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Quatre-vingts ans… Trois quarts de siècle se sont écoulés depuis que l’indépendance du Liban a été proclamée dans un contexte de bras de fer entre la puissance mandataire française et la Grande-Bretagne. Une indépendance accompagnée de la conclusion d’un Pacte national défini par ceux qui sont qualifiés de "pères de l’indépendance", Béchara el-Khoury et Riad Solh, premier président de la République et premier chef du gouvernement du Liban indépendant.

Depuis, le pays du Cèdre en a connu des interférences régionales intempestives et moult occupations étrangères, directes ou par proxy. Si bien qu’au fil des décennies, tant l’indépendance que le Pacte national ont été bafoués et sabotés, voire atteints de plein fouet par la stratégie de déconstruction visant l’édifice constitutionnel et administratif du pays ainsi que les principaux secteurs vitaux à différents échelons. Il en a résulté de longues périodes de déstabilisation chronique, de guerres et de luttes d’influence les plus farouches, lesquelles ont été facilitées par le fait qu’aussi bien l’indépendance que le Pacte étaient le fruit d’une entente au sommet entre leaders sans que cela se traduise par une nette adhésion à cette orientation par les bases populaires.

Parallèlement aux éternelles – et infructueuses – visées de la Syrie sur le Liban, la première grande secousse qui a ébranlé l’indépendance et le pacte national aura lieu en 1958 sous les coups des ambitions panarabes du président égyptien Jamal Abdel Nasser dont la ligne de conduite, axée sur le national arabe, avait séduit une très large faction de la rue sunnite, en violation de l’esprit du Pacte fondé sur le rejet par les Libanais de toute allégeance à l’Occident ou aux projets d’union arabe.

Il aura fallu la sagesse et la stature de Fouad Chehab pour remettre les pendules à l’heure. Mais c’était sans compter les bouleversements régionaux successifs qui ont plongé le pays dans de longues phases d’occupations palestinienne, israélienne, syrienne et aujourd’hui iranienne, par milice interposée. Parler d’indépendance en période d’occupation est, à l’évidence, une chimère. Le plus grave, par contre, est le torpillage des fondements du pacte national par certains milieux locaux qui se sont montrés, par moments, dans leurs déclarations publiques et leur alignement politique plus Palestiniens que les Palestiniens, plus Syriens que les Syriens, et plus Iraniens que les Iraniens, appelant même à une alliance "privilégiée", ou plutôt une soumission totale au parrain du moment.

Le postulat "ni Est, ni Ouest" sur lequel est fondé le Pacte de 1943, a été tout au long des décennies foulé du pied, ce qui a entraîné les Libanais dans des cycles infernaux d’instabilité quasi permanente. L’apogée de ces violations du Pacte a été atteint ces dernières années du fait de l’obstination à vouloir ancrer le Liban à l’orbite iranienne, par la force des armes ou, pire encore, sous le poids d’une idéologie religieuse, impliquant une allégeance aveugle au Guide suprême de la République islamique iranienne, pour ce qui trait aux grandes décisions revêtant un caractère stratégique.

L’adhésion aveugle à une telle idéologie et l’attitude, affichée sans scrupules, qui consiste à faire prévaloir l’intérêt iranien au détriment de l’intérêt libanais, sont en soi l’antithèse pure et simple de l’esprit du pacte national. Remettre en question ce pacte revient à saboter la raison d’être et la spécificité du pays du Cèdre.      

Afin que le Liban puisse rétablir son équilibre sociocommunautaire et, par le fait même, son indépendance, un combat (politique) doit être mené en vue d’un retour à l’esprit du Pacte. La période le plus stable et la plus prospère de l’Histoire du Liban a été celle de la Moutassarifya, entre 1860 et 1915, qui a apporté la preuve que seul un statut de neutralité – puisqu’il faut l’appeler par son nom – permettrait de recouvrer l’indépendance du Liban et de rétablir un équilibre harmonieux entre les différentes composantes communautaires du pays. En ce 80ᵉ anniversaire de "l’indépendance", tel est le grand défi à relever impérativement, quel que soit le prix.