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À l’occasion de sa quatrième visite à Beyrouth, qui débutera officiellement mercredi, Jean-Yves Le Drian soulignera l’importance de l’élection d’un président, pour que le Liban ait "voix au chapitre", lors du processus politique régional qui suivra la guerre en cours à Gaza.

La quatrième mission à Beyrouth de Jean-Yves Le Drian – qui arrivera mardi soir et entamera ses entretiens officiels mercredi matin avec les responsables libanais – sera différente des trois précédentes. Et pour cause: si l’objectif du représentant personnel du président français, Emmanuel Macron, pour le Liban reste la facilitation de l’élection d’un président de la République, un nouveau facteur, d’une grande importance, est venu s’ajouter à cette donne, à savoir la guerre en cours à Gaza entre Israël et le Hamas.

Cette guerre, déclenchée le 7 octobre dernier, qui a entraîné des affrontements le long de la Ligne bleue entre Israël et le Hezbollah, se terminera probablement par un "processus politique" dans la région. Dans ce cadre, "il serait important pour le Liban d’être représenté de manière légitime et complète au plus haut niveau, par un président de la République, pour avoir voix au chapitre", selon une source diplomatique française. La situation au Liban-Sud, ainsi que la résolution 1701 des Nations-Unies, figureront parmi les questions discutées à la faveur d’un tel processus.

Si M. Le Drian insiste, une fois de plus, sur "l’urgence de l’élection d’un président de la République", après 13 mois de vacance présidentielle, "ce ne sera plus seulement pour des considérations internes libanaises, mais aussi pour des considérations régionales, voire mondiales, au regard des évènements à Gaza", selon les explications de la source précitée.

Le timing du processus politique régional, qui devrait suivre la période militaire et sécuritaire, n’est pas encore clair. Le démarrage de ce processus, qui "fait partie des objectifs de la France, annoncés par le président Macron", est lié à la situation sur le terrain, où une trêve est observée depuis quatre jours, alors qu’un cessez-le-feu se fait toujours attendre.

"La guerre aux portes du Liban"

On rappelle que M. Le Drian a déjà effectué trois missions au Liban, en juin, juillet et septembre derniers, au cours desquelles il avait rencontré les responsables libanais et les blocs parlementaires concernés par l’élection d’un président.

Il avait proposé en septembre aux deux camps politiques, à savoir le 8 Mars et l’opposition, de trouver une "troisième voie" pour élire un président, faute de quoi le pays, plongé dans la crise politique, sera menacé dans son "existence même". L’émissaire français avait également exprimé l’impatience des pays du Quintette (la France, les États-Unis, l’Arabie saoudite, le Qatar et l’Égypte) face au "déni de réalité" des responsables libanais. "Le pronostic vital de l’État libanais lui-même est engagé. Il y va de la survie du Liban", avait-il mis en garde, dans un entretien accordé à l’AFP.

Plus récemment, la semaine dernière, l’ancien chef de la diplomatie française a exprimé de nouvelles inquiétudes lors d’une interview à France Info. "Je suis très préoccupé par la situation libanaise. La guerre est aux portes du Liban. Il n’y a pas de président de la République, il n’y a pas de Premier ministre, puisqu’il ne fait que gérer les affaires courantes. Le gouvernement ne se réunit pas et l’Assemblée ne se réunit pas. Qui commande le Liban? Personne", avait-il souligné.

Petites avancées

La France espère-t-elle vraiment pouvoir débloquer l’élection présidentielle libanaise, pratiquement gelée depuis le 14 juin, date de la dernière séance électorale au Parlement ?

"Le grand avancement lors de la troisième visite avait été de lever l’ambiguïté sur le mécanisme d’élection du président. Il s’agirait d’une session composée de séances successives, jusqu’à l’élection d’un chef de l’État", selon la source diplomatique française. Les députés continueraient à voter, sans sortir de l’hémicycle avant qu’un président ne soit élu. Un peu à l’image du conclave de cardinaux, qui vote jusqu’à l’élection d’un pape.

Cette solution permettra de maintenir le quorum requis pour l’élection présidentielle. On rappelle que le 8 Mars avait provoqué un défaut de quorum à l’issue du premier tour de chaque séance électorale, empêchant ainsi la tenue du second tour.

Quant au "dialogue" auquel la France avait appelé, il a finalement été remplacé par "des concertations" pour rapprocher les points de vue entre les parties. L’opposition libanaise rejette, en effet, le "dialogue multilatéral" auquel le président du Parlement Nabih Berry a maintes fois appelé les députés, et qui, selon elle, "constituerait un précédent dangereux pour la démocratie libanaise".

La France pense pouvoir enregistrer un nouveau progrès durant la quatrième mission Le Drian. "À chaque fois, il y a une petite avancée. Si nous arrivons à réaliser une petite avancée, cela signifiera que nous sommes sur le bon chemin. Nous ne prétendons pas pouvoir tout régler dès demain, mais il y aura quelque chose à prendre de cette quatrième visite", à en croire la source précitée.

La troisième voie

La France continue-t-elle d’appuyer "la troisième voie", à savoir un candidat centriste qui n’est ni celui du 8 Mars, ni celui de l’opposition?

Selon la source précitée, il est très peu probable qu’un pays régional ou occidental exprime de nouveau une préférence pour un candidat ou un autre.

On rappelle qu’au départ, la France avait appuyé "un ticket", en vertu duquel le chef des Marada, Sleiman Frangié, aurait été élu président, et le juge Nawaf Salam désigné chef du gouvernement. Cette proposition avait été rejetée par l’opposition, M. Frangié étant le candidat annoncé du Hezbollah et du mouvement Amal. Elle n’avait pas été appuyée non plus par d’autres membres du Groupe des cinq. Lors de la séance du 14 juin, l’opposition avait "convergé" avec le Courant patriotique libre sur la candidature du haut-responsable du Fonds monétaire international, Jihad Azour. Celui-ci avait obtenu 59 voix, contre 51 pour M. Frangié.

Quant à la "troisième voie", le candidat qui la représenterait le plus serait le commandant-en-chef de l’armée, le général Joseph Aoun, qui bénéficie d’un large appui au Liban et parmi les membres du Quintette.

Échange présidence-1701?

La France pourrait-elle de nouveau appuyer le chef des Marada, après avoir soutenu la "troisième voie"? "Tout va dépendre des Libanais eux-mêmes, et de leur accord sur le profil du président, plutôt que sur son nom. Toutes les options sont ouvertes, il s’agit de ne pas se limiter à un nom et de n’avoir de veto sur personne", répond la source précitée.

On note dans ce cadre que plusieurs personnalités de l’opposition craignent que certains pays décident de "récompenser" le Hezbollah pour ne pas avoir entraîné le Liban dans la guerre en cours à Gaza, en appuyant son candidat à la présidentielle, Sleiman Frangié. Le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a d’ailleurs précisé lundi que "la présidence de la République ne saurait faire l’objet de négociations ou de marchandage", excluant d’échanger "l’exécution de la résolution 1701 du Conseil de sécurité contre un président de la République".

Sur ce point, la source diplomatique française estime qu’il s’agit là de "considérations régionales et internationales, qui n’entrent pas dans l’optique française". "Ce n’est pas ainsi que nous voyons les choses. Pour nous, le Hezbollah est important, mais pas plus que les autres partis représentés au Parlement. Nous n’avons pas de préférence par rapport à d’autres partis, et le but ultime, c’est que les partis puissent s’entendre entre eux", à en croire la source.

France et Quintette

La France estime que le Liban a également besoin d’un président pour démarrer un plan de réformes en interne, en lien avec le FMI. M. Le Drian évoquera ce sujet avec ses interlocuteurs, ainsi que l’importance de former un gouvernement et de pourvoir à tous les postes vacants ou qui risquent de le devenir, notamment à la Banque centrale et au commandement de l’armée. "C’est un tout, il y a urgence, et les Libanais doivent comprendre le caractère d’urgence de la situation", selon la source diplomatique française, qui souligne que la mission Le Drian est menée en concertation avec les membres du Quintette.

D’ailleurs, M. Le Drian est en "contact constant" avec les responsables de ce Groupe des cinq, et sa tournée actuelle inclut un volet régional. On rappelle que les ministres français des Affaires étrangères et de la Défense avaient effectué des visites à Beyrouth après le début de la guerre à Gaza pour avertir contre le danger d’une implication du Liban dans le conflit.

La mission Le Drian 4 réalisera-t-elle une "avancée"? Les prochains jours apporteront une réponse à cette question. Alors que certaines sources parlementaires minimisent l’importance du rôle français, et ne voient dans la visite de M. Le Drian qu’une tentative de montrer que Paris est encore présent dans la région, d’autres rappellent que ce pays est le seul qui s’intéresse encore vraiment au Liban.

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