Le chef de la formation pro-iranienne, Hassan Nasrallah, s’est finalement prononcé vendredi à 15h, dans le cadre d’une allocution très attendue, pour faire état de la position du Hezbollah vis-à-vis de la guerre entre le Hamas et Israël ainsi que des développements à la frontière sud du Liban. Un discours marqué par des acrobaties médiatiques en mode "opération séduction" pour regagner la sympathie d’une base populaire confuse et déroutée par un mutisme délibérément prolongé et une escalade de tension à la frontière libano-israélienne.

Lors d’un discours retransmis sur de grands écrans dans la banlieue sud de Beyrouth, à Baalbeck, à Nabatiyé, à Téhéran et à Bagdad, (mais pas en Syrie!) le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, s’est lancé dans une diatribe qui a duré plus d’une heure sur le contexte de l’attaque du Hamas du 7 octobre, de ses retombées, ainsi que sur "les actions héroïques de la résistance". Il a par ailleurs violemment attaqué les États-Unis, les accusant d’être directement responsables de la guerre à Gaza, et d’instrumentaliser Israël pour aboutir à leurs propres fins.

Revêtu de noir et arborant un air austère, le chef de la milice s’est empressé de saluer la mémoire des militants, des combattants et des civils qui sont "tombés en martyrs", les louant pour "leur sacrifice et leur courage", tout en notant que cette guerre est "historique, honorable, noble et bénie" et que le peuple palestinien en ressortira vainqueur. "Les sacrifices qui ont été faits sur les différents fronts sont voulus par le Hamas, car ils sont nécessaires pour garantir l’avenir du peuple palestinien. Il n’y avait pas d’autre choix que celui-ci. C’était un choix voulu, prémédité et sage", a indiqué le secrétaire-général du Hezb.

Hassan Nasrallah a ensuite tenu, comme à son habitude, à diviser son discours en plusieurs axes, afin de simplifier ses explications et ses justifications à une base populaire asservie.

Le 7 octobre, selon Nasrallah

Pour M. Nasrallah, le contexte de l’opération "Déluge d’al-Aqsa" est justifié par quatre causes principales: la captivité des Palestiniens dans les prisons israéliennes; la libération de Jérusalem et de la mosquée d’Al-Aqsa de l’emprise de l’État hébreu; les conditions de vies insoutenables de 2 millions de Palestiniens; et les nouveaux dangers auxquels est confronté la Cisjordanie. Cette opération, selon lui, a permis "de remettre la cause palestinienne sur la carte, puisqu’elle avait été reléguée aux oubliettes par les organisations et institutions internationales et régionales".

"L’opération Déluge d’al-Aqsa est à 100% palestinienne", a insisté le chef du mouvement chiite. "Elle n’a été décidée et exécutée que par les Palestiniens. Les autres membres et factions de la résistance n’étaient pas au courant que cette opération allait avoir lieu. Nous étions complètements dans le noir à cet égard, ce qui a permis la réussite de cette mission. Le secret était tellement absolu que cette mission n’a été ni déjouée, ni manipulée ou détournée. Une chose demeure certaine, les vrais décideurs de la résistance sont les dirigeants, les militants et les combattants de la résistance", a-t-il ajouté, affichant un sourire narquois. "Le 7 octobre a provoqué un séisme sécuritaire, militaire, politique et moral, ce qui a entraîné des répercussions stratégiques et existentielles dans la région et dans le monde. Le gouvernement israélien ne pourra jamais changer la donne à ce niveau, puisque l’opération d’al-Aqsa a révélé les failles de l’État hébreu qui est plus faible qu’une toile d’araignée! L’avenir de la cause palestinienne est assuré!" s’est-il écrié.

Attaques cinglantes contre Israël 

M. Nasrallah s’est ensuite déchaîné contre les Israéliens, les ridiculisant pour avoir demandé le soutien militaire des États-Unis. "Les Israéliens ont besoin de la force navale américaine et de ses porte-avions pour intimider les Palestiniens. Ils sont allés jusqu’à leur demander dix milliards de dollars! Où sont les forces armées israéliennes dont on nous parle tant? Elles se cachent derrière les États-Unis et les occidentaux pour obtenir un soutien moral et militaire", a-t-il ricané.

Le chef de la formation pro-iranienne s’est également réjoui du fait que l’État hébreu a été complètement pris au dépourvu par l’attaque orchestrée par le mouvement islamiste Hamas. "Ce sont eux (les Israéliens) qui ont commis des crimes contre le peuple palestinien et non pas l’inverse. Souvenez-vous, lorsque les commissions d’enquête pourront mener des investigations, que c’est l’État hébreu qui a commis des crimes haineux en ciblant des écoles, des hôpitaux, des mosquées, des églises et surtout la population civile. Ce n’était pas le Hamas, comme le rapportent certains médias occidentaux. La majorité écrasante des martyrs tombés à Gaza sont des femmes et des enfants", a-t-il déploré. "Israël dit qu’il veut exterminer le Hamas et libérer les otages sans conditions préalables ni négociations. Ce sont des déclarations creuses! Durant la guerre de juillet 2006, qui a duré 33 jours, l’État hébreu voulait exterminer le Hezbollah et récupérer les deux otages que nous détenions. Ils n’ont absolument rien pu faire, ni nous éliminer, ni reprendre leurs otages sans négociations". Et M. Nasrallah de poursuivre: "Ils n’ont pu réaliser aucun exploit militaire en un mois de conflit. L’armée israélienne est faible, inefficace et incompétente".

Accusations sévères à l’encontre des États-Unis

Hassan Nasrallah s’est aussi adonné à son passe-temps favori: accuser les États-Unis de tous les maux de la planète, omettant de faire état de tous les crimes et délits que sa formation a commis au fil des années.

"Les Américains empêchent le cessez-le-feu. Ils sont les premiers responsables de ce qui se passe à Gaza. Ils doivent être jugés et punis pour tous les actes immondes qu’ils ont commis et payer le prix des crimes qu’ils ont perpétrés en Irak, en Syrie et en Palestine. D’ailleurs, ils sont responsables des massacres d’Hiroshima, de Palestiniens, du Liban et de la guerre du Vietnam ".

Le chef chiite s’en est également pris aux pays arabes, leur reprochant leur attitude qu’il a jugée défaitiste et quelque peu désinvolte vis-à-vis des Palestiniens. "Est-il possible que 22 pays arabes n’arrivent pas à faire entrer un camion d’aide à Gaza? Ou à en faire sortir des personnes blessées? N’avez-vous donc pas assez de pouvoir et d’influence pour ouvrir le passage de Rafah par la force?, s’est-il interrogé. J’appelle au retrait des diplomates et des ambassadeurs arabes d’Israël et à son boycott. En 1948, lorsque le monde s’est désolidarisé de la Palestine, son peuple en a payé le prix. Mais ces retombées ont aussi affecté les Jordaniens, les Syriens, les Égyptiens et les Libanais. La victoire de Gaza est de l’intérêt national égyptien, jordanien, syrien et avant tout libanais!" a-t-il insisté. "Nous devons œuvrer pour arrêter la guerre à Gaza et faire en sorte que le Hamas en sorte victorieux!"

La situation à la frontière libano-israélienne

Hassan Nasrallah a finalement abordé la situation à la frontière sud du pays, n’excluant pas la possibilité d’une escalade des tensions et des affrontements avec Israël. "Celui qui ose s’approcher du Liban verra de quoi la résistance est capable. Notre front au sud dépend de deux facteurs: du cours des évènements à Gaza et des actions d’Israël envers le Liban. Toutes les options et éventualités sont ouvertes à la frontière sud", a-t-il précisé. "Les mouvements de la résistance en Irak et au Yémen (aucune mention de la Syrie) ont annoncé leur participation à la guerre entre le Hamas et Israël. Le monde se demande si le Hezbollah le fera également. Le Hezbollah est entré en guerre dès le 8 octobre, au lendemain des opérations du Hamas, dans les fermes de Chebaa et les collines de Kfarchouba". Et d’ajouter: " Nous avons perdu 57 martyrs, mais nous ne reculerons pas. Cela fait des jours et des semaines que les Américains font pression pour que nous ne participions pas à la guerre. Nous avons également reçu des menaces que les Etats-Unis bombarderont l’Iran si nous continuons nos opérations au sud, mais leurs menaces ne servent à rien et ne nous effraient pas. C’est pourquoi je m’adresse aux Américains en leur disant: Rappelez-vous vos défaites au Liban, en Irak et en Afghanistan. Ceux qui ont causé vos défaites sont toujours en vie. Ceux qui veulent empêcher l’unité des fronts dans la région doivent arrêter les attaques israéliennes dans la bande de Gaza."

M. Nasrallah s’est finalement penché sur quelques chiffres pour épater (ou effrayer) son auditoire en tentant de s’imposer comme seul décideur de guerre ou de paix au Liban, faisant fi de la Constitution et des institutions étatiques. "Un tiers des brigades d’élite de l’armée israélienne se trouve actuellement à la frontière sud. La moitié de la force navale israélienne est en méditerranée au niveau de Haïfa. La moitié des missiles israéliens sont pointés en direction du Liban. Des dizaines des milliers de personnes ont été évacuées des colonies du nord et du sud d’Israël".