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Tout ou presque a été dit sur les procédés qui ont permis à Israël de porter un double coup phénoménal au Hezbollah, sur les plans militaire et psychologique, à travers les deux attaques meurtrières aux bipeurs et aux talkies-walkies piégés contre des milliers de combattants de cette formation.

L’attention porte aujourd’hui sur le point de savoir si la riposte, promise mardi par le Hezb après la première attaque aux bipeurs piégés, sera à la hauteur de l’opération israélienne inédite, avec tous les risques qu’elle comporte, ou si, au contraire, le Hezbollah choisira encore une fois de tempérer, dans l’intérêt de desseins autrement stratégiques.

Dans cette guerre d’usure à laquelle les deux protagonistes se livrent depuis onze mois, Israël a poussé le bouchon un peu loin, en faisant exploser en 24 heures, les principaux moyens de communication de la formation pro-iranienne. Une opération inédite menée en deux temps et qui a fait 37 morts et 3.021 blessés, dont 226 aux soins intensifs, selon un dernier bilan du ministère de la Santé.

La double attaque aux bipeurs piégés (ces petits appareils sans fils dont se sont dotés les cadres et les combattants du Hezb, il y a quelques mois, afin de contourner les risques de piratage et d’espionnage liés aux smartphones), mardi, et aux talkies-walkies, mercredi, a mis en évidence, une nouvelle fois, le décalage spectaculaire au niveau des moyens mis en place et employés par Israël dans cette guerre, d’une part, et ceux du Hezbollah et de son patron iranien, d’autre part.

Ce décalage se manifeste notamment au niveau de la technologie et des renseignements, ces deux armes redoutables qui permettent de gagner une guerre à moindre coût et grâce auxquelles Tel-Aviv a, depuis le départ, une longueur d’avance sur la formation pro-iranienne.

Depuis le 8 octobre 2023, Israël a montré à plusieurs reprises qu’il était capable de déstabiliser le Hezbollah, rien qu’en mobilisant ses experts derrière leurs bureaux. Et, cela, sans enfreindre les sacro-saintes règles d’engagement auxquelles les deux adversaires se conforment plus ou moins depuis près d’un an.

Double option

Face aux moyens déployés par Israël, ceux du Hezbollah font donc piètre figure malgré les fanfaronnades régulières du chef de cette formation, Hassan Nasrallah, qui va se prononcer, jeudi, au sujet de l’attaque. Ce discours est, pour une fois attendu, parce qu’il devrait normalement déterminer le cours des événements à venir.

Jusque-là, la nature des ripostes du Hezbollah aux coups durs qu’Israël lui assène des mois, témoigne d’un autre décalage, tout aussi saisissant mais très significatif, entre les menaces adressées à Tel Aviv et les actes censés concrétiser celles-ci sur le terrain. Un décalage est sans doute voulu, pour multiples raisons stratégiques et politiques.

Mais aujourd’hui, la donne a changé. En annonçant mardi matin, qu’il "changeait les objectifs de guerre pour assurer le retour chez elle de la population déplacée des régions nord", puis en lançant quelques heures plus tard, la double attaque aux appareils piégés, Israël a mis en route un nouveau processus censé déboucher sur un règlement radical du conflit militaire à sa frontière avec le Liban. Par les moyens militaires ou diplomatiques.

Car, l’option d’une solution diplomatique n’est toujours pas écartée, comme en atteste le branle-bas international consécutif à l’attaque de mercredi. Des représentants de la diplomatie américaine, française, allemande, italienne et britannique tiendront une réunion jeudi à Paris pour discuter des risques de dérapage dans la région, tandis que la Maison-Blanche annonçait en soirée une intensification des efforts pour éviter une escalade à la frontière sud.

Souhaitée également par Tel-Aviv, l’option diplomatique continue cependant de se heurter aux exigences d’un Hezbollah qui conditionne tout règlement à un cessez-le-feu préalable à Gaza.

En cas d’échec, l’option militaire semble inévitable, suivant la rhétorique de Tel-Aviv qui aurait peut-être cherché, à travers sa double attaque, à entraîner le Hezb vers une confrontation globale.

Dans les deux cas, le Hezbollah se voit piégé. "Je ne pense pas qu’il réagira différemment de sa riposte à la liquidation de Fouad Chokr", un des principaux chefs militaires du Hezb, commente pour Ici Beyrouth, Riad Kahwaji, analyste en sécurité et défense au Moyen-Orient basé à Dubaï et directeur de l’Institut d’analyse militaire du Moyen-Orient et du Golfe (Inegma). Selon lui, la formation pro-iranienne "ne veut toujours pas d’une guerre d’envergure et continue de se conformer aux règles d’engagement qu’elle s’est imposées".

Mais le Hezbollah, amputé d’un grand nombre de ses combattants et qui nourrit sa popularité de sa prétendue supériorité militaire, pourra-t-il continuer d’adopter les mêmes tactiques ou, au contraire, ripostera-t-il, en ciblant cette fois des objectifs militaires israéliens, sur base de l’équation établie par Hassan Nasrallah lui-même: un civil pour un civil et un militaire pour un militaire? Se hasardera-t-il à la mettre en application? La réponse est d’emblée non. D’abord parce qu’une telle riposte coûtera cher à la formation pro-iranienne et au Liban, ensuite parce qu’à travers son implication dans le conflit entre Israël et le Hamas, à travers ses mandataires régionaux, son parrain, l’Iran, cherche toujours à atteindre d’autres objectifs, politiques, qu’une guerre d’envergure pourrait compromettre. Et jusque-là, la stratégie iranienne n’a pas changé.

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