©AFP
Les responsables libanais à tous les niveaux n'ont pas su saisir l'occasion en or présentée par le Koweït, par le biais d’une initiative des pays du Golfe, et des instances arabes et internationales, pour sauver le Liban.
Ils n'ont pas réalisé la portée et les dimensions de cette initiative, qui coïncide avec une série de développements dans la région et dans le monde et d'événements au cours desquels le Liban sera au centre des discussions : le sommet arabe, celui de l'Union européenne, ou encore la réunion spéciale du Conseil de sécurité pour discuter de la crise libanaise.
Les dirigeants libanais n'ont pas compris ce que signifiait le fait de ne pas saisir la perche tendue par le Koweït pour le salut du Liban. Le pouvoir aurait dû confirmer sa présence et son adhésion à la logique de l'État et des institutions, en plaçant l'intérêt du Liban au-dessus de tout autre.
Après avoir reçu les doléances des pays du Golfe des mains du ministre des Affaires étrangères du Koweït, cheikh Ahmad Jaber al-Ahmad al-Sabah, en sa qualité d’émissaire arabe et international (dans la mesure où l'initiative est coordonnée avec les pays arabes, les États-Unis, la France et la Russie), le président de la République Michel Aoun aurait dû prendre l’initiative de convoquer le président de la Chambre et le Premier ministre à une réunion de la “troïka”, comme le veut la coutume depuis l’accord de Taëf, afin de montrer le sérieux et l'appréciation du Liban vis-à-vis de la démarche du Koweït. Par la même occasion, cela aurait constitué une réponse à ceux qui accusent le Liban d’être pris en otage par le Hezbollah au profit de l’agenda iranien.
La réponse libanaise aurait dû mettre les points sur des “i” pour faciliter le processus de résolution de la crise. Baabda et le Grand Sérail auraient dû formuler une réponse inspirée de la réunion de la “troïka”, assurer une couverture légale et constitutionnelle à cette dernière et présenter cette réponse au Conseil des ministres, pour impliquer les différentes forces politiques dans la démarche et lui donner un caractère national.
Rien ne s’est produit de tout cela. C’est comme si certains insistaient à laver tout le linge sale des conflits internes à l’occasion de cette initiative, en affichant l’absence de tout accord interne, même sur les constantes, la souveraineté, la stabilité, le respect du document d’entente nationale, la Constitution et la loi. Comme si tous ces éléments n’étaient qu’un point de vue pour certains, et non des constantes nationales, ce qui n’est pas sans affaiblir la position du Liban vis-à-vis de l’initiative.
Le conflit sur les prérogatives constitutionnelles autour de la partie qui devrait se charger de la réponse est ainsi apparu au grand jour. Le Premier ministre Najib Mikati a fourni à Baabda ses idées, et les conseillers de Michel Aoun ont affiné la réponse après avoir consulté le directoire du Hezbollah pour éviter tout faux pas et "ne pas mettre en danger la paix civile, la stabilité et l'unité nationale".
Pourquoi la réponse n'a-t-elle pas été exposée au Conseil des ministres, comme le demandait le ministre Abbas Halabi, proche du chef du Part socialiste progressiste, Walid Joumblatt ? Des sources légales indiquent que le fait d’étudier la réponse en Conseil des ministres constitue une mesure constitutionnelle tout à fait saine, mais Najib Mikati, conscient des répercussions de cette décision en l'absence de consensus au sein du gouvernement, a préféré éviter cette démarche, arguant de l’inexistence d’un mémorandum en bonne et due forme, mais d’“idées proposées" par le ministre koweïtien.
Najib Mikati aurait agi ainsi pour éviter des tensions au sein du cabinet, qui vient à peine de reprendre ses travaux depuis que les ministres du duopole chiite ont mis fin à leur boycott de trois mois en raison du dossier de l’enquête sur l’explosion du port de Beyrouth. M. Mikati souhaite à tout prix empêcher un nouveau blocage du gouvernement et, partant, l’implosion de ce dernier, au sein duquel les parties ne sont pas d’accord sur les options fondamentales. Certaines parties n’accordent pas ainsi la priorité à l’intérêt supérieur du Liban. C’est pourquoi la réponse a été façonnée à la sauvette, la porte de sortie étant le “domaine réservé” du président de la République en matière de ratification des traités internationaux et de représentation du Liban à l’étranger.
De sources politiques arabes, on indique que ceux qui sont derrière l’initiative exigent des réponses écrites claires aux douze points du mémorandum. Des actes concrets sont demandés par étapes, dont le retrait des miliciens du Hezbollah du Yémen, de Syrie et des pays arabes. En réponse au document, le Liban aurait demandé à des personnalités du Golfe qui entretiennent de bons rapports avec les États-Unis et Israël de convaincre Tel-Aviv de retirer ses forces des fermes de Chébaa et des collines de Kfarchouba, dans la mesure où cela contribuerait à paver la voie au rétablissement du monopole de la violence légitime. Un comité mixte Liban-pays du Golfe devrait en outre être mis sur pied pour rectifier les failles dans les relations.
Cependant, la réponse de Beyrouth n’aurait pas été jugée satisfaisante. Elle serait un mélange “de lyrisme et de déclaration d’intentions”, selon des sources bien informées.
Grave erreur, estiment des diplomates occidentaux, selon qui “les responsables libanais n’ont aucune idée de ce qui les attend”. “Ils n’ont pas su saisir l'opportunité koweïtienne en prévision d’événements-clefs au cours desquels la crise libanaise sera à l’ordre du jour. Les dirigeants libanais ne sont pas préparés pour cela, trop pris par leurs disputes sur le sexe des anges”, notent ces sources. Elles précisent que le directoire libanais n’a pas capté l’importance du ballet diplomatique en cours et continue de prendre à la légère les appels des capitales de décision à s’entendre sur une vision commune en vue d’une sortie de crise pour que la communauté internationale puisse venir en aide au Liban avant mars prochain. Si cette situation perdure, les sanctions ne tarderont pas à s’abattre sur les responsables libanais, notent ces sources qui évoquent l’arrêt des transferts et des exportations, des interdictions de séjour à l’encontre de certains, entre autres. Sans oublier les mesures punitives à l’encontre du Hezbollah, plus particulièrement.
L’initiative koweïtienne s’inscrivait pourtant dans une logique de main tendue, de "dernière chance”, pour sauver le pays. D’autant que le Koweït est “le plus modéré des pays arabes, qui entretient de bonnes relations avec tous ses partenaires au niveau régional et international, et qui avait naguère contribué à mettre fin à la guerre du Liban”. Le Koweït a par ailleurs joué un rôle dans la fin du conflit entre le Qatar et les pays du Conseil de coopération du Golfe, et souhaite à présent trouver une formule de coordination entre le Liban et ces derniers, à condition que Beyrouth remplisse le cahier des charges qui lui est imposé.
La question essentielle reste la même, pour le Liban. Où veut-il se positionner aujourd'hui : dans le giron arabe ou aux côtés de l’Iran ? À en croire la nature de la réponse libanaise à l’initiative, Beyrouth aurait choisi Téhéran, sous la contrainte de l’hyperpuissance du Hezbollah et de ses armes. Le parti chiite a d’ailleurs préféré observer le mutisme sur la question pour ne pas attirer davantage les regards sur lui, laissant l’État libanais se charger de noyer le poisson dans l’eau en sa faveur.
Une fois de plus, pour les beaux yeux de Téhéran et de ses antennes locales, le régime expose le pays à tous les dangers, inconscient du branle-bas des plaques tectoniques dans la région et des séismes cataclysmiques qui s’annoncent.
Lire aussi : Initiative koweïtienne: la langue de bois de Beyrouth
Ils n'ont pas réalisé la portée et les dimensions de cette initiative, qui coïncide avec une série de développements dans la région et dans le monde et d'événements au cours desquels le Liban sera au centre des discussions : le sommet arabe, celui de l'Union européenne, ou encore la réunion spéciale du Conseil de sécurité pour discuter de la crise libanaise.
Les dirigeants libanais n'ont pas compris ce que signifiait le fait de ne pas saisir la perche tendue par le Koweït pour le salut du Liban. Le pouvoir aurait dû confirmer sa présence et son adhésion à la logique de l'État et des institutions, en plaçant l'intérêt du Liban au-dessus de tout autre.
Après avoir reçu les doléances des pays du Golfe des mains du ministre des Affaires étrangères du Koweït, cheikh Ahmad Jaber al-Ahmad al-Sabah, en sa qualité d’émissaire arabe et international (dans la mesure où l'initiative est coordonnée avec les pays arabes, les États-Unis, la France et la Russie), le président de la République Michel Aoun aurait dû prendre l’initiative de convoquer le président de la Chambre et le Premier ministre à une réunion de la “troïka”, comme le veut la coutume depuis l’accord de Taëf, afin de montrer le sérieux et l'appréciation du Liban vis-à-vis de la démarche du Koweït. Par la même occasion, cela aurait constitué une réponse à ceux qui accusent le Liban d’être pris en otage par le Hezbollah au profit de l’agenda iranien.
La réponse libanaise aurait dû mettre les points sur des “i” pour faciliter le processus de résolution de la crise. Baabda et le Grand Sérail auraient dû formuler une réponse inspirée de la réunion de la “troïka”, assurer une couverture légale et constitutionnelle à cette dernière et présenter cette réponse au Conseil des ministres, pour impliquer les différentes forces politiques dans la démarche et lui donner un caractère national.
Rien ne s’est produit de tout cela. C’est comme si certains insistaient à laver tout le linge sale des conflits internes à l’occasion de cette initiative, en affichant l’absence de tout accord interne, même sur les constantes, la souveraineté, la stabilité, le respect du document d’entente nationale, la Constitution et la loi. Comme si tous ces éléments n’étaient qu’un point de vue pour certains, et non des constantes nationales, ce qui n’est pas sans affaiblir la position du Liban vis-à-vis de l’initiative.
Le conflit sur les prérogatives constitutionnelles autour de la partie qui devrait se charger de la réponse est ainsi apparu au grand jour. Le Premier ministre Najib Mikati a fourni à Baabda ses idées, et les conseillers de Michel Aoun ont affiné la réponse après avoir consulté le directoire du Hezbollah pour éviter tout faux pas et "ne pas mettre en danger la paix civile, la stabilité et l'unité nationale".
Pourquoi la réponse n'a-t-elle pas été exposée au Conseil des ministres, comme le demandait le ministre Abbas Halabi, proche du chef du Part socialiste progressiste, Walid Joumblatt ? Des sources légales indiquent que le fait d’étudier la réponse en Conseil des ministres constitue une mesure constitutionnelle tout à fait saine, mais Najib Mikati, conscient des répercussions de cette décision en l'absence de consensus au sein du gouvernement, a préféré éviter cette démarche, arguant de l’inexistence d’un mémorandum en bonne et due forme, mais d’“idées proposées" par le ministre koweïtien.
Najib Mikati aurait agi ainsi pour éviter des tensions au sein du cabinet, qui vient à peine de reprendre ses travaux depuis que les ministres du duopole chiite ont mis fin à leur boycott de trois mois en raison du dossier de l’enquête sur l’explosion du port de Beyrouth. M. Mikati souhaite à tout prix empêcher un nouveau blocage du gouvernement et, partant, l’implosion de ce dernier, au sein duquel les parties ne sont pas d’accord sur les options fondamentales. Certaines parties n’accordent pas ainsi la priorité à l’intérêt supérieur du Liban. C’est pourquoi la réponse a été façonnée à la sauvette, la porte de sortie étant le “domaine réservé” du président de la République en matière de ratification des traités internationaux et de représentation du Liban à l’étranger.
De sources politiques arabes, on indique que ceux qui sont derrière l’initiative exigent des réponses écrites claires aux douze points du mémorandum. Des actes concrets sont demandés par étapes, dont le retrait des miliciens du Hezbollah du Yémen, de Syrie et des pays arabes. En réponse au document, le Liban aurait demandé à des personnalités du Golfe qui entretiennent de bons rapports avec les États-Unis et Israël de convaincre Tel-Aviv de retirer ses forces des fermes de Chébaa et des collines de Kfarchouba, dans la mesure où cela contribuerait à paver la voie au rétablissement du monopole de la violence légitime. Un comité mixte Liban-pays du Golfe devrait en outre être mis sur pied pour rectifier les failles dans les relations.
Cependant, la réponse de Beyrouth n’aurait pas été jugée satisfaisante. Elle serait un mélange “de lyrisme et de déclaration d’intentions”, selon des sources bien informées.
Grave erreur, estiment des diplomates occidentaux, selon qui “les responsables libanais n’ont aucune idée de ce qui les attend”. “Ils n’ont pas su saisir l'opportunité koweïtienne en prévision d’événements-clefs au cours desquels la crise libanaise sera à l’ordre du jour. Les dirigeants libanais ne sont pas préparés pour cela, trop pris par leurs disputes sur le sexe des anges”, notent ces sources. Elles précisent que le directoire libanais n’a pas capté l’importance du ballet diplomatique en cours et continue de prendre à la légère les appels des capitales de décision à s’entendre sur une vision commune en vue d’une sortie de crise pour que la communauté internationale puisse venir en aide au Liban avant mars prochain. Si cette situation perdure, les sanctions ne tarderont pas à s’abattre sur les responsables libanais, notent ces sources qui évoquent l’arrêt des transferts et des exportations, des interdictions de séjour à l’encontre de certains, entre autres. Sans oublier les mesures punitives à l’encontre du Hezbollah, plus particulièrement.
L’initiative koweïtienne s’inscrivait pourtant dans une logique de main tendue, de "dernière chance”, pour sauver le pays. D’autant que le Koweït est “le plus modéré des pays arabes, qui entretient de bonnes relations avec tous ses partenaires au niveau régional et international, et qui avait naguère contribué à mettre fin à la guerre du Liban”. Le Koweït a par ailleurs joué un rôle dans la fin du conflit entre le Qatar et les pays du Conseil de coopération du Golfe, et souhaite à présent trouver une formule de coordination entre le Liban et ces derniers, à condition que Beyrouth remplisse le cahier des charges qui lui est imposé.
La question essentielle reste la même, pour le Liban. Où veut-il se positionner aujourd'hui : dans le giron arabe ou aux côtés de l’Iran ? À en croire la nature de la réponse libanaise à l’initiative, Beyrouth aurait choisi Téhéran, sous la contrainte de l’hyperpuissance du Hezbollah et de ses armes. Le parti chiite a d’ailleurs préféré observer le mutisme sur la question pour ne pas attirer davantage les regards sur lui, laissant l’État libanais se charger de noyer le poisson dans l’eau en sa faveur.
Une fois de plus, pour les beaux yeux de Téhéran et de ses antennes locales, le régime expose le pays à tous les dangers, inconscient du branle-bas des plaques tectoniques dans la région et des séismes cataclysmiques qui s’annoncent.
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