Rien de plus facile pour le Hezbollah que d’adapter les règles d’engagement et les façonner à sa convenance, d’appliquer la résolution 1701 à son gré, en traçant une ligne rouge le long de la " Ligne bleue " et des lignes rouges s’agissant des déplacements des Casques bleus, et en donnant le feu vert aux habitants du sud qui lui sont acquis pour provoquer une vague de colère et de troubles d’une région à l’autre, sous des prétextes fallacieux, contre les forces de la Finul.

Prendre pour cible la Finul revient à s’approcher d’une zone de danger imminent qui pourrait conduire au retrait de ses forces du Liban du fait de ce harcèlement méthodique dont elle est l’objet, à travers cette prétendue " colère des habitants " derrière laquelle s’abrite le Hezbollah pour adresser des messages provocateurs, désormais connus de tous, aux Nations unies, dans le but d’empêcher ses forces mandatées au Liban de mener à bien leur mission.

Pour des observateurs, qui suivent de près le dossier de la force multinationale présente au Liban depuis 1978, " sa présence est désormais sur la sellette, dans la mesure où elle est désormais tributaire du bon vouloir du Hezbollah ". Des sources au sein de la Finul affirment ainsi que " toutes les agressions qui visent ses patrouilles et ses soldats sont orchestrées par le Hezbollah, l’objectif étant de pousser la force multinationale à se retirer du Liban sous la contrainte.

Paradoxalement, le Hezbollah mène ses actions contre la Finul alors même qu’il a besoin de sa présence pour diverses raisons, certaines à caractère locale dues à l’attachement de la plupart des habitants du Liban-Sud à la présence de cette force, et d’autres d’ordre régional et international, que le parti n’a aucun intérêt à confronter.

Mais alors pourquoi le Hezbollah fait-il face aux patrouilles de la Finul sous le couvert des habitants ? Quelles sont les principales motivations de ces agressions contre des soldats de la force multinationale ? Lors des deux incidents survenus ces dernières semaines à Chakra et Bint Jbeil, violents au point d’être qualifiés par la Finul de " crime " dans son communiqué de presse – le Hezbollah a veillé à ne pas empêcher la diffusion de l’attaque de Chakra filmée par certains citoyens, contrairement à Bint Jbeil, où rien n’a filtré -, l’intention de nuire, en confisquant les équipements et le matériel des soldats de la paix, était manifeste.

Le fait que le Hezbollah s’abrite derrière le label des " habitants " prouve en premier lieu que le parti n’ose pas réclamer le retrait de ces forces du Liban-Sud, d’autant que ses médias propagent l’information selon laquelle les soldats de la Finul filment de manière préméditée des positions civiles afin d’en informer Israël, sans que le Hezbollah ne se hasarde à adopter cette piètre information.

Le Hezbollah manœuvre par ailleurs pour établir des règles à la liberté de circulation des patrouilles de la Finul, en violation des prérogatives prévues dans la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU. En d’autres termes, le parti voudrait que les soldats de la Finul restent dans leurs casernes, en montrant que ce sont les “habitants” qui refusent de les voir en sortir, sauf aux conditions effectives du Hezbollah.

En outre, la zone de déploiement légitime de la Finul au Liban-Sud est soumise théoriquement aux dispositions légales de la résolution 1701, qui soutient la présence de l’armée libanaise et ne donne aucune légitimité à toute présence non officielle dans cette zone. Par conséquent, recourir à l’usage de la “colère des habitants " est une façon d’esquiver en partie la confrontation directe entre le Hezbollah, qui contrôle cette région, et la force internationale, qui en a théoriquement la charge aux côtés de l’armée.

Au vu de ce qui précède, deux possibilités s’offrent à nous : soit la force multinationale se conforme aux règles du Hezbollah limitant le mouvement de ses patrouilles, et, de ce fait, les “habitants” ne porteront plus atteinte à ses soldats, ou ces forces persistent à accomplir leurs missions selon les prérogatives dont elles jouissent, et par conséquent, les incidents deviendront récurrents, plus violents, toujours sous le label de la “contestation des habitants”.

En somme, sur ce plan, la carte du Liban-Sud ou la ligne de démarcation avec Israël restera entièrement aux mains du Hezbollah, qui cherche à travers ces messages par le biais du terrain, à confirmer qu’il est le seul décideur, que ce soit en matière de contrôle sécuritaire et militaire, ou pour déterminer le sort des négociations sur les tracés des frontières maritimes et terrestres.

Il est vrai que le Hezbollah a déclaré soutenir le gouvernement libanais en ce qui concerne le tracé des frontières. Cependant, il encore plus vrai que le pouvoir et le gouvernement sont soumis à son désidérata dans tout accord qu’ils pourraient conclure sur cette question. Par conséquent, c’est bien le Hezbollah qui tranchera ces questions, et le tracé des frontières doit être négocié selon une acception régionale, et non uniquement locale. Ainsi est-il impératif pour le Hezbollah de s’opposer au rôle de la Finul pour ancrer la vérité selon laquelle les frontières et leurs tracés sont un dossier qui dépasse les autorités libanaises et reste intimement lié à l’axe de la résistance, qui s’étend de l’Iran au Liban.