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Nombre d’observateurs avertis s’y attendaient et l’avaient ouvertement prédit. Le discours du chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, vendredi 3 novembre, était essentiellement destiné à la consommation interne et était dépourvu d’annonces politiques ou militaires de grande envergure, comme certains le craignaient. Si bien que la harangue – interminable, comme à son habitude – a paru ennuyeuse, ce qui a incité des internautes à relever à cet égard avec ironie que la vidéo éclair de promotion postée en amont de l’intervention était plus "attirante" que le "film" en lui-même (entendre le discours).    

Si l’on voudrait coller une étiquette à cette allocution, on pourrait qualifier le discours de "palestinien". Il n’a été question en effet que de Gaza, du peuple palestinien, de la cause palestinienne, de la solidarité avec la Palestine etc. Hassan Nasrallah a donné ainsi la nette impression, en s’attardant longuement sur cette question et en forçant même la dose sur ce plan, qu’il cherchait à redorer son blason après le discrédit dont il a pâti, à l’instar de son parti, du fait de la participation active et prolongée de sa formation dans les combats et les massacres en Syrie afin de sauver le régime Assad. Sans compter son implication dans les troubles en Irak, au Yémen, à Bahreïn etc.

Pour faire oublier ce lourd passif, difficile à occulter, quoi de mieux qu’une bonne surenchère populiste pour se poser à nouveau en porte-étendard des causes arabes et de la cause palestinienne. En rendant hommage à l’organisation islamiste irakienne et à la milice yéménite pro-iranienne pour leurs tirs de missiles (pourtant interceptés) contre Israël, Nasrallah a cherché manifestement à se doter d’une dimension régionale et à se poser en leader transnational, en chef d’orchestre, des différents suppôts des Gardiens de la révolution. C’est du moins le rôle que ses parrains iraniens veulent, visiblement, lui faire assumer afin qu’il serve au mieux leurs intérêts. D’où les rassemblements populaires et la large couverture médiatique sur des chaines satellitaires savamment organisés pendant le discours, en direct, dans plus d’un pays de la région.  

Pour bien bétonner cette envergure moyen-orientale qu’il veut se donner (ou que ses mentors veulent lui donner), il a été jusqu’à parler pratiquement au nom de l’Iran, affirmant que le régime des mollahs n’était nullement à l’origine de l’attaque du 7 octobre. Et il a cherché à nous faire croire que lui-même et son parti n’étaient au courant de rien du tout et que seuls les dirigeants du Hamas avaient planifié, organisé et exécuté, comme des grands, l’opération. Dès le début, les officiels iraniens ont d’ailleurs affiché cette position qui leur permet de télécommander les opérations à distance et de tirer tout le profit politique de cette guerre, sans en assumer la responsabilité directe, de manière à mener le combat, à partir de Téhéran, jusqu’au dernier palestinien. Et jusqu’au dernier libanais…

Au plan purement local – chapitre évoqué brièvement à la fin du long discours – le chef du Hezbollah a clairement souligné que sa formation se contente, au stade actuel, des escarmouches et des tirs de roquettes le long de la frontière avec Israël, écartant ainsi une grande conflagration généralisée, tout en affirmant (pour satisfaire sans doute son audience) que "toutes les options restent ouvertes". Et pour justifier devant ses partisans cette implication très limitée au niveau géographique et militaire, il a tenu à mettre l’accent sur ce qu’il a considéré être "l’importance stratégique" des actuels accrochages avec l’armée israélienne.

Cerise sur le gâteau, Hassan Nasrallah a rendu hommage dans la foulée à l’action, au Liban-Sud, des organisations armées palestiniennes fondamentalistes qui paradent désormais librement dans les régions méridionales en s’amusant à lancer des roquettes contre Israël. Il n’a évidemment pas précisé, pour l’occasion, qui – au Liban, du moins – l’a mandaté pour disposer de la sorte du pays et décider au nom de tous les Libanais que nous devons continuer à faire les frais des conflits régionaux et des luttes d’influence (étrangères), comme c’est le cas depuis plus d’un demi-siècle.

Dans son discours, le chef du Hezbollah a affiché en filigrane une position iranienne avec une façade palestinienne. Serait-il chimérique d’espérer, malgré tout, un grand retour (politique) de son parti, un jour lointain, sur le terrain exclusivement libanais?        

 

 

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