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Alors que Washington et d’autres acteurs internationaux exercent des pressions pour instaurer un cessez-le-feu à Gaza et négocier un accord entre Israël et le Hamas dans un conflit dévastateur ayant déjà causé plus de 40.000 morts, les tensions entre Israël et le Liban frôlent le point de non-retour. Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a réaffirmé dimanche sa menace d’une intervention militaire, ordonnant à l’armée et aux forces de sécurité israéliennes de se préparer à une éventuelle escalade.

Dans ce contexte complexe, le Quintette (composé de la France, de l’Arabie saoudite, des États-Unis, de l’Égypte et du Qatar) s’est de nouveau mobilisé pour rapprocher les points de vue entre les Libanais dans le but de négocier un accord sur un troisième candidat à la présidence de la République bénéficiant du soutien de la communauté internationale. Y parviendront-ils, ou cet effort n’est-il qu’un moyen de combler le vide et de mettre en lumière les préoccupations internationales?

L’initiative du Quintette intervient alors que l’administration de Joe Biden cherche à imposer un cessez-le-feu à Gaza avant les élections américaines, en proposant un nouveau projet révisé qui comprend la libération des otages.

Le secrétaire d’État Antony Blinken a affirmé que l’administration américaine cherche à conclure un accord de normalisation entre Israël et l’Arabie saoudite avant la fin du mandat de Biden, et que cet accord est déjà à 90% achevé.

Partant, Blinken invite Israël et le Hamas à "collaborer" sur les questions en suspens, notamment le maintien de l’armée israélienne sur cinq sites du couloir de Philadelphie et les conditions du retrait après une première phase de 42 jours, ainsi que la mise au point des modalités d’un échange de prisonniers impliquant des otages du Hamas et des détenus israéliens.

Par ailleurs, Biden accuse le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, de bloquer cet accord de libération d’otages, tandis que ce dernier refuse un cessez-le-feu permanent.

Avec cette nouvelle proposition, les États-Unis passent de la négociation à l’imposition pour parvenir à un accord, après que le Hamas a accusé Israël d’avoir saboté le plan de Biden.

Selon des sources diplomatiques, "l’élection présidentielle restera en suspens tant qu’il n’y aura pas de nouveaux développements régionaux, de changements significatifs dans les positions libanaises ou d’accord de cessez-le-feu à Gaza. Les actions militaires en cours, notamment le soutien du Hezbollah au Hamas, compliquent davantage la situation en détournant l’attention d’Israël."

Face à cette situation, les membres du Quintette ont réparti les responsabilités. Les Américains, les Égyptiens et les Qataris concentrent leurs efforts sur la négociation d’un cessez-le-feu avant les élections américaines, conformément aux souhaits de Biden. Toutefois, selon des sources américaines proches des Républicains, atteindre cet objectif avant les élections semble difficile. Cela pourrait entraîner la chute du gouvernement Netanyahou et son procès, ce qui compromettrait son choix stratégique entre Donald Trump et Kamala Harris.

En fait, Netanyahou souhaite éviter de reproduire le scénario de 2016 au Liban: les forces du 14 Mars avaient alors précipitamment soutenu le candidat du duopole Amal-Hezbollah, Michel Aoun, par crainte de voir élue Hillary Clinton, et ont été surprises par la victoire de Trump.

Ainsi, Netanyahou garde ses options stratégiques ouvertes, tandis que les responsables français et saoudiens du Quintette, ayant obtenu la confirmation de l’Iran qu’il "ne s’ingère pas dans cette échéance, laissée à Hassan Nasrallah, mieux informé des affaires libanaises", se concentrent sur le dossier gelé depuis le 14 juin 2023. Ils agissent avec un mandat tacite de Washington, absorbé par ses élections, et de l’Égypte.

Les réunions des ambassadeurs du Quintette avec diverses forces politiques et responsables ont suscité un sentiment de soulagement et laissé entrevoir une disposition à élire un président. Le Quintette exhorte à agir rapidement, avertissant que manquer cette fenêtre cruciale pourrait retarder l’élection jusqu’à l’été 2025. Les craintes vont crescendo également quant à une possible détérioration de la situation au Liban à l’aune des conflits en cours à Gaza, en Cisjordanie et dans le Sud, si un cessez-le-feu n’est pas atteint. Ces inquiétudes se sont intensifiées après le renouvellement unanime du mandat de la Finul par le Conseil de sécurité de l’ONU, malgré l’abstention de la Russie.

Les positions des ambassadeurs du Quintette, révélées lors de leurs rencontres, sont notables. Un membre du Quintette a noté que: "des progrès sont réalisés dans les négociations et l’administration Biden fait pression pour obtenir un cessez-le-feu afin de peser dans la campagne électorale. Le renouvellement du mandat de la Finul nécessite un président pour appliquer la résolution 1701, résoudre les différends sur les 13 points litigieux et délimiter les frontières. Le Liban a besoin d’un président qui puisse s’engager activement dans les négociations régionales, afin que le pays ne soit pas un simple dossier en attente, mais qu’il puisse réellement participer aux discussions et influencer son propre destin".

Un diplomate occidental se demande ce que ramènera l’émissaire français Jean-Yves Le Drian d’Arabie saoudite, et ce qu’il apportera au Liban s’il décidait d’y retourner. Selon l’un de ses membres, la décision sera prise à l’issue de la réunion du Quintette le 14 de ce mois.

Selon des sources informées, il a été décidé en Arabie saoudite que le Quintette reprendrait le travail, en parallèle avec la pression américaine pour un cessez-le-feu et les efforts pour créer une atmosphère positive.

Des sources officielles arabes ont indiqué que "la réunion de Riyad était prometteuse et pourrait contribuer à sortir le dossier de l’impasse et de l’inertie, et à assouplir les positions des parties, notamment celles de l’axe de la Moumanaa".

Dans la foulée, Le Drian poursuivra ses efforts diplomatiques en se rendant en Égypte et au Qatar. Cependant, selon des sources du Quintette, "cette initiative ne suffira pas à mettre fin au vide présidentiel si les forces politiques ne font pas de compromis".

Alors qu’Amal et le Hezbollah restent attachés à la candidature de Sleiman Frangié, on assiste à une certaine flexibilité de la part du Hezbollah, inquiet du "jour d’après", du compromis éventuel et de l’arrivée de Trump à la Maison Blanche.

Le duopole Amal Hezbollah a perçu qu’un compromis était en préparation entre Washington et Téhéran, ce qui a poussé le Hezbollah à faire montre de moins de rigidité vis-à-vis de l’étranger pour élire un président. Depuis le 14 juin, le président du Parlement, Nabih Berry, a suspendu les appels à une session électorale. Pour cause, l’absence de consensus et le rejet par le bloc de l’opposition de son approche en trois points: "dialogue, consensus et élection", appelant plutôt au respect des procédures constitutionnelles pour l’élection d’un président. En conséquence, le bloc de la Modération a renouvelé ses efforts pour résoudre l’impasse présidentielle, en vue de former un nouveau gouvernement capable de prendre des décisions cruciales pour résoudre la crise et fournir au Quintette un projet révisé de l’initiative du bloc.

Par ailleurs, un ambassadeur du Quintette révèle que tous les membres sont convaincus de la nécessité d’aller vers un compromis respectant les équilibres.  "Il est crucial que le futur président réponde aux critères établis par le groupe pour éviter que son arrivée à Baabda soit perçue comme une victoire pour un camp et une défaite pour un autre. Le président devra également maintenir de bonnes relations avec toutes les parties politiques, jouer un rôle d’arbitre dans les conflits, sans en être un acteur direct".

Il ajoute que "la question de la présidentielle est dans le camp des parties politiques, qui ne peuvent fuir leur responsabilité en invoquant le manque d’entente entre les ambassadeurs du Quintette sur un mécanisme précis ou un nom en particulier. Ces derniers sont d’accord pour laisser les Libanais choisir leur président eux-mêmes, tout en veillant à ne pas s’impliquer dans le jeu de noms".

Si les efforts nationaux pour élire un président échouent, l’attention pourrait se porter sur le commandant en chef de l’armée. Dans ce scénario, des acteurs extérieurs, en particulier Washington, pourraient imposer un candidat une fois qu’un accord avec l’Iran aura été finalisé et qu’ils se seront assurés du soutien de la nouvelle administration sous la bannière de la "renaissance du Liban et de sa réintégration dans les sphères régionales et internationales".