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Les blocs parlementaires qui n’ont pas encore décidé à qui ils accorderont leurs voix lors de la séance du 14 juin, consacrée à l’élection d’un président de la République, pourraient inscrire un slogan sur leurs bulletins de vote, ou se prononcer en faveur d’un troisième candidat, potentiellement Ziyad Baroud.

On prend les mêmes indécis, et on recommence. Sept mois après le début de la vacance présidentielle, et cinq mois après la dernière séance parlementaire consacrée à l’élection d’un président, ce sont les mêmes 20 à 25 députés qui hésitent toujours, et "continuent de tourner en rond", pour reprendre l’expression utilisée par un député de l’opposition. Ces parlementaires qui se veulent centristes, refusant de faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre, n’ont toujours pas choisi ce qu’ils écriront sur leurs bulletins de vote lors de la douzième séance, prévue le mercredi 14 juin. Si certains parmi eux s’apprêteraient à glisser de nouveaux "slogans" dans l’urne, comme ils l’ont fait précédemment, d’autres sont à la recherche d’une "troisième voie", et pourraient voter pour un candidat qui se situe selon eux "hors des clivages", probablement l’ancien ministre Ziyad Baroud.

Depuis la dernière séance, tenue le 19 janvier, les principaux groupes rivaux au Parlement, tout en restant attachés à leurs idées et leurs principes, ont apporté des modifications à leur approche. Les partis du 8 Mars ont officiellement annoncé leur appui à la candidature du chef des Marada, Sleiman Frangié, qu’ils soutenaient tacitement auparavant. Pour leur part, les blocs de l’opposition souverainiste sont passés du soutien de la candidature du député Michel Moawad à un appui à l’ancien ministre et actuel directeur du Moyen-Orient et de l’Asie centrale au Fonds monétaire international, Jihad Azour. Et le Courant patriotique libre a "convergé" avec eux sur cette option, après avoir longtemps voté blanc aux côtés du Hezbollah, du mouvement Amal et de leurs alliés, avant de commencer progressivement à se démarquer de leur choix.

Décision du PSP jeudi ou vendredi

Pour sa part, le bloc de la Rencontre démocratique, qui avait mené bataille avec les autres groupes souverainistes en faveur de Michel Moawad lors des onze séances précédentes, s’est par la suite distingué des composantes de l’opposition. Le chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt avait tenté de sortir la présidentielle de la stagnation et de l’impasse en suggérant en février au Hezbollah trois candidats consensuels: Jihad Azour (dont le nom était proposé pour la première fois), le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, et l’ancien député Salah Honein.

Maintenant que la candidature de M. Azour a recueilli l’appui de quatre blocs principaux, à savoir ceux des Forces libanaises, du CPL, des Kataëb et du Renouveau, ainsi que de trois députés du Changement et de plusieurs indépendants, le bloc du PSP doit annoncer sa position officielle à ce sujet. La décision est attendue à l’issue de la réunion du bloc, prévue en principe jeudi ou vendredi. Selon plusieurs sources, le PSP se prononcerait en faveur de Jihad Azour.

La Modération nationale

Depuis la première séance électorale, Michel Moawad a tendu la main aux composantes de l’opposition qui ne s’étaient pas prononcées en sa faveur, et qui n’avaient pas voté blanc aux côtés des blocs du 8 Mars. Deux blocs principaux ont voulu dès le départ rester au centre. Il s’agit de la Modération nationale et de leurs alliés, d’une part, et des députés du Changement, de l’autre.

Pour ce qui concerne la Modération nationale, ce bloc regroupe six députés du Akkar et du Liban-Nord, dont quatre sunnites (Ahmed Kheir, Walid Baarini, Mohammed Sleiman et Abdel-Aziz Samad), un alaouite (Ahmed Rustom), et un grec-orthodoxe (Sajih Attieh).

Ses membres sont des "anciens haririens" pour la plupart. Ce groupe est allié à deux députés sunnites de Beyrouth, Nabil Badr (président du club de football Ansar) et Imad Hout (membre de la Jamaa Islamiya).

Les huit députés coordonnent la plupart de leurs positions, et déposaient dès le départ dans l’urne, des bulletins portant l’inscription "Liban nouveau". Ils sont considérés comme assez proches de l’Arabie saoudite et attentifs à ses directives, même si certains d’entre eux démentent cela. Ils constituent avec des indépendants comme Neemat Frem, Jamil Abboud et Ihab Matar, un groupe parlementaire plus large appelé la Rencontre parlementaire indépendante.

Selon des sources parlementaires, ces onze députés tiendront une réunion vendredi pour finaliser leur position. Voulant à la fois respecter "la légitimité populaire" des blocs du Hezbollah et du mouvement Amal, et "l’unanimité chrétienne" qui s’est manifestée autour de Jihad Azour, ils pourraient bel et bien voter en faveur du "Liban nouveau", ou inscrire un autre slogan sur leurs bulletins.

Cependant, il convient de souligner que les députés Frem (dont le nom figure parmi les candidats consensuels) et Abboud pourraient, eux, voter en faveur de Jihad Azour, ne pouvant s’exclure de l’unité chrétienne. Ils se seraient engagés, devant le patriarche maronite Bechara Raï, à accorder leur voix à M. Azour, selon certaines sources.

En outre, si la Modération et ses alliés de Beyrouth restent "au centre" mercredi 14 juin, ce serait probablement pour la dernière fois. Certains de ces députés ne cachent pas leur ras-le-bol de l’attitude des blocs Amal-Hezbollah, qui rejettent tout autre candidat que Sleiman Frangié. Même s’ils sont originaires du Liban-Nord, les députés de la Modération, ou au moins certains d’entre eux, ne risquent pas de voter pour M. Frangié, selon des sources proches du bloc.

Les députés du Changement

Les députés du Changement étaient treize au départ, et sont devenus douze après la décision du Conseil constitutionnel en novembre dernier d’accepter le recours en invalidation présentés par Fayçal Karamé, ce qui a fait perdre à Rami Finge son siège de député de Tripoli.

Les divergences politiques entre les composantes du bloc n’ont pas tardé à se manifester, ce qui a poussé Michel Doueihy (Zghorta), puis Waddah Sadek (Beyrouth), à claquer la porte. Ces deux députés ont voté lors de plusieurs séances pour Michel Moawad. Tel a également été le cas de Mark Daou et Najat Saliba, membres du part Taqaddom.

Aujourd’hui, MM. Doueihy, Daou et Sadek ne cachent plus leur proximité des blocs souverainistes, dont ils partagent la ligne politique. C’est d’ailleurs Mark Daou qui a lu le communiqué des députés de l’opposition au domicile de Michel Moawad, annonçant leur appui à Jihad Azour.

En revanche, la position des autres députés du Changement reste floue. Deux d’entre eux, Cynthia Zarazir et Halima Kaakour, ont fait savoir qu’elles ne voteraient ni pour Jihad Azour, ni pour Sleiman Frangié, les considérant tous les deux comme faisant partie du système qui a mené le pays à la crise.

Pour qui voteront les neuf députés de la contestation, qui au cours des dernières séances ont donné leurs voix au professeur Issam Khalifé, sachant que certains ont voté pour Ziyad Baroud ou Salah Honein?

Plusieurs de ces députés, tels Élias Jradé, Yassine Yassine et Paula Yacoubian, ne seraient pas totalement opposés au vote en faveur de Jihad Azour.

Ziad Baroud, la 3ᵉ voie?

Toutefois, les députés du Changement, et en raison de leur coordination avec ceux de Saïda-Jezzine, à savoir Oussama Saad, Abdelrahman Bizri et Charbel Massaad, pourraient s’accorder avec ces derniers sur un même candidat. Il s’agirait de Ziyad Baroud, sachant que les noms de Salah Honein et Neemat Frem sont également évoqués.

Les députés de Saïda-Jezzine, qui votaient chacun pour un candidat différent lors des précédentes séances, rejettent les deux noms qui sont en lice aujourd’hui, estimant qu’ils ont tous deux contribué à l’effondrement du pays.

Ziyad Baroud pourrait récolter neuf voix du Changement, trois de Saïda-Jezzine, et peut-être celle du vice-président du Parlement Élias Bou Saab, qui avait déjà voté pour lui, comme l’avait fait Elias Jradé.

On rappelle que Ziyad Baroud faisait partie, avec Salah Honein et l’ancien ministre Nassif Hitti, des trois noms avancés par les députés du changement dans le cadre d’une initiative qu’ils avaient lancée. Il a reçu son premier vote lors de la cinquième séance électorale, en novembre dernier.

Les 65 voix

Les blocs souverainistes déploient tous leurs efforts pour garantir 65 voix à Jihad Azour, au premier tour, sachant que l’élection au premier tour requiert 86 voix, alors que 65 suffisent au second tour. Même si les blocs du 8 Mars provoquent, comme ils l’ont fait lors de toutes les précédentes séances, un défaut de quorum au second tour, le simple fait d’avoir réussi à assurer 65 voix à Jihad Azour lancera un message très clair, à l’intérieur comme à l’extérieur. "Cela voudra dire que nous avons un candidat capable d’être élu président, mais que l’on nous empêche d’élire", selon une source de l’opposition.

Pour obtenir ces 65 voix, les voix des blocs PSP et CPL, avec celles de certains indépendants, suffiront. À ce moment-là, celles des indécis revêtiront une bien moindre importance, confient des députés de blocs appuyant Jihad Azour.

Réunion à Ryad

Quoi qu’il en soit, certains députés gardent un œil sur la réunion qui pourrait regrouper jeudi à Ryad de hauts responsables des cinq pays de la "réunion de Paris", en marge de la réunion de la coalition internationale contre l’État islamique. Des responsables américain, français, saoudien, égyptien et qatari pourraient évoquer la présidentielle libanaise, selon certaines sources.

L’émissaire qatari, qui a dernièrement eu des entretiens à Beyrouth avec les leaders libanais, pourrait lancer une nouvelle initiative, et avancer certains noms, selon ces sources.

L’attente des résultats de cette réunion pourrait expliquer le "silence" observé par plusieurs blocs. "Nous espérons qu’ils auront été convaincus que l’opposition a un candidat sérieux, qui bénéficie notamment d’un large appui national et d’une unanimité chrétienne, et qu’il faut respecter leur volonté", souligne un député souverainiste.

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