C’est un dossier particulièrement délicat, voire explosif, et d’une brûlante actualité – le problème des déplacés syriens au Liban – qui a été débattu mardi soir, 25 avril, lors de la Rencontre mensuelle d’Ici Beyrouth (IB) qui s’est tenue à Achrafieh. Deux intervenants qui suivent ce dossier de très près ont exposé les données en leur possession à ce sujet : l’ancien ministre des Affaires sociales, Richard Kouymoujian, et le mohafez de Baalbeck-Hermel, Bachir Khoder.

Au début de la rencontre, le directeur de la rédaction d’Ici Beyrouth, Michel Touma – qui a modéré la table ronde – a tenu à préciser, d’entrée de jeu, que le thème choisi pour ce mois a été fixé bien avant que le problème soit posé de façon intensive dans les médias et sur les réseaux sociaux ainsi qu’au niveau de certaines municipalités. M. Touma a souligné en outre que l’approche d’Ici Beyrouth concernant ce dossier "n’est nullement xénophobe ou populiste". "Notre but est de dépassionner le débat de manière à poser le problème sereinement, rationnellement, en nous basant sur les chiffres et les faits, loin de toute surenchère ou populisme", a relevé le directeur de la rédaction d’IB.

Répondant aux questions de M. Touma, MM. Kouyoumjian et Khoder ont tous deux abordé le problème d’un point de vue démographique et socio-économique, évoquant entre autres l’impact de la présence massive des déplacés syriens sur l’infrastructure désuète du pays, le marché du travail, le secteur de l’éducation et le secteur médical.

M. Khoder a souligné les changements démographiques survenus dans ce cadre, rappelant que le gouvernorat de Baalbek-Hermel a enregistré ces derniers temps six naissances syriennes pour une seule naissance libanaise. Il a ajouté en outre que la région de Ersal, à titre d’exemple, accueille 150 camps de réfugiés syriens comptant 84 000 déplacés alors que le nombre d’habitants libanais s’élève à 20 000 uniquement.

Le volume de l’aide humanitaire

Cette alarmante croissance démographique a affecté le secteur de l’éducation alors que les infrastructures scolaires ont été gravement touchées par la crise. M. Kouyoumjian a indiqué à ce sujet que 67% des écoles doivent être réhabilitées, mais aucune initiative n’a été prise à cette fin, sachant que 41% des élèves sont de nationalité syrienne.

Au niveau de l’aide humanitaire fournie par les instances internationales, M. Kouyoumjian a souligné que chaque famille de déplacés syriens reçoit 8 millions de livres libanaises par mois en guise d’aides alimentaires. Il faut ajouter à cette somme 1,6 million de livres libanaises pour les aides non-alimentaires et 20 dollars mensuels par élève pour couvrir les accessoires scolaires et les frais de transport.

Les déplacés syriens ont droit par ailleurs aux services d’un avocat en cas de besoin, parallèlement à une assurance médicale totale et 300 litres de diesel par mois. Plus encore, bon nombre d’hommes syriens choisissent d’épouser plusieurs femmes afin d’augmenter l’aide qu’ils reçoivent par famille.

Le travail clandestin   

M. Khoder a souligné d’autre part l’importance de pénaliser les déplacés qui ne se conforment pas aux réglementations du Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les Réfugiés, profitant de certaines failles logistiques pour effectuer des allers-retours en Syrie, ce qui devrait les dépourvoir de leur statut de réfugiés.

L’impact sur le marché du travail a également été évoqué: 65% de la jeunesse libanaise se retrouvent sans emploi, tandis que 73% des réfugiés syriens travaillent clandestinement.

M. Khoder a mis l’accent dans ce cadre sur les conséquences de la présence massive des déplacés sur l’environnement, en raison d’une mauvaise gestion des déchets et d’un mauvais traitement des eaux usées qui polluent les aquifères.

Interrogés sur les dépenses des déplacés en question, MM. Khoder et Kouyoumjian ont indiqué que ces derniers ne paient ni impôts, ni loyers, ni électricité, ni frais scolaires ou médicaux. "Ils vivent presque gratuitement, tandis que le citoyen libanais lambda doit faire face à un avenir incertain", a notamment déclaré M. Khoder, tandis que M. Kouyoumjian a tiré la sonnette d’alarme sur ce plan, affirmant que dans cinq ans, les déplacés syriens seront aussi nombreux que les Libanais, voire plus nombreux. M. Khoder a estimé dans ce cadre le nombre de Syriens présents au Liban à 2 448 000, dont 900 000 uniquement sont inscrits sur les registres de l’Onu, le gouvernement libanais ayant arrêté en 2015 le recensement des déplacés.

Quelles solutions possibles?  

Interrogé, en conclusion, sur la solution possible à ce problème qui se pose depuis 12 ans, M. Khoder a souligné que tant que les déplacés reçoivent une aide substantielle en se prévalant de leur statut de réfugiés établis au Liban, ils n’auront aucun intérêt à retourner en Syrie. "Ils ne retourneront que si l’Onu et les instances internationales leur assurent cette même aide mais en Syrie, dans leurs villages", a déclaré M. Khoder.

De son côté, l’ancien ministre des A.S. a affirmé que la solution à ce problème passe par la présence d’un gouvernement, d’une autorité centrale, qui puisse assumer pleinement ses responsabilités et mettre en application une série de mesures concrètes susceptibles de stimuler et accélérer le retour des déplacés dans leur pays.

 

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