Écoutez l’article

La présidence du Conseil a formé une commission ministérielle pour proposer un règlement au conflit sur la délimitation des terrains entre les cazas de Becharré et de Denniyé, alors que le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) rejetait les accusations de laxisme et de défaillance à son égard.

Une trentaine de personnes sont toujours entendues dans le cadre de l’enquête sur le meurtre de Haytham et Malek Tok, samedi à Qornet el-Saouda, alors que commencent timidement des tentatives pour régler le litige autour de la délimitation des terrains et de l’exploitation des ressources hydrauliques, entre les deux cazas de Denniyé et de Becharré. Une commission ministérielle a été formée à cette fin par la présidence du Conseil.

C’est que, selon les premières informations non officielles relayées après l’annonce de la mort de Haytham d’abord, puis de Malek, le meurtre serait lié à ce litige, vieux d’au moins trente ans, sans qu’un effort sérieux ne soit fourni pour le régler une fois pour toutes. Les querelles entre les habitants des deux cazas sont récurrentes, notamment durant la saison sèche, à cause des besoins en eau pour l’irrigation particulièrement.

De nombreuses personnalités ont dénoncé dimanche et lundi le laxisme des autorités à ce niveau, accusant aussi bien l’Exécutif que le pouvoir judiciaire d’être indirectement responsables du sang versé.

Le Conseil supérieur de la magistrature a réagi à ces accusations mardi, en énumérant les procédures engagées pour régler le conflit terrien.

Jugeant infondés les reproches qui lui sont faits, le CSM a indiqué que "plusieurs décisions judiciaires ont été rendues par le juge des référés à Becharré et le juge foncier dans le gouvernorat du Liban-Nord concernant la zone de litige". "Ces décisions ont été communiquées aux parties concernées et aux autorités officielles, et ont été mises en œuvre sur le terrain", précise le texte, sans donner davantage de détails ni sur les décisions adoptées ni sur la procédure par laquelle elles ont été mises en œuvre puisque le conflit persiste et ne fait que s’exacerber.

Le communiqué précise ensuite qu’"à la suite du meurtre perpétré à Qornet el-Saouda, le premier juge d’instruction du Liban-Nord s’est rendu sur les lieux du crime afin de mener les enquêtes nécessaires pour identifier les coupables et déterminer les responsabilités".

En conséquence, il n’y a aucun retard ou laxisme, ni aucune défaillance de la part du corps judiciaire ni des juges, qui ont accompli et continuent d’accomplir leurs devoirs malgré les attaques, les pressions et les menaces auxquelles ils sont confrontés", selon le communiqué du CSM. Il répondait ainsi au patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, qui avait critiqué dans son oraison funèbre, lundi, "la défaillance de la justice" et mis en garde contre la poursuite de ce laisser-aller.

Le CSM a conclu en soulignant que "la magistrature reste la seule autorité fiable pour instaurer la justice et atteindre la vérité".

Parallèlement, la présidence du Conseil a annoncé la formation d’une commission ministérielle avec pour mission d’examiner les conflits autour de la délimitation de terrains et de l’exploitation des ressources hydrauliques, là où ils sont sources de tensions.

La commission est présidée par le ministre sortant de l’Intérieur, Bassam Maoulaoui, et est composée de ses collègues de l’Environnement, Nasser Yassine, de l’Énergie et de l’Eau, Walid Fayad, de la Justice, Henry Khoury, ainsi que de représentants de la direction des affaires foncières au ministère des Finances, du Conseil du développement et de la reconstruction (CDR), du Plan vert auprès du ministère de l’Agriculture et du commandement de l’armée.

Il lui est principalement demandé de délimiter les terrains entre Becharré et Denniyé, Kobeyate et le Hermel, Fneydek et Akkar el-Attika, Afqa et Lassa, ainsi qu’entre Yammouneh et Aakoura.

La commission doit en outre plancher sur la distribution de l’eau entre ces régions qui se disputent les ressources hydrauliques, notamment à Qornet el-Saouda, et proposer un plan pour la protection de l’environnement et la délimitation des réserves naturelles.

Elle dispose de deux mois pour soumettre son rapport à la présidence du Conseil et peut entre-temps solliciter l’aide des administrations concernées pour mener à bien sa mission.

La question reste de savoir pourquoi l’Exécutif ne met pas en exécution les décisions de justice concernant le conflit entre Denniyé et Becharré puisque le CSM confirme leur existence. À moins que la mise en place de la commission ne serve seulement à donner le sentiment d’une volonté de règlement d’un dossier dans lequel les interférences politiques et les enjeux stratégiques sont très importants, comme c’est le cas du litige autour des terrains de Lassa, appartenant à l’Église, mais qui ont été saisis par le Hezbollah, qui en revendique la propriété, sans que les autorités n’aient le courage d’intervenir.