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Quelles seraient les conséquences de la liquidation, par Tel Aviv, du général Razi Moussavi, l’un des conseillers les plus expérimentés des Gardiens de la révolution iranienne, en Syrie? Une dégradation de la situation ou une accélération du processus diplomatique pour une sortie de crise et un cessez-le-feu à Gaza? La question autour de la réponse iranienne au meurtre du général Moussavi, lundi, dans une banlieue de Damas, s’est posée plus d’une fois depuis le 25 décembre. Celui qui fut le compagnon de Qassem Soleimani, le chef de la force Al-Qods, unité d’élite des Pasdaran, également assassiné, le 3 janvier 2020, lors d’un raid américain à Bagdad, a été la cible de trois missiles israéliens dans le quartier de Sayyida Zeinab, au sud de Damas.

La mort de Moussavi, à quelques jours de la commémoration de celle de Soleimani, s’inscrit dans un contexte politique et militaire très tendu.

Lundi, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, avait promis de poursuivre son offensive contre le Hamas à Gaza, jusqu’à "l’élimination et la déradicalisation" de ce groupe palestinien pro-iranien. Il a insisté qu’il s’agit, pour Tel Aviv, du "seul moyen de retrouver nos otages, d’éliminer le Hamas et de garantir que Gaza ne constituera plus une menace pour Israël. Des propos qui viennent appuyer la thèse selon laquelle les États-Unis ne parviennent plus à exercer une réelle pression sur leur allié pour éviter que la guerre, déclenchée le 7 octobre dernier par une attaque du Hamas contre Israël, ne s’étende ou ne dégénère en un conflit plus large.

Les Iraniens ont menacé de riposter au meurtre de Moussavi, de sorte que l’État hébreu "paie pour ce crime", comme l’a déclaré le président iranien Ebrahim Raïssi. La riposte se ferait-elle à travers les instruments paramilitaires de l’Iran, dont le Hezbollah?

Des médias israéliens ont rapporté mardi que Tel-Aviv était en état d’alerte sur son front nord, dans la perspective "d’une riposte iranienne qui pourrait inclure des tirs de missiles depuis le Liban et la Syrie", a averti un responsable israélien.

Le général Khalil Hélou, ainsi qu’un opposant chiite, le journaliste Ali el-Amine, écartent cette perspective. Interrogé par Ici Beyrouth, le général Hélou explique que deux scénarios se présentent. Le premier pourrait consister en des représailles via le Hezbollah au Liban-sud, ce qui est "peu probable", comme l’indiquent MM. Hélou et Amine.

Les deux procèdent à la même analyse. Ils considèrent qu’une telle riposte risque de déclencher une invasion israélienne, qui, même si elle est recherchée par Tel Aviv, ne l’est pas des deux côtés iranien et américain. On rappelle que, selon un article publié samedi dans le Wall Street Journal qui cite des fonctionnaires anonymes, les Israéliens s’apprêtaient à mener une opération d’envergure contre le Liban, le 11 octobre dernier, soit quatre jours après l’offensive du Hamas. Alors que des avions de guerre israéliens étaient déjà dans le ciel et attendaient les ordres, l’attaque a été "abandonnée", en raison de l’intervention du président américain, Joe Biden. Celui-ci a dissuadé M. Netanyahou de s’engager contre le Hezbollah, surtout qu’"une telle action pourrait déclencher une guerre régionale", selon l’article susmentionné.

Une riposte aux attaques des Houthis

Pour en revenir aux faits et comprendre pourquoi une riposte iranienne à partir de la frontière sud du Liban est peu probable, il faut revenir aux motifs qui ont incité les Israéliens à procéder au meurtre de Moussavi.

D’après le général Hélou, "avoir pris pour cible le général en chef des Gardiens de la révolution iranienne constitue une riposte aux attaques des rebelles Houthis du Yémen, proches de l’Iran, en mer Rouge". Celles-ci mettent à l’arrêt le port d’Eilat, unique porte d’entrée israélienne sur la mer Rouge située à l’extrême sud du pays, aux frontières de l’Égypte et de l’Arabie saoudite. Le Hezbollah n’est donc pas "directement concerné" par les représailles qu’envisageraient les Iraniens contre Israël, estime M. Hélou.

Le discours tenu par le Hezbollah au lendemain de la mort du général Moussavi vient d’ailleurs appuyer cette thèse. Alors que Téhéran a menacé directement Israël de payer pour ce crime, le Hezbollah, lui, s’est contenté de rester dans les généralités, déclarant que l’assassinat est "une attaque flagrante et éhontée à travers laquelle une limite a été franchie". Sans plus.

Ce que pourrait donc entreprendre l’Iran pour "se venger", c’est "cibler des institutions israéliennes ou procéder à l’assassinat de diplomates israéliens à l’étranger", signale le général à la retraite. Téhéran pourrait aussi tirer "des missiles de longue portée à partir du territoire syrien ou irakien en direction d’Israël", soulignent MM. Hélou et El-Amine.

Ce fut d’ailleurs le cas lorsque le général Qassem Soleimani avait été tué dans un raid américain à Bagdad le 3 janvier 2020. Un missile iranien avait frappé, le 8 janvier de la même année, la base aérienne américaine d’Ain al-Assad, dans la province d’Anbar, en Irak, en guise de représailles.

Toujours est-il que la situation au Liban-Sud reste explosive. Elle peut se dégrader à n’importe quel moment, surtout que la fin des grandes opérations militaires, prévue à un moment donné par les observateurs pour la fin du mois de janvier, n’est plus à l’ordre du jour.