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Suite à la réunion du groupe des Cinq qui a eu lieu à Doha le 17 juillet, il est devenu évident que l’élection d’un président de la République est reportée jusqu’à nouvel ordre. Les désaccords internes ainsi que les divergences entre les cinq pays (France, Arabie saoudite, Qatar, États-Unis et l’Égypte) n’ont pas empêché ces derniers de publier une déclaration commune exposant leur vision de la feuille de route vers une sortie de crise.

Dans leur communiqué, les Cinq ont souligné l’urgence d’élire un chef de l’État conformément à la Constitution, reléguant le " dialogue " après l’élection du président. Ils ont également réaffirmé l’importance de la souveraineté, de l’indépendance et de l’engagement du Liban envers les résolutions internationales et les décisions de la Ligue arabe. Cependant, une menace de sanctions a été brandie, pour la première fois, à l’encontre de ceux qui entravent l’élection présidentielle.

Les Cinq n’ont pas mentionné de candidats potentiels, à l’exception de l’Égypte qui a cité le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, comme candidat présidentiel de consensus. Les Cinq ont plutôt égrainé les qualités du futur chef de l’État, à savoir une personne intègre qui unifierait le pays, placerait les intérêts de l’État au-dessus de toute autre considération et qui serait capable de construire une large coalition pour mettre en œuvre les réformes nécessaires.

De son côté, le duopole chiite, le Hezbollah et le Mouvement Amal, a réagi à la déclaration "déconcertante" de Doha, qui annule l’initiative française et rejette le dialogue avant l’élection ainsi que la possibilité d’envisager un troisième candidat. Les deux partis chiites ont exprimé leur mécontentement en réaffirmant leur choix inflexible pour leur candidat à la présidence de la République en qualifiant la déclaration de "nouvelle tutelle" sur le Liban. Ils ont même été jusqu’à se montrer menaçants, soulignant que "les choses iront dans notre sens pour élire notre candidat Sleiman Frangié, ou bien…".

Selon des sources de l’opposition, l’absence de l’Iran au sein du groupe international en charge de la crise libanaise, qui a refusé d’intégrer Téhéran, a incité le Hezbollah à accroître la tension politique, surtout après l’échec de l’initiative française (qui prévoyait la nomination de Frangié en échange de la désignation d’un Premier ministre proche de l’opposition) et le rejet du dialogue préélectoral.

Par conséquent, l’élection présidentielle est désormais liée à la question du nucléaire iranien. La France n’a pas réussi à satisfaire le Hezbollah, et de ce fait l’Iran, dans ses efforts pour faciliter l’élection. Paris s’est montré "tiède" face aux mesures proposées par l’Arabie saoudite et le Qatar contre les obstructionnistes, afin d’éviter une nouvelle escalade de la part du Hezbollah.

Selon des sources proches du parti pro-iranien, ce dernier a été très contrarié par la réunion de Doha qui a conduit à un raidissement de sa position qui se résume comme suit: "Pas de président, à l’exception du candidat du Hezbollah".

La réunion de Doha a encore compliqué la mission de l’émissaire français Jean-Yves Le Drian. Aucune solution n’est possible sans intervention étrangère, comme l’a expliqué M. Le Drian devant les participants à la réunion de Doha à qui il a exposé les résultats de sa première étape de négociations au Liban à la fin du mois de juin. La question qui se pose est la suivante: quel mécanisme les participants à la réunion de Doha adopteront-ils pour mener à bien l’élection présidentielle, le moment venu, étant donné qu’ils ne disposent pas d’une vision et d’un agenda unifiés?

Le Hezbollah estime que la déclaration de Doha a été dictée et formulée par les États-Unis et l’Arabie saoudite, notamment la partie concernant les mesures (sanctions) proposées par le Qatar et soutenues par Riyad et Washington. Cela indique que le Qatar jouera un rôle actif, aux côtés de la France, dans la tentative de concilier les différents points de vue et approches concernant l’élection.

En rejetant l’appel du duopole chiite à un dialogue, le groupe des Cinq a indiqué qu’il n’y aurait pas de réédition du prétendu dialogue de 2006, qui avait donné une couverture légale à "la résistance armée" du Hezbollah, sans que les décisions adoptées n’aient été mises en œuvre en contrepartie. En effet, les Cinq insistent pour que le dialogue soit mené par le président de la République et personne d’autre.

Par ailleurs, d’après des sources diplomatiques, il est à craindre qu’une nouvelle détérioration de la situation économique ne conduise à de nouveaux incidents sécuritaires, semblables à ceux qui ont eu lieu récemment à Chiyah, dans la banlieue sud, ainsi que dans d’autres régions, alimentant ainsi les inquiétudes concernant une flambée populaire.

Pendant ce temps, les membres de l’opposition se demandent pourquoi le président du Parlement et chef du mouvement Amal, Nabih Berry, n’a pas proposé l’une de ses "initiatives magiques" au lieu de soutenir le Hezbollah dans son appel au dialogue.

Selon des sources proches de l’opposition, M. Berry s’aligne sur la position du Hezbollah et croit fermement que le pays sera secoué par un événement majeur qui accélérera l’élection d’un président. 

Le mois d’août s’annonce donc chargé sur tous les fronts – économique, financier, politique et sécuritaire – car le mandat du gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé, expire à la fin du mois de juillet, ajoute-t-on de même source, tout en soulignant qu’un état de chaos et de désordre est à craindre dans le pays si les efforts n’aboutissent pas à un transfert de pouvoir en douceur à la Banque centrale.

De son côté, l’opposition cherche à établir une nouvelle réalité politique basée sur le rejet du candidat du duopole chiite, de son programme et de l’appel au dialogue, quel que soit le prix à payer.

Selon des sources proches des Forces Libanaises, les partis chiites cherchent un soutien extérieur pour faire élire leur candidat, ce qui implique de lier la question à un règlement régional. Et de souligner l’importance de former un front libanais pour défier le candidat et les stratégies du Hezbollah.

De l’avis de ces sources, la reprise du dialogue entre le Courant Patriotique Libre (CPL) et le Hezbollah, à la demande de ce dernier, montre que le parti pro-iranien est acculé et embarrassé. Le Hezbollah veut affaiblir l’opposition en ramenant le CPL dans son giron et en gardant une couverture chrétienne pour sa prétendue "résistance". Cependant, le leader du CPL, Gebran Bassil, a posé des conditions plus strictes au Hezbollah, notamment le retrait du soutien à Frangié qui représente un danger réel pour l’avenir du CPL et de son dirigeant.

Dans ce contexte, force est de souligner que l’élection du président de la République est une échéance nationale qui ne devrait pas être liée à un agenda étranger ni être compromise par un bras de fer chiito-maronite, d’autant que le président est le président de tous les Libanais.

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