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L’attaque cybernétique à l’aéroport Rafic Hariri de Beyrouth dimanche après-midi a causé beaucoup de remous tant au niveau sécuritaire que sur les réseaux sociaux, les internautes s’en donnant à cœur joie sur les raisons et les conséquences. Mais la question essentielle à se poser à cet instant est la suivante: y a-t-il vraiment un pilote aux commandes?

Dimanche vers 17h, les écrans affichant les informations de vol à l’aéroport Rafic Hariri de Beyrouth ont été sujets à une opération de piratage et ont diffusé un message allant à l’encontre de la mainmise du Hezbollah sur l’aéroport et l’avertissant de ne pas entraîner le Liban dans une guerre dont il assumerait seul les conséquences.

Interrogé par Ici Beyrouth, un passager qui a requis l’anonymat a indiqué que, dimanche soir, les écrans à l’enregistrement étaient vides et que les tapis à bagages étaient hors service. Cela a nécessité le transport manuel des bagages, entraînant un retard du départ du vol d’environ 45 minutes. Le même passager a indiqué que la moitié des scanners de surveillance au départ ne fonctionnaient pas. Les agents de sécurité y ont pallié en procédant à des fouilles extensives.

Les Forces de sécurité intérieure (FSI) ont publié dimanche un communiqué indiquant que l’attaque cybernétique, ayant affecté les écrans de départ et d’arrivée à l’aéroport, a entraîné une panne du système de contrôle des bagages (BHS). "L’unité d’inspection des FSI à l’aéroport a mis en œuvre le plan de secours, maintenant ainsi un fonctionnement normal du trafic aérien", selon le texte du communiqué.

Lundi matin, il y avait peu de monde au départ. Les écrans des comptoirs d’enregistrement étaient éteints et les tapis à bagages ne fonctionnaient pas, selon Elizabeth Boulos, passagère d’un vol prévu à 5h. "Toutefois, les comptoirs de la Sûreté remplissaient leur rôle comme d’habitude", a-t-elle indiqué.

Négligence

Interrogé par Ici Beyrouth, le député des Kataëb, Élias Hankache, a indiqué qu’un hacking peut se produire n’importe où, mais que le problème réside dans le cumul des transgressions et de la négligence.

Même son de cloche chez le député Waddah Sadek, qui a affirmé à Ici Beyrouth qu’une attaque cybernétique peut arriver n’importe où, mais que losrquela gestion de l’institution est fiable, les dégâts sont moindres. "Le système devrait être performant, avec plusieurs niveaux de sécurité. Dans le cas de l’aéroport, l’absence de personnes qualifiées fait que nous ne pouvons pas savoir si les hackers étaient des amateurs ou des professionnels."

Selon M. Hankache, "c’est un problème qui existe depuis très longtemps à l’aéroport. Beaucoup de députés ont évoqué cette indifférence à tous les niveaux. Nous savons qu’il y a un trafic d’armes et beaucoup de problèmes de gestion à l’aéroport, désormais exacerbés par le hacking. Clairement, ces problèmes perturbent les passagers. Il est important de mener une investigation jusqu’au bout afin d’obtenir des résultats concrets", a-t-il poursuivi.

Pas encore de données

Dans une conférence de presse lundi matin, le ministre sortant des Transports et des Travaux publics, Ali Hamiyé, a annoncé que les équipes de sécurité et les experts sont encore présents à l’aéroport pour enquêter, et que ceci n’a pas affecté la programmation des vols, indiquant que 3.000 personnes ont quitté le Liban au courant des dernières heures. Les dégâts n’ont pas encore été déterminés. "Nous ne savons pas si la brèche était interne ou pas, et les services de sécurité poursuivent leur enquête", a déclaré le ministre.

"La question de cybersécurité touche tous les pays du monde et n’a rien à voir avec la négligence administrative", a poursuivi M. Hamiyé.

Par ailleurs, Élias Hankache a précisé à Ici Beyrouth qu’il est temps de penser à la décentralisation et à la création d’un autre aéroport. "Le nôtre reflète l’image de notre pays. De plus, s’il se passe le moindre incident, nous sommes pris au piège."

La sécurité et le recrutement

"Nous ne pouvons plus ignorer tout ce qui a trait à la sécurité. La situation est dangereuse, et il est essentiel de mettre en place rapidement une commission d’enquête, d’identifier les responsables et de les punir. Cela doit être fait sans délai." M. Hankache a mis en garde contre le fait que n’importe quel autre incident, comme celui de la pluie il y a quelques jours, pourrait obnubiler ce problème. Il a déclaré que la responsabilité incombe aux services de sécurité et à la direction de l’aviation civile, sans oublier le problème de la souveraineté.

De même, Waddah Sadek, qui a fait de la sécurité à l’aéroport son cheval de bataille depuis plusieurs mois, a précisé que ce qui s’est passé à l’aéroport dimanche "est un signal d’alarme". Il a déclaré à Ici Beyrouth que le recrutement au port et à l’aéroport est une question très sensible. "Même si la politique de recrutement est basée sur le quota (politique ou confessionnel), il est important que les personnes choisies soient compétentes. La négligence au niveau du port, du gouvernement et du judiciaire a conduit à l’explosion du port qui a détruit la capitale. De même, à l’aéroport, le Conseil de la Fonction publique n’a pas approuvé les nominations et l’Union européenne a soulevé la question de la sécurité" a-t-il poursuivi. Et de conclure: "Nous sommes exposés parce que les employés sont affiliés à des partis politiques et ont été nommés à leurs postes en fonction de leurs affiliations politiques plutôt que de leurs compétences."

Une chose est sûre, il est clair que toute institution peut être soumise à une cyberattaque à n’importe quel moment. Toutefois, l’aéroport de Beyrouth fait face à plusieurs problèmes depuis des mois. D’abord, il convient de rappeler le manque de personnel qualifié – surtout les aiguilleurs du ciel – ainsi que le manque de travaux de maintenance, comme le montrent les inondations qui y ont eu lieu il y a quelques jours. De plus, le laxisme des services de sécurité et du personnel administratif dénoncés plus haut soulève la question de savoir si la sécurité du transport aérien, des voyageurs et du bâtiment de l’aéroport lui-même est réellement under control.