Il y a plus de débris et de gravats à déblayer à Gaza qu’en Ukraine, a affirmé mercredi l’ONU contre les mines (Unmas). Il s’agit d’une tâche gigantesque dans l’étroit territoire palestinien, rendue plus dangereuse et coûteuse par la masse de munitions non explosées et l’amiante.

"Gaza compte plus de décombres que l’Ukraine", explique Mungo Birch, responsable du service d’action de l’Unmas à Gaza. "Pour mettre cela en perspective, le front en Ukraine fait 600 miles (un peu moins de 1.000 kilomètres) de long, alors que Gaza fait 25 miles de long", ajoute-t-il, lors d’un point de presse mercredi à Genève.

Mais la masse de débris dans le territoire palestinien (37 millions de tonnes, ou 300 kilogrammes par m2, selon une estimation faite à la mi-avril par l’ONU) n’est pas le seul problème. "Ces décombres sont probablement fortement contaminées par des UXO (munitions non explosées), mais leur nettoyage sera encore compliqué par d’autres dangers présents dans les décombres", poursuit M. Birch.

Ainsi, "on estime qu’il y a plus de 800.000 tonnes d’amiante, rien que dans les décombres de Gaza", avance le responsable. Ce produit très dangereux pour la santé exige des précautions particulières. On estime en général que 10 à 15% des munitions tirées n’explosent pas et représentent donc un danger durable pour les populations civiles.

Quarante millions de dollars

M. Birch espère que l’Unmas à terme sera "en mesure d’être l’organisme de coordination de l’action contre les mines à Gaza". "Nous espérons mettre sur pied nos propres équipes de neutralisation des explosifs et munitions", poursuit-il.

En termes de financement, l’organisation a obtenu 5 millions de dollars. "Mais pour poursuivre notre travail au cours des douze prochains mois, nous avons besoin de 40 millions de dollars" supplémentaires, souligne M. Birch. "Le secteur, dans son ensemble, aura besoin de centaines de millions de dollars sur plusieurs années afin de rendre Gaza à nouveau sûre pour la population", estime-t-il.

Sans précédent

Une réunion des principaux acteurs de ces futures opérations s’est tenue il y a deux semaines à Amman, sous la houlette du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Celui-ci est chargé de piloter le plan de déblayage et les participants se sont penchés sur les moyens et les méthodes à mettre en place le moment venu.

"Le problème est que la masse des décombres est sans précédent, insiste M. Birch. Il va falloir trouver de nouvelles idées sur la façon dont nous procédons au déminage."

Selon un autre responsable de l’Unmas, Pehr Lodhammar, "65% des bâtiments détruits sont des immeubles d’habitation" à Gaza. En partant de l’hypothèse de l’utilisation d’une centaine de camions, il "faudrait 14 ans pour déblayer", avait-il expliqué vendredi à Genève.

"Nous sommes encore en phase de planification", reconnaît M. Birch, les opérations de déminage nécessitant un nombre important d’installations lourdes, de camions, etc. "La méthodologie sur la façon dont nous allons procéder est toujours en cours de discussion en raison de son ampleur", indique-t-il.

L’inconnue du nord

Mais l’évaluation précise pour Gaza reste impossible en raison de la violence des combats, des bombardements et des difficultés d’accès. "Tant que nous n’aurons pas accès au nord pour procéder à une évaluation, nous ne serons pas certains du niveau de contamination" par des munitions non explosées, souligne M. Birch. "Des éléments anecdotiques suggèrent qu’elle est exceptionnellement forte dans le nord de Gaza", constate-t-il. Et de conclure: "Nous pensons que cela constituera un problème majeur à l’avenir."

Christophe Vogt, avec AFP