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La dernière mission de conciliation effectuée à Beyrouth les 28 et 29 mai derniers par l’émissaire spécial au Liban du président Emmanuel Macron, Jean-Yves Le Drian, a-t-elle été un échec total?  La plupart des commentateurs politiques locaux se sont empressés de répondre par l’affirmative. Ils ont peut-être été un peu vite en besogne sur ce plan du fait que la réponse à une telle interrogation dépend en réalité des attentes que l’on aurait dû avoir au sujet de cette visite. 

Pour ceux qui avaient le fol espoir que la nouvelle mission de l’émissaire français pouvait déboucher sur un réel déblocage de l’élection présidentielle, les entretiens de M. Le Drian se sont effectivement soldés par un échec. Mais un tel espoir était totalement chimérique et, par conséquent, un sérieux bémol devrait être apporté au constat d’échec. Il est, en effet, vital pour se forger une opinion lucide à ce propos de placer les concertations entreprises par l’ancien chef du Quai d’Orsay dans un contexte bien particulier. 

Les entretiens de M. Le Drian sont intervenus, d’une part, au lendemain de la récente réunion tenue mi-mai à Beyrouth par les ambassadeurs des pays membres du Quintette (États-Unis, France, Arabie saoudite, Égypte et Qatar) et, d’autre part, à la veille du sommet prévu à la fin de cette semaine entre les présidents Emmanuel Macron et Joe Biden, en marge des cérémonies marquant le 80ᵉ anniversaire du Débarquement de Normandie. L’émissaire français a ainsi vraisemblablement sondé les parties libanaises au sujet du mécanisme de l’élection du président, préconisé par le Quintette et prévoyant l’organisation de "concertations" informelles entre les blocs parlementaires, suivies de séances ouvertes pour l’élection du président sur base d’une liste restreinte de candidats. La mission de M. Le Diran avait probablement pour but aussi de soumettre au président Macron un rapport "fraîchement" mis à jour sur le dernier point des positions libanaises afin d’en discuter avec le chef de la Maison Blanche. 

Le mécanisme suggéré par les ambassadeurs du Quintette est, en soi, théoriquement rationnel et conforme aux normes. Sauf que l’obstacle qui fait obstruction à l’élection d’un chef de l’État ne se pose nullement au niveau du "mécanisme" du scrutin, mais de la décision politique de maintenir l’élection présidentielle dans l’impasse. Les développements des derniers mois ont apporté la preuve irréfutable que le Hezbollah, ou plutôt son parrain régional, ne veut pas de l’élection d’un président de la République dans les conditions présentes pour des raisons essentiellement liées aux intérêts supérieurs (régionaux) du régime des mollahs iraniens. 

De ce fait, ce n’est pas le mécanisme du scrutin qui pose problème, mais plutôt l’absence d’une décision politique – iranienne – permettant de sortir la présidentielle de l’impasse. La solution devrait donc être de même nature que le problème en soi, en l’occurrence fondamentalement transnationale, en ce sens que le déblocage devrait être recherché au niveau des décideurs régionaux qui, eux, font réellement obstruction. En clair, le Quintette devrait pouvoir transmettre aux décideurs obstructionnistes une proposition de solution "qu’ils ne pourraient pas refuser". Un peu comme dans le film Le Parrain! 

C’est dans un tel contexte que se situe l’importance de la réunion au sommet, en Normandie, entre les présidents Macron et Biden qui doivent plancher, entre autres dossiers, sur le cas libanais. Oserait-on espérer, même sur base d’une vision chimérique, que les deux chefs d’État évoqueront les moyens susceptibles d’arracher à l’axe iranien un "oui" à une proposition de déblocage qui ne saurait être refusée? Rien n’est moins sûr. Mais il n’est pas interdit de rêver… D’autant qu’un jour ou l’autre, il faudra bien en arriver là. À moins de baisser les bras face au chantage et aux manœuvres d’intimidation du terrorisme d’État.

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