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Le ministre sortant de l’Intérieur, Bassam Maoulaoui, a fixé, au 12 mai, la date des élections municipales au Mont-Liban, au 19 mai, celles qui se dérouleront au Liban-Nord et le Akkar, et au 26 mai, la date du scrutin à Beyrouth, dans la Békaa et à Baalbeck-Hermel. Les délais pour les dépôts des candidatures au Liban-Nord se sont ouverts lundi, mais l’incertitude autour de la tenue de ces élections persiste, le président de la Chambre, Nabih Berry, ayant affirmé d’une manière qui ne prête pas à équivoque, qu’il n’est pas question pour lui d’accepter que les municipales soient organisées dans toutes les régions libanaises et non pas au Liban-Sud où les échanges d’artillerie se poursuivent sans relâche entre le Hezbollah et les forces israéliennes.

Or pour l’opposition, rien ne justifie un nouveau report du scrutin, d’autant qu’il est toujours possible de l’organiser au Liban-Sud une fois un cessez-le-feu imposé.

Qui des deux camps l’emportera? Le sort des municipales se jouera jeudi matin, place de l’Étoile. Le président du Parlement, Nabih Berry, avait convoqué les députés à une séance législative plénière le 25 avril à 11h avec, à l’ordre du jour, deux lois revêtues du caractère de double urgence. L’une d’elles porte prorogation, jusqu’au 31 mai 2025 au plus tard, du mandat des conseils municipaux et des moukhtars. La seconde concerne les volontaires de la Défense civile.

On sait plus ou moins qui va voter en faveur d’un report et qui va s’y opposer. Les blocs parlementaires des Kataëb et des Forces libanaises maintiendront leur position de principe, c’est-à-dire qu’ils boycotteront la séance puisqu’ils partent du principe que, conformément à la Constitution, la Chambre se doit non pas de légiférer, mais d’élire un président de la République.

C’est ce qu’une source des FL a confirmé à Ici Beyrouth. "Nous avons effectué une entorse à ce principe lors du vote pour la prolongation du mandat du commandant en chef de l’armée (le 15 décembre 2023). C’était une exception motivée par une question de sécurité nationale. Nous refusons la prorogation des mandats des conseils municipaux et des mokhtars. Il faut procéder aux élections dans les délais impartis", a-t-on précisé de même source.

Toujours selon les FL, "l’année passée ils (le duo Amal-Hezbollah) ont pris pour excuse le manque de fonds alors que ces fonds étaient disponibles. Cette année, ils justifient la prorogation par la guerre au Liban-Sud, alors que l’on peut procéder à des élections en excluant les zones à risques et organiser un scrutin partiel plus tard".

Selon cette source, si Amal et le Hezbollah sont tellement attachés à un report, c’est surtout parce que c’est leur intérêt qui est en jeu: "Ces deux parties ne veulent pas des élections, car dans certaines régions du Sud, elles vont devoir s’affronter individuellement. De plus, elles vont devoir affronter en duo certaines familles prééminentes de la région, ainsi que les activistes issus de la révolution du 17 octobre. Ainsi, pour éviter une discorde interne, elles préfèrent ne pas y procéder."

Les blocs alliés d’Amal et du Hezbollah voteront en faveur d’un report, alors que ceux proches de l’opposition, boycotteront la séance, comme les FL, les Kataëb, le Renouveau de Michel Moawad, et la coalition du changement (Mark Daou, Michel Doueihy et Waddah Sadek). D’autres députés indépendants feront de même. Le bloc de la Modération nationale, composé notamment d’anciens haririens, a annoncé de son côté vouloir participer à la réunion et voter en faveur d’un report des municipales.

Mais quel camp détient la majorité au cas où le quorum serait assuré? La réponse à cette question est tributaire des blocs du PSP et du CPL. Le bloc parlementaire du parti que dirige Teymour Joumblatt ne voulait pas, jusqu’à mardi, donner d’indication sur ses intentions de vote. On sait que ses députés seront présents à la réunion. Le député Bilal Abdallah l’a confirmé à Ici Beyrouth, affirmant que ces derniers sont contre le principe de l’obstruction et rappelant qu’ils ont participé à toutes les séances précédentes. Il n’a cependant pas voulu préciser si son bloc votera pour ou contre un report, se contentant d’indiquer que "la décision sera prise en fonction du déroulement de la séance".

La grande inconnue reste le bloc du CPL, qui, à l’instar de l’opposition, s’oppose à la tenue de réunions parlementaires législatives en l’absence d’un président. Son chef, Gebran Bassil, a entretenu le flou au sujet d’une éventuelle participation à la réunion et des intentions de vote de son bloc, affirmant vouloir d’abord s’assurer du niveau de préparation du ministère de l’Intérieur. Il avait expliqué qu’une décision à ce sujet dépendra des réponses du ministre sortant, Bassam Maoulaoui, à certains points que le bloc compte soulever avec lui.

Une délégation du CPL s’est rendue, lundi, à cet effet, auprès de M. Maoulaoui, mais le CPL ne fera connaître sa décision qu’au terme de sa réunion hebdomadaire, mardi après-midi.

D’aucuns pensent que le bloc de ce courant politique s’alignerait sur la politique du tandem et voterait, comme en 2023, en faveur d’un report. Ils mettent aussi cette intention de vote sur le compte du rapprochement naissant entre le CPL et Amal, dont les relations sont au plus bas, depuis des années.

La visite de Gebran Bassil, dimanche à Jezzine, était éloquente. Ce dernier était l’invité d’Ibrahim Azar, ancien député maronite proche de Nabih Berry, qui, croit-on savoir, n’aurait pas pris cette initiative si le président de la Chambre ne l’avait pas avalisée.

Lors des élections législatives en 2022, le CPL s’était présenté seul dans cette région. Idem pour le mouvement Amal. Finalement, ce sont les Forces libanaises qui ont remporté, à l’époque, deux des trois sièges en lice.

Cette tentative de rapprochement CPL/Amal, probablement en vue des élections législatives de 2026, pourrait aussi être un prêté pour un rendu que Gebran Bassil effectue à cause des élections à l’Ordre des ingénieurs, remportées par le CPL grâce aux voix du tandem Amal-Hezbollah. Un rendu qui se présenterait sous forme d’une participation de son bloc à la séance du 25 avril et d’un vote en faveur d’un report, qui serait, en fin de compte, bénéfique pour le CPL, en perte de vitesse dans plusieurs régions.

L’enjeu des élections municipales et des mokhtars

Ces élections, rappelle-t-on, sont importantes car elles assurent la continuité des services publics dans un État où les institutions sont paralysées, le Parlement bloqué et le gouvernement chargé d’expédier les affaires courantes.

Mais elles sont importantes aussi parce qu’elles permettent de procéder à un "état des lieux" politique où l’on peut jauger les positions des électeurs vis-à-vis des différents partis politiques ou même des notables des différentes régions. Ceux-ci craignent d’être sanctionnés par les électeurs pour les causes et les conséquences de la crise économique que vit le pays.

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