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Selon Ziad el-Sayegh, expert en politiques publiques et en matière de réfugiés, les régimes syrien et iranien exploitent la carte des migrants syriens au Liban pour servir leurs propres agendas.

M. El-Sayegh a répondu aux questions d’Ici Beyrouth au sujet de ce dossier qui a soulevé un tollé politique dans le pays, à la suite de l’annonce d’un plan d’aide de l’Union européenne au Liban d’une valeur d’un milliard d’euros. Pour l’opposition notamment, cette aide est destinée à "corrompre" le Liban afin qu’il garde les Syriens sur son territoire et les empêche de se rendre clandestinement vers l’Europe.

La Syrie joue-t-elle la carte des migrants pour contraindre lOccident à négocier avec elle et éventuellement obtenir la levée des sanctions contre elle?

"Le régime syrien, son allié le régime iranien et la Russie qui a entamé un plan de retour pour les migrants syriens en 2017, veulent amener les Occidentaux à financer un plan de reconstruction de la Syrie tout en garantissant la pérennité du régime syrien. Les régimes syrien et iranien manipulent la carte des migrants pour des raisons différentes. Damas œuvre pour une levée des sanctions qui lui sont imposées, alors que le régime iranien envisage un changement de l’identité de la Syrie et l’instauration d’une nouvelle donne démographique promouvant la "Syrie utile".

Quelle position le Liban devrait-il adopter à Bruxelles, lors de la conférence internationale sur la Syrie, le 27 mai, pour obtenir un soutien effectif au règlement du dossier des migrants?

"Le Liban doit proposer, à travers une diplomatie proactive collaborative avec l’Union européenne, une politique publique dont le noyau dur sera l’exigence du retour des réfugiés syriens, surtout que l’Europe connaît bien les causes derrière tout plan de retour sérieux.  À noter que le Liban est contrôlé par un acteur non-étatique (le Hezbollah) qui continue à déplacer les Syriens vers son territoire."

Par quel processus un retour massif des migrants syriens peut-il être amorcé?

"Catégoriser les Syriens présents au Liban est une première étape, nécessaire pour tout plan de retour. Aussi, mettre la pression sur le Hezbollah pour mettre sur le tapis sa présence illégitime dans de vastes zones en Syrie et imposer qu’il s’en retire afin de faciliter le retour massif de la population (sunnite) vers les régions sous son contrôle. Et, enfin, accorder les aides aux réfugiés en Syrie, plutôt qu’au Liban."