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Alors que la région frôle une escalade majeure susceptible d’embraser tout le Moyen-Orient, les efforts internationaux s’intensifient pour prévenir un conflit désastreux. Dans ce contexte, la visite du secrétaire d’État du Vatican, le cardinal Pietro Parolin, la semaine dernière, a été qualifiée de "dernière tentative pour sauver le Liban". Cette visite a cependant échoué en raison des luttes de pouvoir profondément enracinées et de l’alignement officiel du Liban sur l’axe de la "résistance", également connu sous le nom de la Moumanaa.

Alors que le Liban attendait la visite du pape François après son voyage en Irak, en 2021, c’est le numéro deux du Vatican qui est arrivé pour une visite politique, bien que l’invitation fût initiée par l’Ordre de Malte. 

Lors de sa visite au Liban, le cardinal Pietro Parolin a tenu à rassurer les Libanais en affirmant que "Le Vatican n’abandonnera pas le Liban, un pays de grande importance pour le Pape". Cette déclaration s’inscrit dans la continuité de l’accord sur la fraternité humaine signé par le pape avec le grand imam d’Al-Azhar, cheikh Ahmed al-Tayeb, aux Émirats arabes unis, en 2019. Pour le Vatican, le Liban incarne "un message de coexistence islamo-chrétienne, un modèle de dialogue interculturel et un exemple de tolérance religieuse".

C’est dans ce contexte de bouleversements régionaux majeurs que le cardinal Parolin s’est rendu au Liban. Sa visite revêt une importance particulière alors que l’Orient est confronté à l’absence d’une composante fondamentale: la représentation chrétienne. À cela s’ajoute l’absence du seul président chrétien de la région, ce qui laisse craindre une marginalisation intentionnelle de cette communauté, au détriment de cette dernière et du Liban.

Lors de sa réunion à Bkerké, le secrétaire du Vatican a reçu deux messages préoccupants: d’une part, le boycott de la communauté chiite du sommet spirituel convoqué par le patriarche Raï, et, d’autre part, l’absence personnelle des principaux dirigeants chrétiens, notamment le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, et le leader des Kataëb, Sami Gemayel, qui ont préféré envoyer des représentants à la réunion. En revanche, le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, et le chef des Maradas, Sleiman Frangié, étaient bel et bien présents, soulignant ainsi les divisions au sein de la communauté chrétienne et l’absence de consensus.

En effet, l’absence de la composante chiite à la réunion était une forme de protestation contre les récentes déclarations du patriarche maronite, Bechara Raï, qui a qualifié les opérations militaires du Hezbollah et des factions palestiniennes au Liban d’actes terroristes qui compromettent la région. Les cercles proches du tandem chiite ont interprété cette absence comme un message direct adressé au Vatican, soulignant qu’au Liban "nous avons le dernier mot". 

Selon des sources proches du tandem chiite, "l’élection présidentielle est un élément secondaire et fait partie de la solution régionale", bien que le Hezbollah soutienne qu’elle n’est pas liée à la guerre à Gaza ni aux opérations militaires dans le Liban-Sud.

De leur côté, les sources proches des Forces libanaises ont perçu l’absence de M. Geagea à Bkerké comme un "message" adressé au cardinal, soulignant que la responsabilité de l’impasse présidentielle incombe au tandem chiite et non aux chrétiens.

Dans ce contexte, l’élection présidentielle est otage d’un agenda régional auquel le Hezbollah adhère malgré ses démentis. Un député a révélé que "la condition posée par le président du Parlement, Nabih Berry, de tenir un dialogue avant l’élection, ainsi que le soutien inconditionnel du Hezbollah à Sleiman Frangié comme candidat final, constituent des obstacles majeurs à l’élection présidentielle".

Le tandem chiite est conscient que les factions chrétiennes s’opposent au dialogue préélectoral et insistent sur le respect de la Constitution pour l’élection d’un président de la République. À ce sujet, le cardinal Parolin a déclaré: "La Constitution prévoit un mode de scrutin précis pour l’élection présidentielle qui doit être respecté". Il a également exhorté le Parlement à élire un président, précisant qu’il ne faut pas lier cette échéance à d’autres agendas, projets, ou événements locaux ou régionaux.

Par conséquent, toutes les tentatives pour élire un président ont échoué depuis la séance du 14 juin 2023, il y a plus d’un an et demi. Le président du Parlement n’a pas convoqué de nouvelles séances en vue d’élire un président de la République en raison de l’absence d’un consensus entre les forces politiques sur un candidat. L’idée d’un consensus sur le président, même en adoptant un système consociatif, contrevient à la Constitution qui prévoit une élection formelle plutôt qu’un consensus. Selon les cercles proches des Forces libanaises, un accord pourrait être trouvé lors de la séance parlementaire, mais il ne devrait pas être une condition préalable à la convocation du Parlement pour l’élection d’un président.

Pendant ce temps, le secrétaire général adjoint de la Ligue arabe, Hossam Zaki, a déclaré depuis Beyrouth que "les pays arabes soutiennent le Liban et mettent en garde contre le risque d’une guerre qui pourrait être dévastatrice pour le Liban, Israël, ainsi que toute la région".

Ce que l’on retient de la visite de M. Zaki, c’est l’annonce qu’il a faite que "la Ligue arabe a décidé de lever la classification terroriste du Hezbollah ", en reconnaissant son rôle perçu par les membres de la Ligue comme crucial pour l’avenir du Liban.

Les récents développements ont coïncidé avec une escalade des tensions militaires, Israël cherchant à repousser le Hezbollah de ses frontières par la guerre plutôt que par la voie politique.

En réponse, plusieurs pays étrangers ont recommandé à leurs ressortissants de quitter immédiatement le Liban, alors que les pressions sur le Liban et Israël se renforcent pour maintenir la situation sous surveillance et contrôle, conformément aux règles d’engagement. Parallèlement, les efforts de Washington pour mettre fin au cessez-le-feu à Gaza se sont intensifiés.

Ces événements se déroulent dans le contexte de la campagne présidentielle américaine en cours. Alors que celle-ci bat son plein, rien ne laisse présager une solution imminente ou une guerre inévitable. Selon des sources bien informées, il est crucial de faire la distinction entre une guerre débridée et une escalade militaire contrôlée. "Une guerre majeure est improbable en raison de son coût exorbitant et de la dévastation potentielle qu’elle infligerait au Liban et à Israël, risquant d’entraîner les États-Unis dans un conflit aux côtés d’Israël et de compromettre leurs intérêts régionaux", selon un expert militaire occidental.

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