Le président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), le juge Souheil Abboud, a fait part des nombreux défis auxquels est confronté le système judiciaire au Liban. Lors d’une conférence organisée par le Réseau francophone des conseils de la magistrature judiciaire (RFCMJ), à la Cour de cassation française à Paris, M. Abboud a dénoncé les "tentatives d’ingérence qui perturbent et affaiblissent le travail judiciaire et qui conduisent à des vacances dans de nombreux postes judiciaires, entravant ainsi le cours de la justice". Ces tentatives se traduisent, selon lui, par "le refus du Parlement d’approuver le projet de loi sur l’indépendance du pouvoir judiciaire". Elles se manifestent aussi par "l’abstention de l’Exécutif de signer les décrets relatifs aux permutations judiciaires générales et partielles, le CSM les ayant approuvées à plusieurs reprises", comme l’a indiqué le juge Abboud, lors de la conférence.

On rappelle qu’en février 2020, l’ancien président de la République, Michel Aoun, avait gelé l’ensemble des permutations judiciaires établies par le CSM. Même s’il avait avancé le motif selon lequel "les permutations proposées ne prennent pas en considération les critères objectifs de mérite, de spécialisation et de compétence prévus par la Constitution, ainsi que les critères de productivité, d’ancienneté et d’intégrité posés par le CSM lui-même", M. Aoun avait plus exactement fondé sa décision sur le fait que les permutations ont injustement traité les juges qui sont proches de son parti, le Courant patriotique libre.

Dans ce contexte, le juge Abboud a précisé que même si "les autorités et les instances libanaises s’accordent à réclamer l’indépendance du pouvoir judiciaire, cette sollicitation cache en réalité une volonté de s’approprier une magistrature sur mesure". Il a, dans ce sens, mis en garde contre "l’effondrement du système judiciaire", se fondant sur un rapport établi récemment par des experts européens qui font mention d’une "situation grave, [qui] nécessite une action urgente".

À l’issue de la conférence, l’assemblée générale du RFCMJ (23 pays) a élu le président du CSM français, Christophe Soulard, et le président du CSM libanais, Souheil Abboud, respectivement président et vice-président du Réseau.

Par ailleurs et en sa qualité de premier président de la Cour de cassation, M. Abboud a pris part à la réunion annuelle du bureau de l’Association des hautes juridictions de cassation des pays ayant en partage l’usage du français (AHJUCAF). Cette rencontre a principalement porté sur un projet proposé par le juge Abboud et qui consiste en la création d’une "Cour suprême francophone idéale", dont serait issue plus tard une "Haute Cour de justice francophone".