Bahaa Hariri ne sera pas candidat aux élections législatives de mai 2022, confirme une source proche de l’opposition.

La communauté sunnite a décidément connu une semaine riche en rebondissements. Entre l’adieu politique de Saad Hariri, lundi, et la déclaration solennelle de son frère Bahaa, vendredi (qui a affirmé reprendre le flambeau de son père Rafic Hariri), une multitude de questions se bousculent, auxquelles très peu de réponses sont apportées. Un mutisme lié sans doute à un manque de données et à une volonté de voir les choses progresser avant de se prononcer sur le sujet.

La rue sunnite a été, du jour au lendemain, déstabilisée et déséquilibrée suite à la décision de l’ancien Premier ministre et chef du courant du Futur, Saad Hariri, de suspendre son action politique. Ce bouleversement au sein du parti bleu et sur l’échiquier politique libanais a certes créé un momentum chez les opposants à Hariri qui cherchent à passer rapidement à l’action afin de tenter de se faire une place au soleil.

Toutefois, le fils aîné Hariri, Bahaa, a profité sans tarder de la stupéfaction créée au sein de sa communauté, résultat du départ de son frère cadet, pour annoncer aux Libanais, à la fin de la semaine, qu’il poursuivra " le parcours tracé par le président-martyr Rafic Hariri " et qu’il ne tolèrera pas " la menace d’un vide au niveau de n’importe quelle composante de la société libanaise car un tel vide ne fait que servir les ennemis de la patrie ". Faudrait-il alors comprendre que Bahaa Hariri serait le choix alternatif ou le remplaçant de son frère Saad ? La réponse n’est pas aussi claire qu’elle en a l’air. En réalité, " personne n’est irremplaçable, bien que personne ne sera remplacé ", affirme l’ancien député du courant du Futur, Ahmad Fatfat, à Ici Beyrouth, en faisant allusion au fait que la place de Saad Hariri n’est pas à prendre.

Pourtant, tous les éléments propices à l’accession de Bahaa Hariri au " trône sunnite " semblent être réunis. " Il s’appelle Bahaa Rafic Hariri, il dispose d’une fortune colossale, il n’a jamais fait de politique – donc il n’est pas embourbé dans des affaires de corruption – et son discours s’aligne sur celui de la majorité des Libanais, puisqu’il dénonce ouvertement les armes du Hezbollah et la mainmise iranienne sur l’État ", précise une source informée de l’opposition. Et d’ajouter : " Quoique ces critères jouent en sa faveur, Bahaa Hariri devrait s’investir beaucoup plus dans la vie politique, faire en sorte d’être physiquement présent aux côtés des Libanais, et ne pas s’adresser à eux à travers Zoom ! " Et de poursuivre : " La barre est placée haute. Il est le fils du plus grand homme politique sunnite de l’histoire moderne du Liban et il devra en conséquence faire ses preuves ".

Par ailleurs, il serait important de savoir si Bahaa Hariri bénéficie oui ou non du soutien des pays du Golfe, notamment de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, facteur essentiel et décisif pour une éventuelle carrière politique de haut calibre au Liban. Les réponses à cette interrogation sont mitigées. D’une part, Jerry Maher, conseiller médiatique de Bahaa Hariri, affirme à Ici Beyrouth que " M. Bahaa Hariri collabore avec les pays du Golfe " et " ses intentions politiques concordent avec celles de ces pays, spécialement au niveau de la position concernant l’axe iranien et le Hezbollah, ainsi que la vision d’un Liban qui transcende les communautés et les confessions ". Cette vision, précise Jerry Maher, se base sur " les principes fondateurs du pays du Cèdre, à savoir la neutralité, l’indépendance, la souveraineté et le respect des accords de Taëf et des résolutions internationales ; ainsi que la lutte contre la corruption et le trafic de drogues ".

D’autre part, d’aucuns affirment que M. Bahaa Hariri " n’est pas l’expression d’un projet arabe spécifique, puisqu’il ne suscite pas l’intérêt de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, vu qu’il ne possède pas encore un nombre significatif de députés sunnites et de partisans ", indique la source de l’opposition précitée.

Il n’en demeure pas moins que les supporters de Bahaa Hariri persistent à affirmer que leur " chef " tient à " faire la différence sur le plan local et à œuvrer pour rectifier les erreurs de la classe politique dirigeante, embourbée dans la corruption ". " Sa stratégie ne se limite pas à la communauté sunnite, soulignent ces milieux. Elle s’étale sur la totalité des 10.452 kilomètres carrés du territoire libanais, toutes communautés confondues ; et elle est motivée par le bouleversement qu’il a éprouvé au lendemain des mouvements de contestation d’octobre 2019 et de l’explosion survenue au port de Beyrouth le 4 août 2020 ", souligne M. Maher. Et de conclure : " Il s’engage à travailler pour l’intérêt des Libanais et il est déterminé à lutter contre toute tentative de menace sécuritaire interne ; bien qu’il ne soit pas particulièrement féru de politique ".

La vision de Bahaa Hariri devra donc être accompagnée d’une action politique tangible, s’il désire réellement intégrer la scène politique libanaise. Dans le cas contraire, la rue sunnite pourrait vraisemblablement s’en remettre à Dar el-Fatwa pour la prochaine orientation à suivre.