandis que d’autres sont ouverts à la possibilité d’y inclure de nouveaux membres si besoin est, et de baptiser le groupe en question " Rassemblement de Paris pour le Liban ".