Écoutez l’article

 

Dans le contexte de la guerre qui se déroule au Liban-Sud et le ballet diplomatique qui en découle, un élément essentiel ne semble pas faire le tour de table: celui de l’aptitude de négocier au nom du Liban en ce qui concerne la délimitation des frontières et l’application de la résolution 1701 en l’absence d’un président de la République. 
Les prérogatives de négociation seront abordées en deux volets. Le premier portera sur le cas de figure où le Liban est doté d’un président de la République, en mettant la lumière sur un cas précédent, à savoir l’accord du 17 mai 1983. Le second volet portera sur la situation du Liban actuel, en état de mort cérébral institutionnel, et sur la véritable partie qui détient toutes les rênes du pouvoir.

Dans le scénario où le pays est doté d’un président de la République, d’un gouvernement qui exerce pleinement ses fonctions et d’une Chambre de représentants agissant en tant qu’assemblée législative et non électorale (comme elle est supposée l’être actuellement en l’absence d’un président), les négociations en vue d’aboutir à un traité suivent un déroulement précis.

Dans un monde idéal

D’un point de vue constitutionnel, c’est le président de la République, en accord avec le chef du gouvernement, qui négocie les traités et les ratifie. "C’est l’article 52 de la Constitution qui le dit expressément", affirme à Ici Beyrouth

Ziad Baroud, avocat et ancien ministre de l’Intérieur. Cet article stipule que "le président de la République négocie les traités et les ratifie en accord avec le chef du gouvernement. Ceux-ci ne seront considérés comme ratifiés qu’après accord du Conseil des ministres. Le gouvernement en informe la Chambre des députés lorsque l’intérêt du pays et la sûreté de l’État le permettent", comme c’est le cas dans la délimitation des frontières. Dans le cas des traités commerciaux ou ceux qui engagent les finances de l’État, la procédure est différente.

Selon Me Baroud, il y a deux temps de négociations. D’abord, les préliminaires qui préparent le terrain. Parfois, le président confie les négociations au directeur général de la sûreté ou à un ministre, lequel, selon sa compétence, prépare un projet de négociation. "Le président de la République, demande en amont à la personne désignée d’engager les négociations", explique Ziad Baroud.

Même son de cloche du côté du général Khalil Hélou, qui déclare à Ici Beyrouth qu’en cas de délimitation des frontières, la partie technique précède toute négociation. "Cette partie technique implique inévitablement les services géographiques de l’armée. Dans le cas de la délimitation avec Israël, ce service géographique a déjà déterminé les surfaces et les points de litige", indique-t-il.  Ensuite, l’autre partie doit aussi donner sa réponse technique. Les négociations ne commencent pas avant que ce dossier ne soit prêt.

À partir de là, rien n’empêche que le président de la République demande à des entités qu’il désigne lui-même d’engager les tâches préparatoires ainsi que les négociations. "Lors de la délimitation des frontières maritimes, le président de la République a confié la mission de négociations à Élias Bou Saab, vice-président de la Chambre à l’époque, et a négocié en accord avec le chef du gouvernement. La négociation est donc une procédure bien déterminée, mais rien n’empêche que cette tâche soit confiée à de tierces personnes. C’est une phase d’exploration", souligne M. Baroud.

Il convient de souligner que le Liban ne négocie pas directement avec Israël, déclare le général Hélou, mais par le biais d’intermédiaires. Dans le cas des frontières maritimes, c’était Amos Hochstein, l’envoyé spécial des États-Unis, qui était chargé de ce dossier.

En ce qui concerne l’armée, les négociations ne rentrent pas d’emblée dans ses prérogatives. C’est seulement si elle est officiellement chargée de cette mission qu’elle a un rôle à jouer dans ce sens, poursuit Khalil Hélou. "Dans l’équipe de négociations des frontières maritimes, il y avait, outre l’armée, des civils. L’armée a fourni les cartes et les civils ont négocié, vu qu’ils sont experts en droit maritime et connaissaient exactement les marges de manœuvre."

Antécédent

Le Liban a connu une situation similaire dans un passé pas trop lointain. Il s’agit des accords dits du 17 mai. En 1983, dans la foulée de l’invasion israélienne du Liban, ce dernier, dirigé par le président Amine Gemayel et le Premier minisitre Chafic Wazzan, signe un accord avec Israël mettant fin à l’état de guerre entre les deux pays. Cet accord sera abrogé sous la pression du régime syrien.

Cinq mois plus tôt, des négociations entre le Liban et Israël, sous l’égide des États-Unis, sont entamées à l’hôtel Lebanon Beach à Khaldé. La délégation libanaise, conduite par Antoine Fattal, juriste, diplomate de carrière et ancien directeur général des affaires étrangères, participera à 35 sessions de négociations entre Khaldé, Kyriyat Shmona et Netanya pour parvenir à cet accord dans lequel les États-Unis mettent tout leur poids. Le texte stipule la fin de l’état de guerre entre les deux pays et le retrait des forces armées israéliennes du Liban (à condition que la Syrie fasse de même). Il prévoit également la création d’une zone de sécurité. Toutefois, dans le contexte régional de l’époque et sous la pression de la Syrie, le Conseil des ministres décide de l’annulation de l’accord du 17 mai.

Dans le cadre de cet article, le point à relever demeure que les négociateurs étaient des techniciens et non des politiciens. Il convient également de noter que les négociations dans le cadre de ce traité ont eu lieu avant les accords de Taëf qui ont modifié les prérogatives du président de la République.