Solution politique négociée, sous égide américaine, pour revenir à l’application (stricte) de la résolution 1701 du Conseil de Sécurité; ou escalade militaire allant crescendo avec risques de conflagration de grande envergure, qui serait peut-être plus grave que celle de 2006? Depuis plusieurs semaines, les Libanais vivent à l’ombre de cette alternative lourde de conséquences. Sauf qu’au rythme accéléré des assassinats de responsables du Hezbollah et de la recrudescence des raids aériens israéliens et des tirs d’artillerie, la balance semble pencher du côté du dérapage qui, au stade actuel, reste encore «contrôlé».
Comme cela a été souligné à maintes reprises, la grande question qui se pose dans ce cadre est de savoir si les deux protagonistes (Tel-Aviv et Téhéran) ont réellement intérêt à s’engager dans un conflit généralisé. Pour l’heure, force est de constater que d’épais nuages gris s’amoncellent à l’horizon, lesquels pourraient être les signes précurseurs d’une dangereuse conflagration.
La voie de la solution politique ne semble pas pour autant être totalement bloquée. Le chef de la diplomatie Abdallah Bou Habib indiquait lundi à sa sortie du Grand Sérail que le médiateur américain chargé du dossier libanais, Amos Hochstein, ne reviendra à Beyrouth que s’il est porteur de données positives. Coïncidence ou pas, le chef du gouvernement sortant Nagib Mikati déclarait à ce propos, dans une interview à la chaîne de télévision al-Hurra (proche des milieux américains), que l’émissaire US est attendu «cette semaine» au Liban. Est-ce à dire qu’un règlement, global, est réellement concocté en haut lieu dans les coulisses diplomatiques, comme le laissent suggérer la vaste tournée régionale du Secrétaire d’État Antony Blinken et la récente visite à Beyrouth, mi-décembre, du chef de la diplomatie française (sortante) Catherine Colonna, qui s’est par ailleurs entretenue par téléphone avec son homologue iranien, Hossein Amir Abdollahian?
Il ressort dans ce contexte des rares informations filtrées à la presse ainsi que des déclarations des dirigeants israéliens que la solution politique qui serait en gestation repose essentiellement sur un repli de la milice du Hezbollah au nord du Litani. En clair, cela se traduit par une application ferme de la résolution 1701. Mais l’on a trop tendance à vite oublier que si cet objectif est réalisé, il ne s’agirait là aucunement d’un «acquis», car le parti pro-iranien était tenu de se conformer dès le départ, avec la fin de la guerre de juillet 2006, aux dispositions de la résolution onusienne. En apparence, il l’a peut-être fait dans un premier temps, mais ultérieurement, il a entrepris son opération de grignotage du terrain pour effectuer progressivement son redéploiement milicien dans la zone Finul, sous le couvert tantôt d’une obscure association «écologique» et tantôt de groupements de «jeunes résidents», prétendument civils. Ces derniers se livraient de temps à autre à des actions intempestives visant à limiter la liberté de mouvement des Casques Bleus afin de permettre aux suppôts du régime iranien d’agir à leur guise non loin des frontières avec Israël.
Si les miliciens pro-iraniens se conforment à nouveau à la 1701, qu’est-ce qui garantirait que cette entreprise de grignotage et de «reconquête» progressive et pernicieuse du terrain ne se reproduira pas? Le Hezbollah a rétabli depuis le 8 octobre un nouveau fait accompli milicien au Sud. Pourquoi l’Iran le contraindrait-il à se retirer sans contrepartie politique? Et le cas échéant, quelle pourrait être cette contrepartie?
Tout le problème auquel est confronté aujourd’hui même le Liban réside dans cette dernière interrogation. Car accorder à l’allié de Téhéran des acquis en termes de politique intérieure et de partage du pouvoir (présidence de la République, nouveau gouvernement, nominations sensibles…) ne résoudrait en rien le problème de la posture guerrière et milicienne du parti. Ce dernier ne manquerait pas en effet «d’engloutir» les acquis qui lui auraient été consentis et de retourner à nouveau très rapidement à son comportement belliqueux, accompagné, une fois de plus, d’une relance du grignotage du terrain en zone Finul.
Pour que le retrait de la milice du «parti de Dieu» jusqu’au nord du Litani s’inscrive dans la durée et se fasse sur des bases solides et pérennes, le forcing ne devrait pas être effectué au plan interne, libanais, mais au niveau spécifiquement régional… En faisant au mentor iranien, comme dans le film Le Parain, une «proposition» qu’il ne pourrait pas refuser… Il y va de la stabilité, non seulement du Liban, mais de toute la région, avec comme option essentielle de ne pas retomber dans l’esprit des funestes accords de Munich de 1938.
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