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On ne le répètera jamais suffisamment. En période de crise existentielle, il devient vital de savoir tirer les leçons des expériences passées… En décembre 1992, à titre d’exemple, Israël avait expulsé vers le Liban, à travers la frontière Sud, plus de 400 cadres palestiniens fondamentalistes appartenant à la mouvance du Hamas et du Jihad islamique. Ils avaient pour chef un médecin de Gaza, le Dr Abdel Aziz Rantissi. Le Premier ministre de l’époque, Rafic Hariri, faisant preuve d’un indéniable courage politique et d’une extraordinaire clairvoyance, s’était immédiatement opposé fermement, sans atermoiement, à l’entrée en territoire libanais de ces responsables intégristes. Ces derniers resteront ainsi bloqués pendant plusieurs mois dans le no man’s land entre Israël et le Liban, malgré le froid, les tempêtes et la neige. Ils seront hébergés dans un campement de fortune érigé pour l’occasion, le camp de Marj el-Zouhour.

Rafic Hariri ne cèdera pas d’un iota sur ce plan. Il refusera que la situation de ces expulsés soit traitée d’un point de vue humanitaire, soulignant clairement qu’il s’agissait là d’un problème essentiellement politique et qu’il fallait par conséquent le traiter sous un angle politique écartant toute présence de ces responsables palestiniens dans le pays. Il s’opposera notamment à la proposition du chef du Quai d’Orsay, Roland Dumas, de confier à la Finul la charge des expulsés, affirmant qu’une telle option reviendrait à dénaturer le rôle des Casques Bleus. Face à la position ferme adoptée par Rafic Hairri, Israël avait été contraint de revenir sur sa décision d’expulsion des cadres en question. 

Gouverner, c’est prévoir, souligne le dicton populaire. Cet épisode des expulsés conduits par Abdel Aziz Rantissi est, quant à sa portée politique, riche en leçons à l’ombre des affrontements en cours à Gaza. D’aucuns murmurent en effet en coulisses que l’une des solutions envisagées pour mettre fin aux combats serait, précisément, d’expulser vers le Liban les cadres supérieurs du Hamas et du Jihad islamique. Si cette velléité se confirme, peut-on espérer que nos dirigeants auront, le cas échéant, le même courage politique que Rafic Hariri pour opposer une fin de non-recevoir à une telle éventualité?  Un sursaut national à cet égard est aujourd’hui plus que jamais impératif car il y va, plus qu’en 1992 et 1993, de la sauvegarde de la paix civile et peut-être même de la pérennité du Liban.        

Déjà, depuis ce funeste 7 octobre, des groupuscules relevant du Hamas et du Jihad islamique sont sortis de leur refuge pour s’étendre sans retenue dans les régions méridionales. Ils s’en donnent à cœur joie en lançant, à leur guise, des roquettes contre Israël, sans se soucier outre mesure des retombées de leur gesticulation guerrière sur la population libanaise.   

Il sera difficile en l’état actuel de la situation d’amener ces miliciens fondamentalistes à regagner leurs permanences dans les camps de réfugiés. Le Hezbollah pourrait sans doute s’en charger. Mais ce serait lui offrir sur un plateau en or un instrument supplémentaire de chantage qu’il ne manquerait pas de monnayer au prix fort contre davantage d’acquis et de privilèges en matière de partage du pouvoir.

Depuis plusieurs années, le Hezbollah a mis en place une stratégie de déconstruction systématique du système politique et des principaux secteurs vitaux du pays. Lui concéder, de plus, la carte du Sud reviendrait à lui permettre de consolider dans la zone méridionale la situation de "ni guerre, ni paix", et donc d’"institutionnaliser" un climat d’instabilité chronique au profit du régime des mollahs iraniens et d’atteindre, surtout, l’objectif qu’il cherche à réaliser depuis un certain temps, à savoir la marginalisation, sinon le départ, de la Finul. 

Le Hezbollah tire certainement profit de l’atmosphère de guerre de positions qu’il fait subir aux Libanais, plus particulièrement aux sudistes, depuis le 7 octobre.  Il a pris la décision unilatérale, en dehors de toute légalité, d’entraîner le pays dans un combat meurtrier, sans horizons. N’assume-t-il pas dans ce contexte, avec son mentor iranien, la responsabilité morale et politique de l’exode forcé de plus de 30 000 habitants du Sud, et surtout des pertes en vies humaines, dont une soixantaine de ses jeunes combattants qui se sont sacrifiés pour une obscure cause aux ramifications nébuleuses, totalement étrangère aux intérêts du peuple libanais?  Mais dans l’immédiat, une priorité absolue s’impose: crier haut et fort, à tous les niveaux possibles – officiel, politique, médiatique – le refus d’un retour à une présence palestinienne armée au sud, ou ailleurs. Ce refus doit être unanime, catégorique et sans appel. Pour ne pas replonger le pays dans la funeste situation des années 1970…         

 

 

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