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Nous voilà au point zéro, 55 ans après la signature des accords du Caire (3 novembre 1969) qui ont entériné l’extraterritorialité de fait des formations militaires palestiniennes (dès 1965) et contraint l’État libanais à céder sa souveraineté territoriale à des condominiums mutants, où les acteurs régionaux et internationaux (étatiques et non étatiques) se sont relayés les uns après les autres. Cet état de fait a été imposé par des coalitions hétéroclites qui répercutaient les crises de légitimité qui ont scandé la vie du Liban de manière alternée et continue. Le même scénario se reproduit à l’identique avec la politique de puissance iranienne et ses relais domestiques, et la scène palestinienne avec ses retournements en état de gestation permanente. Il n’est pas difficile de scruter le mouvement de cette dynamique qui s’articule à partir des mêmes prémisses et au point de jonction de l’intérieur et de l’extérieur.

La neutralisation de la souveraineté libanaise entre les événements de 1958 et de 1975, l’instrumentalisation des instances étatiques au service des coups d’État en alternance et la politique de subversion iranienne qui s’est emparée des territoires libanais comme autant de leviers pour mener à bien son entreprise de satellisation de l’ensemble géopolitique proche-oriental nous renvoient à la mainmise du Hezbollah sur les leviers politique et sécuritaire, comme si les prérogatives souveraines leur étaient concédées délibérément par le reste de l’hypothétique communauté nationale libanaise. Le fait de déclarer la guerre à Israël et d’imposer ce choix comme étant celui d’une communauté nationale consentante conduit inévitablement à la mise à mort de la souveraineté libanaise au bénéfice d’un coup d’État interne et d’une politique de subversion régionale qui cherche à s’imposer par la violence et l’usurpation des prérogatives constitutionnelles.

La politique internationale de l’État libanais s’est estompée au profit du Hezbollah et de son mentor iranien à qui revient la décision en matière de politique étrangère et de défense, alors que les institutions étatiques sont reléguées à un rôle subsidiaire et de relais. En faisant fi de l’accord d’armistice du 23 mars 1949, de l’abrogation de l’accord du Caire par le Parlement libanais (21 mai 1987), des stipulations des résolutions onusiennes 425, 426 (19 mars 1978), 520 (17 septembre 1982), 1559 (2 septembre 2004), 1701 (11 août 2006), 1655 (18 janvier 2006) et 1680 (17 mai 2006), le Hezbollah a fini par abattre toute forme d’accréditation diplomatique auprès de la communauté internationale et par transformer le Liban en État-lige instrumenté par la politique de puissance iranienne. L’argumentaire de l’"unité des champs de bataille" n’est qu’un subterfuge idéologique fallacieux qui vise à légitimer une action belliqueuse qui n’a aucun étayage constitutionnel et qui n’a jamais bénéficié d’un consensus national.

L’État libanais n’est pas en état de guerre conformément aux accords et résolutions internationaux, le Hezbollah n’a aucune qualité de représentation et l’argumentaire galvaudé ne peut, sous aucun rapport, servir de référence ou d’indicateur de légalité. L’état de vide institutionnel scellé par le blocage et l’instrumentalisation des institutions, le sabotage de l’élection présidentielle, l’illégitimité du gouvernement intérimaire, la neutralisation de l’armée libanaise et de la Finul en faveur du Hezbollah et de ses coalitions miliciennes et la restitution des friches sécuritaires aux dépens des sanctuaires prévus par les résolutions internationales sont de nature à entamer la stature étatique du liban et transformer le pays en zone franche pour des entreprises de déstabilisation et des conflits en cascade.